En quatorze ans, Abraham Goldblat a participé à la gestion de quelque cent vingt postproductions de films. Sa société offre un service complet de gestion de la postproduction : du développement du projet, de la préparation du tournage, de la postproduction, jusqu’à la livraison des éléments aux différents distributeurs. Parmi les œuvres auxquelles le postproducteur a collaboré, citons Les Intouchables et Samba d’Olivier Nakache et Eric Toledano (2011 et 2014), La cage dorée de Ruben Alves (2012), La famille Bélier d’Eric Lartigau (2013), Pourquoi j’ai pas mangé mon père de Jamel Debbouze (2014) et, plus récemment, The Profs de Pierre-François Martin-Laval (2015).
Nous avons rencontré Abraham Goldblat sur les Rencontres Cinématographiques de Dijon. A cette occasion, il a évoqué pour nous l’essence même de la fonction de postproducteur, mais aussi l’avenir de cette prestation à l’ère du service…
« Je travaille avec une équipe de cinq directeurs de postproduction. Nous avons géré depuis une quinzaine d’années un petit peu plus de 120 films, du plus petit au très gros budget.
Un projet va dépendre d’un talent, d’un réalisateur, d’un technicien, d’un montant de financement. Nous devons adapter nos partenaires, nos workflows, nos durées, en fonction de chaque film, de chaque financement. Nous n’avons pas de réponse unique, nous travaillons avec un panel le plus large possible pour pouvoir répondre à différents types de problématiques. Parallèlement, nous travaillons avec un panel relativement resserré pour développer des collaborations importantes avec des prestataires, des techniciens et créer une sorte de famille de travail pour le film.
Pour être un bon postproducteur, il faut tout d’abord savoir gérer les egos. La postproduction constitue un temps particulier, un temps où on doit faire son deuil de beaucoup de choses, le temps où on ne peut plus se dire que l’on va régler certains problèmes plus tard. C’est le moment où on doit montrer son film.
Moi, quand je fais un dessin, que je le montre à mes enfants, j’ai un pincement au cœur. Alors j’imagine ce que ressent un réalisateur quand il doit présenter son film à des critiques, à des spectateurs, qu’il doit recevoir l’ensemble de leurs jugements, cela doit être terrible. Il faut l’accompagner dans un cadre financier relativement serré, dans un planning qui est relativement long. Une postproduction prend 20 à 26 semaines, voire davantage. Il faut savoir tenir la durée et suivre, tel un marathonien, lentement, tout ce processus, tout ce process de création. Et puis, il faut bien connaître, tout mettre en place au commencement, dès le développement des films, pour pouvoir apporter notre petite pierre à la fabrication, dès le début du film. Aujourd’hui, le tournage et la postproduction sont complètement entrelacés, tant en termes de laboratoire, que d’effets spéciaux, de décors, sfx, tournage, durée. Postproduire, c’est participer au mieux à la fabrication de cette mayonnaise complexe.
Nous sommes entrés dans l’ère du service. On attend d’un laboratoire un accompagnement de nos talents, de nos problématiques financières, de nos problématiques artistiques, d’essayer de trouver des « choses », d’être souples, d’être proches de nous, d’être un vrai partenaire et plus un fabricant.
Je pense que la prestation va devenir justement de l’aide à la création, intégrer des métiers. Je pense que la postproduction son évoluera vraiment en un lieu de postproduction globale sonore, de design du film, qui mêlera artistes, techniciens, laboratoires, auditoriums. Il est possible que, petit à petit, les postproducteurs puissent aussi participer au financement du film dans un petit univers fermé. C’est quelque chose d’envisageable. »