Le but : offrir au public une offre culturelle, éducative et scientifique portée non seulement par des grandes institutions, mais aussi par des créateurs de vidéos numériques. Présentation de ce portail qui fait du bien au cerveau tout en distrayant. Cette spécificité française est accessible sur un onglet dédié sur YouTube.
Il faut savoir, comme l’explique Justine Ryst, directrice générale de YouTube France, que « c’est une vraie spécificité française d’avoir autant de chaînes Youtube dédiées à la culture et aux connaissances ». Précisons qu’en 2018, le ministère de la Culture avait déjà publié une liste de 350 chaînes YouTube adaptées à un usage pédagogique en complément des enseignements dispensés.
La mise en place du partenariat entre le Centre national du cinéma et de l’image animée, d’Arte et de YouTube prend encore plus de sens dans une période où le numérique est au cœur de la vie culturelle de chacun, les lieux culturels étant fermés depuis le 1er novembre dernier.
« Ce partenariat était en réflexion depuis plusieurs mois, mais avec le contexte actuel, il fait encore plus sens. Il est inédit et s’inscrit dans les liens entre YouTube avec les acteurs de la culture française. » Ce dernier repose sur trois axes : formation, visibilité et bien entendu, financement.
Former pour mieux communiquer
La formation est le premier pilier : « Il est destiné à des institutions et des EduTubeurs », reprend Justine Ryst. Cela passera par la création d’une académie dédiée à des institutions culturelles – en partenariat avec Google Arts & Culture – et des EduTubeurs.
« La formation a toujours été au cœur de notre activité, notamment en ligne via la Youtube Creators Academy. Elle permet à un youtubeur débutant d’acquérir le B.A.-BA pour débuter sa chaîne. Nous avons aussi le YouTube Space Paris qui, depuis sa création en 2015, a accueilli et formé plus de 20 000 créateurs. »
Dans le cadre du nouveau partenariat, YouTube a ainsi imaginé un programme de formations de douze mois, proposé à des institutions culturelles – en partenariat avec Google Arts & Culture – et des EduTubeurs afin qu’ils puissent accélérer leur développement sur YouTube et ainsi, développer la visibilité de leurs contenus.
« Pour ce premier cycle, onze institutions culturelles, qui ont déjà une chaîne YouTube, et vingt-cinq EduTubeurs ont été choisis pour la richesse de leur offre culturelle. Des lieux iconiques de la culture en France tels que le musée du Louvre, l’Opéra national de Paris, le château de Versailles ou encore la Comédie-Française pourront ainsi bénéficier des dix formations dédiées. » Celles-ci couvriront des sujets variés, allant des stratégies de contenus sur YouTube, à la production de contenus live, en passant par les sources de financement sur YouTube et la gestion des droits via Content ID ou la protection des images.
« Ce programme est au départ animé par YouTube mais Arte et le CNC prendront part à certains ateliers comme invités. » Il sera également proposé aux youtubeurs (les EduTubeurs), à leur communauté tels que C’est une autre histoire, Les Bons Profs, Espace des Sciences ou encore Cyrus North. Tous seront suivis par l’équipe partenariat YoFranceFrance et pourront soumettre des projets au fonds « Savoirs & Cultures ».
« Ces talents seront aussi mis en relation avec les institutions », l’idée étant de créer des passerelles et de donner lieu à des collaborations. « Le nombre d’abonnés n’est pas un critère de sélection. Le choix s’est fait, pour cette première promotion, par l’éclectisme des propositions même si ce sont des chaînes qui ont déjà eu un bon amorçage en termes d’abonnés sur YouTube (en moyenne 200 000 abonnés) », précise Justine Ryst, ajoutant qu’une réflexion est en cours pour élargir le spectre des candidats.
« Nous espérons que cette promotion sera la première d’une grande série. La première ambition est de former les autres institutions et peut-être d’étendre ce programme à l’international », même si aucune date n’est encore connue pour une seconde édition.
Rendre plus visible
Le second pilier est d’accroître la visibilité grâce à un portail dédié « Savoirs & Cultures » en partenariat avec Arte. Il héberge des playlists de vidéos, de contenus culturels et éducatifs produites par des créateurs et des institutions françaises.
« Certains programmes sont issus d’Arte. L’idée est de dresser un panorama de thématiques liées à la connaissance et aux différentes cultures. Aujourd’hui, on en compte une dizaine. Les sujets liés à l’écologie, aux fake news sont par exemple une playlist à part entière. Il en existe une liée au cinéma, à l’Histoire, à l’Histoire de l’art, aux arts du spectacle », explique Gilles Freyssinet, directeur du numérique d’Arte.
Ainsi retrouve-t-on sur ce portail des documentaires comme Les Apprentis sorciers du climat, mais aussi un programme du Dessous des cartes pensé depuis le premier confinement spécifiquement pour le numérique, Les Leçons de géopolitique.
D’autres projets, tel que le Vortex, chaîne de vulgarisation scientifique, est mis en avant mais aussi des émissions plus classiques comme Tracks ou Blow up. « Mais les contenus d’Arte sont minoritaires en volume. Au-delà, nous voulons mettre en avant le travail de youtubeurs comme Hugodécrypte qui analyse l’information, e-penser, une chaîne de philosophie, NotaBene sur l’Histoire, le Clap qui se concentre sur le cinéma, le Mock qui s’intéresse à la littérature ou encore Zeste de Science, la chaîne du CNRS… », précise-t-il.
Côté sélection, Arte est un acteur numérique incontournable depuis 2005 et qui s’intéresse aux créateurs numériques, puisque c’est un véritable vivier de talents dans lequel la chaîne a pris l’habitude de pêcher. « Avec ce savoir-faire, nous avons une expérience sur ce type de sélections, en mêlant des youtubeurs établis mais aussi des émergeants. Ces choix sont faits par l’équipe éditoriale d’Arte en collaboration avec YouTube ».
Le but est aussi de mettre un coup de projecteur sur les sites d’institutions partenaires de la chaîne comme celle du Centre Pompidou, du Palais de Tokyo ou du Muséum national d’Histoire naturelle. Ces playlists sont au nombre de onze, mais ce n’est pas figé et elles vont être mise à jour régulièrement pour vraiment créer une plus grande notoriété des créateurs.
« L’idée est de créer du lien entre les créateurs et le public, mais aussi de partager des regards entre les différents publics et de susciter de la curiosité. Nous pensons que les programmes culturels sont un vecteur social et de plaisir, des axes importants dans cette période actuelle », glisse-t-il.
Bien financer
Le CNC a déjà, via son fonds d’aide CNC Talent, accompagné plus de trois cents créateurs en débloquant pas moins de six millions d’euros d’aide depuis sa naissance en 2016. « Dans le cadre du plan de relance annoncé en septembre, par la ministre de la Culture, le CNC a souhaité encourager la créativité et miser sur les talents d’avenir en expérimentant de nouveaux modes de soutien », détaille Julien Neutres, directeur de la création, des territoires et des publics au CNC.
C’est ainsi la première fois que le Centre imagine un fonds d’aide éditorialisé, centré sur la création éducative et les savoirs. Le but est d’accompagner les créateurs à toutes les étapes de leur projet, de l’écriture à la diffusion. « Ce partenariat avec Arte et YouTube permet de donner des débouchés de visibilité aux créateurs dès le départ. C’est très important d’intégrer toute la filière », ajoute-t-il.
Cela va se décliner pour l’écriture au travers des résidences d’écriture, puis une commission d’aide à la production sera créée, avec comme axe les projets éducatifs et culturels. Elle sera composée de professionnels qui jugeront les projets sur les critères artistiques mais aussi sur la consistance des propositions en termes de transmission, d’éducation, de culture. « C’est une véritable innovation au sein du CNC, cette double lecture au sein d’une commission », ajoute-t-il.
Plus d’une cinquantaine de projets seront soutenus chaque année. Pour cela, un soutien financier d’un million d’euros, cofinancé par le CNC (800 000 euros) et YouTube (200 000 euros), est budgété. « 200 000 euros vont être consacrés aux aides à l’écriture et aux ateliers, les 800 000 restant seront dans le fonds à la production vidéo. Les critères seront discutés avec les professionnels puis interviendra la validation du Conseil d’administration du CNC. Ils devraient reprendre ceux du fonds CNC Talent, avec en plus l’originalité, le point de vue éditorial », complète Julien Neutres. La question de savoir si un créateur peut prétendre aux aides des deux fonds est actuellement en discussion.
Pionnière, Arte a lancé sa chaîne YouTube en 2005. Elle compte aujourd’hui six millions d’abonnés et est complétée d’un multi chanel network de trente-sept chaînes.
YOUTUBE EN CHIFFRES
- 40 millions de Français ont regardé une vidéo YouTube en juillet 2020 et ils y ont passé en moyenne vingt-trois minutes par jour soit trois minutes supplémentaires par rapport à juillet 2019 (Médiamétrie).
- Il y a désormais 360 chaînes en France avec plus d’un million d’abonnés contre 300 en 2019. En 2019, l’ensemble de l’écosystème créatif de YouTube a contribué à hauteur de 515 millions du PIB français et 15 000 emplois équivalent à temps plein (Étude faite par Oxford Economics).
- 51 % des étudiants interrogés (âgés de 18 ans et plus), utilisant YouTube, ont déclaré utiliser la plate-forme dans le cadre de leurs devoirs ou de leurs études (Étude faite par Oxford Economics).
- 40 % des utilisateurs de YouTube en France s’accordent à dire que grâce à YouTube, ils ont pu accéder à des contenus culturels en ligne. Cette étude, menée par Google-YouTube/Ipsos en juillet 2020, portait sur des adultes âgés de 18 à 70 ans ayant utilisé YouTube pendant le premier confinement.
- 82 % des entrepreneurs créateurs s’accordent à dire que YouTube les aide à exporter des contenus vers des publics internationaux auxquels ils n’auraient pas accès autrement (Étude faite par Oxford Economics).
LE CNC, UN ATOUT DE TAILLE POUR LES CRÉATEURS DE VIDÉOS NUMÉRIQUES
Depuis 2016, le fonds CNC Talent permet de soutenir des talents dans leur création. Il est aujourd’hui complété de formations et de résidences de création pour accompagner les créateurs et créatrices dans leur professionnalisation et créer des passerelles entre les talents du cinéma et les talents émergents.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #40, p. 36-38. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.