« La révolution numérique sera sans doute considérée comme un tournant décisif de l’histoire des sociétés, comme le fut la révolution industrielle il y a plus d’un siècle, et, dont l’invention du cinématographe fut une des manifestations. Le cinéma, pour autant, va-t-il mourir de cette révolution-ci ? Notre réponse est non. Mais pour cela, il faut s’en occuper. C’est ce que nous faisons à L’ARP, défendre notre art et lui conserver une pertinence dans un monde qui change et qui ne cesse de s’inventer. Notre but est de faire en sorte que dans 25 ans, on puisse encore parler de cinéma ailleurs que dans un musée ou une cinémathèque…», souligne collégialement le conseil d’administration de l’ARP*.
Des combats sur plusieurs fronts…
L’ARP représente un organe de consultation et de surveillance des décisions politiques actif, et, pour cette société civile, les dernières évolutions du crédit d’impôt soumises au vote du Parlement, ainsi que les récentes mesures anti-inflation des coûts des films ou encore d’amélioration de la transparence prises par le CNC, vont dans la bonne direction : « Elles nous ont confirmé que nous étions encore capables de réflexions communes, de solidarités collectives et même d’accords professionnels.
Les accords signés cette année avec CANAL+ ont notamment permis de s’assurer d’un minimum de films préachetés. Cet engagement confirme la volonté du groupe continuer sa mission de soutien au cinéma et de bien continuer avec nous. Cette initiative, véritable encouragement, sécurise les cinq prochaines années »…
Pendant les rencontres de Dijon, Maxime Saada, Directeur Général du Groupe CANAL+ a, pour sa part, souligné l’intérêt du groupe a s’engager dans une politique favorable à l’essor de projets cinémas ambitieux : « le cinéma reste la principale motivation de nos souscripteurs qui s’abonnent à 70% pour voir des films … Contrairement à ce que l’on peut entendre ! ». Maxime Saada a également constaté une démultiplication des productions américaine autour de la thématique des super héros… « Les spectateurs de CANAL+ sont des adultes, pas des ados. Leurs attentes sont différentes : ils sont davantage en demande de films de genre, de polars et de films d’actions, il y a donc une carte à jouer face à cette tendance ».
Les 25èmes Rencontres Cinématographiques de Dijon ont aussi été, une fois de plus, l’occasion de rappeler l’inquiétude de la communauté face aux dysfonctionnements de la chronologie des medias. La multiplicité des exploitations et des écrans rendue possible par le numérique induit, en effet, la nécessité de redessiner la façon dont les films sont exposés… « Il faut en prendre toute la mesure et savoir l’accepter, avec ambition, sans crainte ni fatalisme. Nous appelons à ce que l’ordonnancement des écrans soit redéfini afin de répondre aux attentes des publics, à la nouvelle physionomie du paysage cinématographique et aux grandes disparités dans l’exploitation des films ».
Dans la perspective de favoriser la pérennité de la distribution indépendante et de conserver une diversité favorable aux films qui rencontrent le succès comme aux films moins exposés, l’ARP renouvelle son souhait de travailler activement avec l’ensemble du secteur et aux côtés du CNC afin de :
– Moderniser les systèmes de soutien à l’exploitation et à la distribution ;
– Inventer des mesures incitatives pour exposer les œuvres de façon suivie et suffisamment longue, dans la salle et ailleurs ;
– Réformer en profondeur la chronologie des médias.
« Nous avons pris bonne note du fait que le CNC s’engage à accompagner la modernisation de la classification des films, et à améliorer l’aide au développement, en instaurant notamment un système de bonus. Il s’agit pour nous, non pas de déséquilibrer notre modèle économique, mais bien de le faire évoluer pour qu’il soit viable pour l’ensemble du secteur.
Nous interpelons à ce titre les institutions européennes, pour qu’elles s’attaquent aux vraies urgences. En matière culturelle, il faut rendre impossibles les stratégies d’optimisation fiscale lorsqu’elles sont déloyales et destructrices de valeurs morales et économiques.
Au plan national, il est absolument essentiel que les autorités publiques françaises de régulation en matière de cinéma s’engagent sur la même voie, en décidant une nouvelle politique d’obligations des groupes audiovisuels, en y intégrant notamment leurs déclinaisons numériques. Imaginer qu’il en soit autrement paraît impensable, à une époque où nous nous efforçons de répondre au piratage et d’améliorer l’accès légal des œuvres aux publics.
Nous interpellons aussi nos grands partenaires, CANAL+ et France Télévisions, et leurs toutes récentes directions. Nous leur demandons de réinventer avec nous la place du cinéma à la télévision, telle qu’elle est en train de s’inventer. En dépend notre destin commun. En ce qui concerne plus particulièrement France Télévisions, nous insistons sur le fait que nous sommes favorables à une télévision de rattrapage pour les films coproduits, en échange d’une meilleure éditorialisation des œuvres de la diversité, », poursuit le conseil d’administration de l’ARP.
« Nous voulons faire œuvre d’invention, et nous avons la faiblesse de croire que la singularité de nos films permettra d’offrir une parade à l’obscurantisme grandissant et violent que le monde connaît aujourd’hui, et qui se nourrit lui aussi de la révolution numérique. Ne l’oublions pas, cet obscurantisme a, entre autres, désigné l’art et la liberté d’expression comme ennemis. Continuer à s’exprimer librement, en faisant des films par exemple, c’est plus que jamais notre combat ; mais au-delà, c’est aussi une responsabilité collective dont l’histoire sera comptable », conclu le conseil d’administration.
*Le Conseil d’Administration de L’ARP est composé de :
Claude Berri+, Président Fondateur
Claude Lelouch, Président d’Honneur
Dante Desarthe et Eric Lartigau, Co-Présidents
Michel Hazanavicius et Thomas Langmann, Vice-Présidents
Camille de Casabianca et Joël Farges, Membres du Bureau
Evelyne Dress, Trésorière
Et les membres du Conseil d’Administration :
Julie Bertuccelli, Patrick Braoudé, Costa Gavras, Nicolas Gessner, Cédric Klapisch,
Gérard Krawczyk, Jeanne Labrune, Olivier Nakache, Raoul Peck, Jean-Paul Salomé,
Coline Serreau, Frédéric Sojcher et Eric Tolédano.
Retrouvez le programme complet des rencontres 2015 sur : www.rencontres-cinematographiques-de-dijon.fr
Photo d’illustration : Jacques Audiard, président des 25èmes rencontres de l’ARP.