Pour retourner dans le monde de Thra et réimaginer le film Dark Crystal pour une nouvelle génération de téléspectateurs sur Netflix, les objectifs anamorphiques Cooke ont été choisis pour de nombreuses raisons. Ils ont notamment permis de véritablement transformer les marionnettes utilisées dans la série, les rendant « plus majestueuses » d’après le directeur photo Erik Wilson. « On se laisse prendre dans l’intrigue et dans les personnages, et on oublie que ce sont des marionnettes », explique-t-il.
Le Dark Crystal original est un film phare des années 1980, un chef-d’œuvre de fantasy qui a mis sur le grand écran le talent que Jim Henson avait développé en plus de dix ans sur Sesame Street. Aussi ambitieux que spectaculaire, ce film fait partie des souvenirs d’enfance qui ont marqué toute une génération de cinéastes.
Tout cela en faisait un candidat idéal pour Netflix en 2019. La Jim Henson Company a initialement présenté le projet au géant du streaming sous la forme d’une série animée, estimant que Netflix ne souhaiterait pas prendre le risque financier important que représentait une production utilisant des marionnettes. À leur surprise, cependant, Netflix a décidé de produire cette nouvelle version, en utilisant la technologie traditionnelle de marionnette, chère à Jim Henson.
Cette série préquelle de dix épisodes intitulée Dark Crystal : le Temps de la résistance, a vu son tournage commencer en novembre 2017 dans un ancien entrepôt de Langley Studios (à Slough, à l’ouest de Londres), avec le réalisateur Louis Leterrier et le directeur photo Erik Wilson.
« J’ai toujours su que ça ne serait pas un projet modeste, mais j’ai tout de même été complètement surpris par l’envergure et les ambitions de cette série, se souvient Erik Wilson. Je pensais que les marionnettes seraient cachées derrière une table, et qu’on les filmerait avec une caméra immobile… mais je n’y étais pas du tout. Chaque plan est en mouvement. Nous n’avons filmé qu’un seul plan fixe dans toute la série, et il n’a même pas été gardé au montage ! »
Louis Leterrier avait auparavant produit un film test, filmé à l’aide d’une Red Dragon, et demandé à Red Digital Cinema de mettre au point un mode d’extraction 1:1 (4 320 × 4 320) permettant de reconstituer l’image produite par les objectifs Anamorphic/i de Cooke. Dark Crystal : le Temps de la résistance a été filmé au format 2.2:1 à l’aide de cinq caméras Red Dragon 4K spécialement modifiées, avec un filtre optique passe-bas Gold de KipperTie. « La 4K produit des images presque trop nettes, et le filtre permet de compenser », explique Erik Wilson.
Les objectifs Anamorphic/i de Cooke ont été choisis pour cette production, pour diverses raisons. Premièrement, le plateau de tournage était inhabituel. La hauteur de plafond, déjà basse, était encore réduite de 1,20 m pour accommoder la plate-forme permettant aux marionnettistes de déplacer les différents décors (les scènes d’extérieur étaient filmées en studio). L’espace disponible était donc limité.
« Dans ce contexte, l’objectif idéal produit une image avec certains éléments flous, ce qui permet de laisser dans le cadre des parties du studio, ou encore le corps des marionnettistes, que le flou rend impossibles à distinguer : les objectifs anamorphiques sont donc parfaits. Beaucoup d’objectifs ne seraient pas adaptés, parce qu’ils sont conçus pour un capteur légèrement plus petit ; mais en examinant différents objectifs qui me plaisaient, je me suis aperçu que les objectifs Cooke étaient compatibles avec le capteur carré de la caméra que nous utilisions. Nous avons réalisé quelques tests, et les résultats étaient très bons. J’aime beaucoup les objectifs Anamorphic/i de Cooke. Ils ont de la personnalité et du charme, mais ils sont également excellents d’un point de vue technique. »
Il a fallu beaucoup de tests avant de trouver la combinaison de matériel qui produise le meilleur rendu de la peau et du maquillage des marionnettes dans les conditions d’éclairage utilisées. Le tournage ayant été effectué par blocs, l’éclairage était assuré par des leds de couleurs réglables, intégrées aux décors : celles-ci pouvaient ainsi être démontées à la fin d’une session de tournage, pour être remises en place dans le même état des mois plus tard.
Les objectifs Cooke étaient parfaitement adaptés à ces conditions de tournage peu conventionnelles. « C’est un look que j’aime beaucoup : chaud, doux et rond. Il fonctionne à merveille avec le capteur de la caméra », explique Erik Wilson. « Si l’on compare les images produites par les objectifs sphériques et anamorphiques, on voit que les objectifs Cooke donnent aux marionnettes une certaine majesté ; le spectateur est vraiment transporté dans leur univers. »
Et puis il fallait bien sûr rester fidèle à l’original de 1982
« Pour la série, nous avons basé toute notre méthodologie sur celle du film, en allant un peu plus loin puisque nous continuions l’exploration de cet univers avec bien plus d’équipements à notre disposition. Il fallait également suivre un calendrier de tournage TV plutôt que de tournage cinéma, ce qui était parfois épuisant », ajoute-t-il.
Le tournage a duré 180 jours au total, qui ont mis à rude épreuve Erik Wilson et son équipe, qu’il remercie pour leur excellent travail : Andy Lowe (chef électricien), Ronan Murphy (chef machiniste), ainsi que Iwan Prys Reynolds et Jon Garwes (pointeurs). Le tournage a même été si long que l’équipe a changé ses objectifs standards : au début du projet il s’agissait d’objectifs de 40 et 75 mm, et à la fin de 50 et 100 mm.
« Les objectifs Cooke Anamorphic/i offrent une large gamme de distances focales, et nous les avons toutes utilisées, mais les gros plans filmés avec les objectifs de 75 et 100 mm étaient les plus réussis. La qualité d’image et l’uniformité des images d’une distance focale à l’autre étaient extraordinaires. Nous avons utilisé ces objectifs avec beaucoup de plaisir, d’autant plus qu’ils sont conçus pour les productions modernes : les éléments frontaux font la même taille, les bagues de réglage de la mise au point et du diaphragme sont situées au même endroit, tous les composants mécaniques sont en place et on peut changer d’objectif très rapidement, ce qui est essentiel quand on dispose de peu de temps. »
Le résultat est une série très impressionnante, qui représente un véritable tour de force technique et de savoir-faire. « On m’a envoyé les épisodes pour des vérifications avant l’étalonnage, et je me suis assis pour en regarder un, puis le suivant, et… j’ai regardé toute la série d’un coup ! J’avais complètement oublié que j’étais censé regarder les épisodes pour les analyser et travailler dessus », conclut Erik Wilson.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #36, p. 30-32. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.