Passage en revue de la gamme étendue Canon EOS Cinéma

Quand j’ai appris l’arrivée de la C500 MKII l’été dernier, suivie quelques mois plus tard par la C300 MKIII, j’ai été vraiment étonné par l’ambition affichée par Canon sur sa fiche technique et séduit par le positionnement tarifaire moins élitiste qu’auparavant.
La C500MKII, une caméra compacte et modulaire. © DR

 

J’ai été invité à Berlin lors du lancement de la première C300 à l’automne 2011, ils avaient fait les choses en grand et nous avons tous été surpris de voir arriver cette première caméra qui inaugurait la gamme EOS Cinéma. Là où tout le monde imaginait un hybride dans la succession du 5D Mark II, Canon nous proposait une caméra ambitieuse à l’ergonomie innovante et offrant une polyvalence rare.

La suite de l’histoire on la connaît, les C300, C100 et C200 sont devenues très populaires pour la production télé. La C500 et la C700, malgré une très belle qualité d’image saluée par les directeurs photo les plus exigeants et des innovations intéressantes, n’ont pas rencontré le succès mérité peut-être à cause d’un tarif un peu trop élevé face à la concurrence ?

J’ai eu la chance de faire partie des premiers beta testeurs de la C500 MKII en novembre 2019 quelques mois avant sa sortie et j’ai tourné avec récemment pour un vrai projet de clip.

La C300 MKIII a exactement le même boîtier et de nouvelles fonctionnalités très innovantes avec son système « dual gain » qui propose que chaque pixel soit « lu » à deux sensibilités différentes pour que le processeur puisse faire un mélange ensuite, une innovation très pertinente sur le papier que je n’ai pas encore vraiment pu tester, mais qui me plaît beaucoup. Les premières images que j’ai reçues de mes collègues m’ont permis de me rendre compte du bruit très contenu de la C300 MKIII.

 

Ergonomie

Les deux caméras partagent le même boîtier, celui-ci est plus compact et son design est à la fois plus homogène et plus polyvalent que ceux des générations précédentes. Les deux caméras sont modulaires et pourront être accessoirisées selon les besoins avec un dock offrant plus de connectique et le support des batteries VMount, un viseur, etc.

La poignée supérieure amovible, la poignée rotative et l’écran orientable restent présents, mais le petit viseur à l’arrière est désormais un accessoire amovible. Canon a voulu faire de ces deux modèles des caméras que l’on peut à la fois utiliser en solo en conservant des objectifs photo de la gamme EF, en version cinéma, des objectifs en monture PL avec tout un tas d’accessoires ou encore en version ultra compact pour la mettre sur un drone, un Guimbal ou une grue.

J’aime bien cette idée de modularité et ce format cubique, les tournages d’aujourd’hui nécessitent de pouvoir accrocher nos caméras sur tout un tas de machineries diverses et variées.

La qualité de fabrication est très bonne et elle inspire confiance. Le choix des matériaux et la sensation au toucher est très agréable. Le petit détail que j’ai beaucoup aimé, c’est le rétro éclairage de la plupart des boutons. Pour moi qui fais beaucoup de tournages de captation de concerts, c’est un petit plus qui fait vraiment la différence !

Que ce soit dans le positionnement des différents boutons comme dans la partie menus et logiciels, ces deux caméras sont très agréables à travailler. Leur logique est assez facile à comprendre, mis à part sur la partie relecture/effacement des rushs enregistrés qui reste encore à améliorer.

 

Les différences

Si le boîtier reste le même entre les deux caméras, les différences fondamentales se situent au niveau du capteur. La C300 MKIII a un capteur dit « Super 35 » de 26,2 x 13,8 mm d’une résolution de 9,6 millions de pixels qui permet d’enregistrer une image 4K. Cette taille de capteur est un peu plus large que l’APS-C de Canon qui propose un crop factor de x1,6, nous sommes là sur un facteur de x1,43.

Ce petit détail a son importance car la plupart des objectifs de la marque, dits EF-S, ne couvrent pas la totalité de la surface du capteur et vignette, surtout les grand angles. Pour les petits malins qui comme moi adorent le 18/35 mm Sigma ART f:1.8 par contre pas de problème, celui-ci couvre parfaitement, il n’y a pas de vignettage !

La C500 MKII est équipée d’un capteur dit « full frame » de 38,1 x 20,1 mm et d’une définition de 20,8 MP qui permet d’enregistrer une image 6K (5,9K pour être précis).

Les deux caméras sont équipées du même processeur Digic DV7 et proposent une monture interchangeable soit Canon EF, soit Canon EF avec verrouillage soit PL. Il est aussi possible de passer par un adaptateur pour monter des objectifs B4.

Les deux caméras proposent plusieurs codecs à l’enregistrement dont le Raw Light qui est la version Raw compressée façon Canon. En combinaison du fameux codec XF-AVC qui propose une quantification 10 bits 4:2:2, tout cela en interne sur des cartes CF Express. Malgré la présence d’un slot pour une carte SD, celui-ci n’est là que pour enregistrer des proxys en 1080p. Le Raw, même s’il est light, ne passera pas sur les cartes SD.

En ce qui concerne les durées d’enregistrement disponible en 6K (5 952 x 3 140) sur la C500MKII vous aurez environ 30 minutes d’enregistrement et 65 minutes en 4K, ce qui est sensiblement équivalent en 4K sur la C300 MKIII.

Du côté des résolutions, contrairement à d’autres constructeurs, Canon a bien compris l’importance de proposer les définitions 4K/2K DCI en plus des définitions HD et UHD. La gestion de l’anamorphique est aussi parfaitement intégrée.

Côté ralenti, la C300MKII semble plus douée que sa grande sœur puisqu’elle propose jusqu’à 120 images par seconde en Raw Light 4K comme en XF-AVC alors que la C500 MKII ne va pas au-delà du 60p dans cette résolution comme en 6K, quel que soit le codec utilisé. Il est par contre possible de faire du 120fps en 2K (en crop S16).

 

Les accessoires et la modularité

Si l’écran rotatif est très agréable à utiliser, il est relativement lumineux et le traitement antireflet est plutôt bon. J’ai aussi apprécié le petit viseur optionnel baptisé EVF-V50, c’est à mon avis l’accessoire indispensable pour qui aime cadrer avec un viseur, mais ne saurait se passer d’un écran.

Par ailleurs le viseur haut de gamme issu de la C700 est bien entendu utilisable sur ces deux caméras, mais son branchement prive les caméras de l’utilisation de l’écran tactile, ce qui n’est pas le cas avec l’EVF-V50 ; c’est fort dommage de ne pas voir prévu deux branchements à cet effet. Le viseur haut de gamme EVF-V70 est proposé à un tarif de près de 5 000 € TTC ; même s’il est d’excellente qualité, c’est quand même beaucoup d’argent pour une caméra à 10 ou 15 k€ ; pourtant son tarif a baissé de 2 000 € récemment.

Les deux caméras peuvent être alimentées par les batteries type BP-A30 ou BP-A60 de chez Canon, ce qui sera apprécié par les loueurs et les propriétaires des générations précédentes.

Les modules d’extension EU-V1 et EU-V2 permettent d’ajouter une connectique étendue et un module pour alimenter la caméra en V-Mount pour le module EU-V2.

 

Un autofocus impressionnant

Les deux caméras proposent un autofocus qui m’a vraiment impressionné, la détection des visages et des yeux est vraiment de plus en plus difficile à piéger. C’est quasiment du 100 % à chaque coup y compris dans les hautes vitesses à 60 fps, et même 120 ça fonctionne très bien.

Là où la Canon marque des points face à la FX9 de Sony, c’est dans le fait d’avoir équipé ses deux caméras d’un écran tactile. Ce qui était considéré jusqu’il y a peu comme un gadget est un élément qui m’a manqué sur la FX9 ; le fait de pouvoir choisir le visage à suivre sur un comédien plutôt qu’un autre est tellement plus efficace à sélectionner du bout du doigt plutôt qu’à travers l’utilisation d’un joystick !

L’autofocus est paramétrable à loisir tant en termes de réactivité qu’au niveau de la progressivité et de la rapidité des bascules de mise au point. Ce détail m’a vraiment impressionné car avec les bons réglages, les bascules de point sont vraiment très douces et très progressives, on pourrait jurer qu’on a amené le meilleur pointeur de la galaxie avec soi pour faire le point. Il est même possible de travailler les courbes de vélocité de celui-ci avec une notion d’accélération et de progressivité. Je ne voudrais pas m’attirer les foudres de mes amis assistants caméra, mais c’est vraiment terriblement efficace !

Une anecdote amusante en 2011 à la présentation de la C300 première du nom à Berlin, j’avais fait part de mon étonnement, à un des responsables de Canon, de l’absence de l’autofocus sur cette nouvelle caméra, il m’avait répondu à l’époque que les professionnels de la vidéo et du cinéma n’aimaient pas utiliser l’autofocus. De mon côté je lui avais raconté que les photographes professionnels n’avaient pas été très accueillants à l’arrivée de l’AF. Pourtant il a vite été adopté ; aucun constructeur ne ferait aujourd’hui machine arrière.

C’est justement l’un des gros points de rivalité dans la photo entre Canon et Nikon. Je pense que si les professionnels de la profession n’aiment pas le changement, ils seront bien assez vite convaincus du bien-fondé d’un tel automatisme à partir du moment où il est efficace et là, c’est le cas !

 

Dynamique, couleur et qualité d’image

La C300 MKII semble plus efficace que sa grande sœur en basse lumière grâce à sa nouvelle technologie de « dual gain pixel » qui, je le rappelle, permet d’avoir une double exposition sur deux lectures de chaque photosite et une fonction qui permet d’avoir la combinaison des deux images grâce à la puissance du processeur.

La C500 MKII est déjà très douée avec les hautes sensibilités, mais la montée de bruit se fait plus ressentir sur les images tests que j’ai pu analyser. À noter que Canon n’a pas succombé à la mode du « dual iso » qui permet à de nombreuses caméras d’avoir non pas une mais deux sensibilités natives.

Sur ces caméras Canon, la sensibilité fonctionne par paliers multiples de 400 Iso, ainsi l’image retrouve un bon rapport signa bruit à 400 / 800 / 1 600 / 3 200 Iso, etc. Il faut donc éviter les valeurs intermédiaires. Ainsi, il vaut mieux tourner à 3 200 Iso avec un filtre neutre pour avoir un meilleur rapport signal bruit qu’à 2 500 Iso par exemple.

Pour ma part, j’ai trouvé la montée du bruit très progressive et très bien gérée, son rendu esthétique est plutôt agréable et donne un effet plus proche d’un joli grain cinéma que d’un vilain bruit chromatique typique de la vidéo.

A contrario de la C500 MKII, la C300 MKIII n’a pas forcément besoin d’être surexposée pour proposer la meilleure image en termes de rapport signal bruit comme en termes de dynamique et de colorimétrie ; c’est plutôt étonnant, mais les habitudes de travail peuvent être un peu un piégeantes avec cette nouvelle technologie de double exposition ; il faudra donc faire attention à ce point et prendre vos précautions en faisant des essais avant votre premier tournage.

J’ai passé plus de temps sur la C500 MKII puisque je l’ai utilisée en production sur le tournage d’un clip ; j’ai apprécié sa dynamique et sa colorimétrie, même si, comme me l’a montré l’ami Sylvain Berrard, coloriste et restaurateur de films, qui a testé le signal dans Davinci Resolve, il semble que le traditionnel rendu colorimétrique signature de l’image Canon ne soit pas aussi évident à trouver quand on part du Canon Log 3. Sylvain m’a fait remarquer la finesse du bruit, la beauté de la texture et l’absence d’aberrations et de franges dans le codec XF-AVC.

L’image semble suffisamment malléable pour proposer un rendu plus ou moins vidéo ou cinématographique en fonction des optiques utilisées et des workflows en postproduction. J’ai apprécié cette polyvalence et la qualité globale de ce que j’ai pu voir.

J’ai aussi apprécié la qualité du traitement des aberrations chromatiques intégré aux deux caméras quand on utilise le codec XF-AVC qui est vraiment excellent.

La stabilisation, même si elle est uniquement électronique, fonctionne plutôt bien sur la C500 MKII quand on enregistre en 4K sans crop. À noter qu’elle ne fonctionne pas en Raw, ce qui est logique car le Raw n’est pas censé être passé par le processing.

Coté rolling shutter, les deux caméras semblent plutôt correctes ; curieusement la C300 MKIII, avec son capteur sensiblement plus petit, n’est pas mieux lotie que sa grande sœur, c’est sans doute lié à cette technologie de double sensibilité qui doit lire chaque pixel deux fois.

Canon mise aussi sur la tendance des productions actuelles à envisager de créer du contenu en HDR et de nombreux outils sont présents pour pouvoir exploiter pleinement la dynamique de ces deux caméras.

 

Du côté de l’audio

Les deux caméras ont quatre entrées, à la fois du XLR via les prises arrière, mais aussi du mini jack pour ceux qui viendraient d’un équipement hybride ou DSLR. Une des fonctions que j’ai appréciée, c’est la possibilité d’enregistrer par exemple la même source à deux niveaux de gains différents pour permettre une sécurité en cas de saturation du signal audio.

La qualité des préamplis est plutôt très correcte, même s’il subsiste un très léger bruit de fond, c’est un tout petit peu moins bon qu’un enregistreur audio dédié, mais tout à fait correct pour une utilisation classique en interview par exemple.

Le seul petit reproche que je pourrais faire c’est la taille des potentiomètres, ils sont minuscules et la course de réglage du gain est vraiment réduite, ce qui ne permet pas d’être très précis ; pourtant, à mon avis, il y a la place.

Il est important de signaler que les deux caméras sont équipées d’un ventilateur pour refroidir le capteur et l’électronique et que celui-ci est entièrement paramétrable et qu’il sait se faire oublier quand l’enregistrement du son à proximité de la caméra est prioritaire.

 

Conclusion et retour d’utilisation en tournage de la C500 MKII

J’ai réalisé un clip avec la C500 MKII et j’ai pris énormément de plaisir à tourner avec cette caméra, j’ai trouvé l’ergonomie très agréable, que ce soit à la main, sur un trépied ou encore sur une crosse d’épaule, je me suis régalé.

La logique de l’ergonomie globale permet une prise en main vraiment très intuitive, chaque bouton est à sa place, les petits joysticks répétés sur la poignée rotative, sur le côté de l’écran et à l’arrière de la caméra permettent de se balader dans les menus sans faire une gymnastique particulière quelle que soit la façon dont je tenais la caméra. Le petit viseur EVF-V50 couplé avec l’écran m’a permis de varier ma prise en main de l’outil. J’ai aussi apprécié le système des filtres ND intégrés qui sont vraiment l’accessoire indispensable qui me manque sur les hybrides.

J’ai apprécié aussi la consommation électrique modérée de la caméra qui m’a permis de tourner plus d’une heure et demie avec une BP60 et largement plus en Vmount avec une batterie de 90 W. J’ai aimé la rapidité avec laquelle j’ai pu mettre en œuvre la caméra en sortant les éléments du sac de transport. Que ce soit la poignée supérieure, la poignée rotative, le viseur EVF-V50, le module V2 permettant l’utilisation de batteries VMount ou même le passage en monture PL, tout est simple et rapidement mis en œuvre.

Quant à la qualité de l’image produite, que ce soit en XF-AVC en 4K en 6K ou en Raw Light, j’ai vraiment été séduit, l’image est assez neutre et le signal malléable à souhait afin d’aller là où vous voulez à l’étalonnage. J’ai apprécié la texture et même si la signature d’image est un peu moins typique de ce que fait Canon habituellement, j’ai réussi à obtenir de très jolies choses à l’étalonnage. Les carnations sont belles et plutôt faciles à travailler ; quant à la dynamique, c’est un régal et j’ai pu aller chercher de la matière dans les hautes lumières malgré un ciel très laiteux lors du tournage.

À noter que j’ai eu aussi le plaisir de tourner avec les nouveaux objectifs Sumire en monture PL et que j’ai adoré leur rendu, Canon a su trouver le bon équilibre entre le look un peu vintage des optiques anciennes et la précision des optiques modernes.

Pour moi, ces deux caméras sont bien nées, sans faire la révolution elles apportent leur lot d’innovations, tout en restant dans une logique d’évolution sécurisante. Les utilisateurs des anciennes générations ne seront pas déçus et ceux qui voudraient migrer depuis un hybride ou un DSLR trouveront bien vite leurs marques et devraient assez vite trouver du plaisir dans l’utilisation de ces nouvelles caméras.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #38, p. 22-25. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.