Alexandre Régeffe
D’hier…
L’histoire commence en 2012. Les « panoramistes », experts de la photo sphérique, voient apparaître un nouvel acteur qui propose des outils permettant de capter non plus des images fixes, mais des séquences vidéo. Freedom360 lance son rig GoPro révolutionnaire, qui permet de bénéficier d’une sphère complète, contrairement aux outils préhistoriques dits « au trou noir » avec lesquels il manquait toujours une partie de l’image. On peut enfin regarder une vidéo 360 dans toutes les directions. Le constructeur, fort de son succès, propose alors différents rigs pour différents usages parmi lesquels le solide « Explorer », le « Broadcaster » dédié au streaming, l’Abyss étanche jusqu’à 150 mètres.
Mais tout ceci reste relativement confidentiel et réservé à quelques professionnels jusqu’en 2014, date à laquelle le monde de la réalité virtuelle est secoué par un séisme positif : Facebook achète Oculus et veut démocratiser la VR. La vidéo 360 devient « mainstream » en 2015, et les constructeurs commencent à proposer des petites caméras au grand public, comme Samsung et sa Gear 360, sympathique boule blanche et première « consumer » caméra à double lentille (back2back), qui va démocratiser ce mode de prise de vues. Dans le même temps, du côté des professionnels, la caméra Ozo de Nokia, proposant une captation 360 stéréoscopique, s’impose comme un outil incontournable, malgré son prix et son utilisation complexe.
Puis viennent des hauts et des bas. Plusieurs fabricants naissent, enthousiasmés par cette nouvelle technologie. Le français Giroptic par exemple se lance dans l’aventure, espérant surfer sur la vague. Mais celle-ci ne se révèle pas aussi puissante qu’attendue… Giroptic stoppe ses activités en 2018, alors qu’un an avant, le développement de la Ozo est brusquement arrêté par Nokia qui décide de se réorienter sur d’autres marchés plus porteurs. Cette période est marquée par des tentatives plus ou moins réussies de Nikon, Garmin, Kodak, Ricoh qui cherchent à s’imposer face à un acteur historique, GoPro.
La marque américaine décide de lancer la Fusion en 2017 dans ce contexte morose. Cette caméra double lentille est adoptée par un grand nombre de professionnels (bien qu’elle soit à classer dans la catégorie « prosumer ») du fait de sa solidité, de la qualité de son image 360 qui bénéficie des avancées du constructeur dans le domaine des « action cams », et d’une définition de 5,2K, inédite à l’époque. Bon nombre de ses concurrents jettent l’éponge. Mais de nouveaux arrivants comptent bien se hisser aux premières places…
… à aujourd’hui
Année 2020. La seconde génération. Depuis quelque temps, tous les six mois, une nouvelle caméra 360 est annoncée par les constructeurs restants, qui se comptent sur les doigts d’une main. Qui sont-ils ? GoPro reste présent, mais très concurrencé par le chinois Insta360, lui-même suivi de près par son voisin Kandao. Tous les trois proposent une gamme de caméras « prosumer » à des prix se situant entre 400 et 600 euros environ.
Pour des outils plus professionnels, les deux marques chinoises sont rejointes par une troisième : Zcam, qui propose par exemple la caméra V1Pro au prix de 33 000 dollars, actuellement la plus chère des caméras « all-in-one » sur le marché. Elle a été choisie par le studio canadien Félix & Paul qui l’utilise pour tourner des images 3D360 dans la station spatiale internationale, y compris pour des sorties extra-véhiculaires.
Mais tout le monde ne part pas dans l’espace. Chaque caméra actuellement sur le marché possède ses avantages et ses inconvénients, et c’est plutôt le type de plans à tourner qui déterminera le choix de l’outil.
Le club des quatre
L’américain GOPRO propose aujourd’hui la version améliorée de sa Fusion : la Max. Plus simple d’utilisation notamment grâce au stockage des sources sur une seule carte SD, elle dispose d’un écran LCD intégré en façade et vous permettra de choisir entre deux modes d’utilisation : le mode « hero » en HD grand angle et le mode 360 en 5,6K sphérique. Son plus, le son avec six micros intégrés pour capturer en spatialisé. Une fonction « hypersmooth » de stabilisation ultra performante vous autorisera toutes les acrobaties en vélo, parapente et autres surfs et dromadaires. La caméra est compatible avec l’application GoPro pour smartphone. En bref, une caméra 360 robuste et étanche, fidèle à l’image de la marque, proposée à un prix accessible de 500 euros environ.
On continue avec celui qui est considéré comme le poids lourd sur le marché : INSTA360, un des seuls à proposer une gamme qui va de la caméra « One » grand public à la « Titan » destinée aux professionnels. Leur dernière née, l’Insta360 One R, est une caméra modulaire : vous choisirez la « twin edition » pour bénéficier du module double lentille qui vous permettra d’obtenir une image stitchée (l’assemblage des images issues des deux lentilles) d’une taille honorable de 5,7K. Une petite « action cam » 360, étanche jusqu’à 5 mètres, qui bénéficie des technologies spécifiques à Insta360 comme la très efficace stabilisation flowstate et le HDR vidéo qui permet d’augmenter la plage d’exposition.
La One R a son « ancêtre », la One X lancée en octobre 2018. Elle possède à peu près les mêmes caractéristiques, mais n’est pas modulaire. Avec ses deux capteurs 1/2,3” et son ouverture fixe de f2.0, elle vient souvent en complément sur les tournages professionnels, du fait de sa compacité et de ses performances reconnues. Ces caméras possèdent chacune deux optiques fisheye « back2back » (une caractéristique des caméras 360 consumer et prosumer) et donc permettent d’obtenir une sphère monoscopique complète. Vous voulez intégrer à vos productions la notion de profondeur, de stéréoscopie ? Pourquoi ne pas essayer la VR180 ? Ce format, actuellement promu par Google, allie immersion sur 180 degrés et stéréoscopie.
Chez Insta360, c’est la Evo. Petite caméra hybride, elle vous permettra grâce à sa conception de tourner aussi bien en 360 qu’en VR180. Il suffira pour cela de la déplier ou de la replier ! La Evo possède les mêmes caractéristiques que la One X (excepté une ouverture de f2.2) et que la One R. En VR180, il n’est plus question de « stitch » mais de « dewarp », il faut compenser la déformation des images induite par les optiques fisheye (180 ° ou plus) pour les reprojeter dans une demi-sphère stéréoscopique.
Toutes les caméras Insta360 peuvent être pilotées via un smartphone iOS ou Android en wi-fi, à travers des applications dédiées, dans lesquelles vous pourrez stitcher, monter et choisir le mode de diffusion de vos images : le 360 immersif ou le « reframe » qui consiste à choisir un angle de vue dans la sphère pour le diffuser « à plat », ce qui autorise des « mouvements » de caméra étonnants en postproduction. Tout ceci avec votre (puissant) téléphone portable !
Vous pouvez aussi utiliser Insta360 Studio, la version desktop PC ou Mac. Chez Insta360, il y en a aussi pour les professionnels : Insta Pro, Insta Pro 2 et enfin la toute dernière Titan, caméra à huit optiques permettant une résolution de 11K en monoscopie, ce qui commence à intéresser les producteurs d’images destinées à des grandes surfaces d’écrans type dômes. Sur la partie logicielle, nécessaire pour stitcher les images, Insta360 livre pour les professionnels le Stitcher, efficace dans la plupart des cas, même si on est parfois obligé de passer par des applications tierces pour un résultat optimum.
En Chine, il suffit de traverser la rue à Shenzen pour passer chez KANDAO. La marque a commencé par s’adresser aux professionnels avec sa gamme Obsidian de caméras à six optiques qui ont la capacité de proposer de la 3D360 c’est-à-dire une captation complète de la sphère en stéréoscopie. Les Obsidian R (pour resolution, soit 8K par œil en 360) et S (pour speed, soit 120 images par seconde en 4K) sont bien installées dans le peloton de tête des caméras haut de gamme. Le constructeur a ensuite imaginé une caméra hybride 360/VR180 (avant la Evo de Insta360) baptisée Qoocam, elle a étonné début 2019 avec sa forme en « stick » et ses capacités intéressantes.
Mais ce qui fait aujourd’hui du bruit, c’est la Qoocam 8K. Comme son nom l’indique, c’est la première caméra « prosumer » à double lentille à proposer une résolution aussi élevée en 360 monoscopique : 7 680 x 3 840 en vidéo. Avec en prime une profondeur de 10 bits, pour un tarif de 600 euros TTC ! À titre de comparaison, le 10 bits est uniquement proposé aujourd’hui sur la Titan de chez Insta360 (au tarif de… 13 500 euros HT). Sans nul doute, la Qoocam 8K préfigure la troisième génération des caméras 360.
Toujours à Shenzen, ZCAM. Fabricant précurseur, déjà face à Nokia avec la Zcam S1, le constructeur est présent uniquement sur le marché professionnel. Et ses caméras 360 sont un peu considérées comme les « Rolls » malgré quelques (petits) défauts. Trois caméras sont à tester d’urgence : la S1 Pro, à quatre optiques Izugar MKX200 de haute qualité et munies d’un diaph manuel (oui, vous avez bien lu) permettant une ouverture de f2.8 à f11. Avec un capteur MFT, cette caméra deviendra vite votre meilleure amie en basse lumière. Sa grande sœur, la V1 Pro, vous offrira en plus la stéréoscopie avec ses neuf optiques (dont une réservée au zénith, le haut de la sphère).
Et dans la famille VR180, vous voudrez… la reine. La K2 Pro, dernière prouesse de Zcam. Deux optiques de 200 degrés côte à côte, 15 stops de dynamique annoncés, enregistrement ProRes 422 HQ en 10 bits, 5,2K à 60 images par seconde. Tout simplement. Bien sûr, la qualité a son prix : 6 000 euros pour la K2 Pro. Seul bémol chez Zcam : le constructeur se concentre aujourd’hui sur sa gamme E2, caméra cinématique « flat ». Espérons quand même que de nouveaux firmwares pour les S1 et V1 Pro verront bientôt le jour …
VISUAL IMPACT ET LA 360, 3 QUESTIONS À ALAIN RICHARDIN
Voilà pour ce rapide tour d’horizon non exhaustif ! Vous l’aurez compris, la proposition est large. Mais que vous soyez débutant ou confirmé, vous allez trouver la perle. Et surtout n’hésitez pas à vous renseigner auprès de référents comme Alan Richardin, que nous avons rencontré chez Visual Impact. Seul prestataire européen à proposer en location toutes les caméras professionnelles citées plus haut, il nous livre ses impressions sur les outils.
Moovee : Visual Impact et la 360, une longue histoire ?
Alain Richardin : Nous sommes dans l’écosystème depuis environ quatre ans. Nous avons pu constater les grandes évolutions technologiques et voir les marques se construire autour de spécificités L’utilisation de ces caméras a aussi évolué : nous sommes dans la phase du « reframe », c’est-à-dire de l’utilisation des outils 360 pour générer du contenu traditionnel, grâce notamment à une densité de pixels disponibles de plus en plus importante comme sur la Qoocam 8K.
M : Quelle marque pour débuter ?
A. R. : Insta360 semble plus abordable, plus ouvert et plus simple d’utilisation. Pour la One X par exemple, on voit que dans l’app smartphone, tout a été allégé et simplifié, de l’édition au partage des vidéos. Les possibilités de live, de reframe, sont nombreuses. Le rapport prix-qualité-simplicité me semble intéressant pour entrer dans cet univers différent qu’est la 360.
M : Insta 360 Titan, Zcam V1 Pro, comment réagit le marché face à votre offre haut de gamme ?
A. R. : Nous suscitons un vif intérêt ! Le 11K de la Titan, par exemple, permet aux professionnels de générer un reframe en 4K grand angle de très haute qualité. La diffusion dôme est également un marché. Elle impose une résolution que ces caméras sont en capacité de proposer. Les projets sont là, et nous organisons les « rendez-vous de la VR » pour permettre aux clients de s’informer, tester et partager. Alors venez nombreux !