Dossier : Amazon Web Services et les autres…

Aujourd’hui, l’impact d’Amazon Web Services est tel que beaucoup considèrent que cet acteur a généré à lui seul, du fait de la très grande accessibilité de ses offres en ligne, un phénomène de « Shadow IT », c’est-à-dire le fait que, lors de projets informatiques, les développeurs utilisent temporairement des ressources au sein d’AWS afin de réaliser des beta-tests à moindre coût. Puis, quand le projet web est terminé, les ressources sur le Cloud d’Amazon sont gardées en attente, voire encore utilisées vu leur faible coût alors même que l’entreprise dispose par ailleurs d’un autre fournisseur d’applications SaaS. On estime que ce « Shadow IT » représente de 20 à 30 % des ressources informatiques dans les grandes entreprises. Stéphan Hadinger, Sr Manager Solutions Architecture AWS, confirme également implicitement ce phénomène, mais affirme que sa société cherche à le combattre en alertant les entreprises clientes quand elles découvrent de tels usages.
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Dans le monde des médias numériques, de nombreux acteurs de cette industrie se servent d’AWS en premier lieu comme d’une plateforme de publication des contenus textes, photos et vidéos vers les écrans mobiles avec des services novateurs. C’est le cas par exemple de Canal + qui propose, depuis deux ans, via la start-up française Netco Sports, une application utilisable en parallèle des retransmissions de football permettant, trois minutes seulement après le Direct d’un match, de revoir plusieurs angles de caméra. Cette application web est publiée via l’offre Cloud Front d’Amazon. En utilisant ainsi le cloud d’Amazon, Netco Sports dispose d’une centaine de serveurs en moins de dix minutes, lui permettant de supporter jusqu’à 500000 streams vidéo simultanés. D’une manière générale, les services de distribution d’AWS, architecturés autour d’un Content Delivery Network (CDN) performant réparti sur l’ensemble de la planète, sont bien difficiles à concurrencer tant ils sont un des points forts du géant du eCommerce.

Parmi les applications hébergées dans le Cloud d’Amazon, celle ayant le plus agité les acteurs de l’audiovisuel et du cinéma ces deux dernières années est toutefois l’offre de stockage à moyen terme Amazon S3 et son pendant à long terme appelé Glacier. Ces deux offres, du fait de leur succès, ont obligé une bonne partie du marché du stockage Near online et de l’archive numérique à s’aligner sur celles-ci sur le plan tarifaire. Pour information, le stockage froid des données dans Glacier peut descendre à des niveaux de prix de l’ordre du centime/mois par Gigaoctet.

Enfin, plus récemment encore c’est la capacité de calcul statistique au sein des entrepôts de données dans le cloud (les Data warehouse), portant sur de gros volumes de données, qui intéresse les professionnels de l’audiovisuel avec l’émergence du besoin d’analyser les données de consommation des téléspectateurs afin de déterminer en temps réel, à partir de leurs comportements, la personnalisation des contenus audiovisuels la mieux appropriée et pousser vers le téléspectateur des recommandations en vue de l’inciter à regarder d’autres programmes similaires correspondant au plus près à ses désirs. De ce point de vue, Amazon Redshift, la solution d’entrepôt de données d’Amazon, est particulièrement attractive, car rapide, dotée d’une capacité de plusieurs peta-octets et surtout qui coûte environ 1 000 dollars US par an pour un peta-octet de données analysées.

Netflix, champion toute catégorie du Big data et de la recommandation, utilise largement les data warehouse du cloud d’Amazon, mais aussi la chaîne britannique Channel 4 pour sa branche TV connectée et ses programmes accessibles en replay. Sur ce point, Stéphan Hadinger précise : « Sur notre plateforme, il est possible de lancer des outils d’analyse Big Data du comportement des téléspectateurs extrêmement puissants en vue de personnaliser les contenus, car nous avons un niveau d’agrégation très fort de nos Data warehouse ». Sans doute, là aussi, l’héritage d’une plateforme d’eCommerce mondiale toujours très à la pointe de la recommandation…

 

Amazon mise sur son immense écosystème

Seul point faible d’Amazon dans le Cloud, sa taille tentaculaire qui augure d’un support souvent lointain en cas de problème à peine compensé par des forums, des API d’aides en ligne (certes très bien faites mais pour l’essentiel en langue anglaise) et des outils d’optimisation de sa consommation pour peu qu’on ait souscrit un support de niveau « Business » ou « Enterprise ». Cet outil, baptisé « AWS Trusted advisor », inspecte l’environnement AWS du client et émet des recommandations dès lors qu’il existe une possibilité de réaliser des économies, d’améliorer les performances et la fiabilité du système ou de remédier à certaines failles de sécurité.

De même, des webinars réguliers sont publiés sur Internet ainsi que des workshops qui permettent à un écosystème d’utilisateurs, somme toute très dynamique, de se rencontrer et d’échanger sur les success story ou les problèmes rencontrés… Enfin, avant même de s’aventurer dans les webinars, l’apprenti utilisateur d’AWS bénéficie d’une petite formation d’une journée aux outils Amazon, tandis que trois jours de formation supplémentaires sont nécessaires pour approfondir les services architecturés de manière plus complexe et idem pour les outils Amazon dédiés au Big Data.

Autre point sensible du cloud AWS, la sécurisation des données est un sujet sur lequel Amazon se réfugie derrière son respect des standards de qualité, comme la certification ISO 27001 qui régit les procédures en matière de gestion de la sécurité dans les systèmes d’information, le PCI-DSS qui permet de stocker des numéros de cartes bancaires ou les recommandations pratiques de la MPAA en matière d’archivage numérique. Il est important d’avoir en tête qu’Amazon assure uniquement la sécurité physique des bâtiments, la sécurité des liens réseaux sous-jacents et la supervision de l’infrastructure, mais il précise bien dans ses contrats n’être aucunement responsable d’un défaut de paramétrage dans la configuration technique utilisée dans le cloud vis-à-vis des besoins nécessaires en nombre de machines virtuelles ou de la bonne marche d’une application en cas de défaut de mise à jour logicielle. In fine, Patrick Moorhead, analyste du cabinet Moor Insights & Strategy, interrogé récemment par Computerworld, résume assez bien les choix qui peuvent pousser une entreprise des médias à aller vers l’une des offres d’Amazon : « Si vous démarrez une infrastructure de zéro et ne voyez pas comme un inconvénient d’être verrouillés par les API d’Amazon, il faut prendre en considération ce fournisseur ».

 

Azure, l’outsider qui rassure l’audiovisuel

Derrière AWS, Microsoft, avec son offre Azure, est l’acteur qui affiche la meilleure part de marché avec 11 %, et surtout une forte croissance ces derniers mois. En un an, la firme de Redmond a vu progresser de 96 % ses revenus sur cette activité, alors que la progression moyenne du marché du cloud était de 48 % en 2013 (Source cabinet Synergy). Le succès de Microsoft tient à son influence historique au sein du marché des entreprises, mais aussi au fait qu’il a su ouvrir depuis deux ans sa plateforme Cloud à l’OS Linux. Azure propose aussi un ensemble très complet de solutions ouvertes que ce soit au niveau du PaaS ou du SaaS (langages Python, Nod.js, Ruby Rails, PHP) où des dernières versions de l’outil de développement intégré Visual Studio qui offre une souplesse jamais égalée dans le développement de web services sur-mesure testables directement en ligne sur Azure. Le slogan des équipes marketing du géant de Redmond a d’ailleurs bien changé ces derniers temps quand on entend claironner dans les conventions « Venez comme vous êtes ! ». L’approche tarifaire de Microsoft, même si elle n’est pas aussi agressive que celle d’Amazon ou de Google, est aussi devenue plus accessible avec un pack découverte baptisé WADP et comprenant 20 instances virtuelles, des capacités de stockage suffisantes et un accompagnement sur-mesure pour 9 000 euros HT/an.

Azure Media Services investit également plus spécifiquement les besoins de la publication audiovisuelle avec des offres de services de transcodage en s’appuyant sur des partenaires spécialisés comme Harmonic mais aussi Imagine Communication. Azure propose aussi de nouveaux services développés en propre comme PlayReady Digital Rights Management pour ajouter à ses vidéos des DRM à la volée, tandis que l’encodage suivant l’ensemble des protocoles de Streaming adaptatif et la localisation de publication des vidéos via un Content Delivery Network (CDN) répartie à l’échelle mondiale fait également partie aujourd’hui des services proposés par Azure. L’IaaS a elle-même évolué avec des tailles de VM plus imposantes, la généralisation des disques SSD et des offres de stockage premium plus fiables. Quant au PaaS, la couche de middleware utilisable directement par les développeurs d’applications, il a évolué pour permettre la conception de services toujours plus avancés.

 

TF1 stocke 50 Tera-octets de rushes dans Azure

Ce virage rapide de Microsoft vers le cloud a eu un certain impact dans les médias audiovisuels, puisque plusieurs acteurs de la filière ont adopté récemment Azure pour une partie de leur stockage ou le partage de leurs données. TF1, par exemple, tente l’expérience depuis un an, en ayant transféré l’essentiel de ses rushes dans le cloud d’Azure, soit 50 Tera-octets. Ce n’est qu’un début, si l’on se réfère à ce que disait Guillaume Lemoine, Lead Architect chez TF1, lors du récent salon Paris Image Pro. « Nous avons en effet découvert de nouveaux usages en termes de partage des rushes et de consultation à distance que l’ensemble des équipes de production trouve très intéressants au point qu’ils méritent d’être amplifiés. D’ailleurs, l’enjeu se situe à ce niveau avant même de parler de tarif car, tout bien pesé, le stockage dans le cloud n’est pas forcément moins cher qu’un stockage froid en interne sur des bandes LTO ».

 

Netgem localise la Catch-up TV grâce au Cloud

Netgem, via son portail de Vod Vidéofutur, a basculé en 2012 dans le Cloud au bénéfice d’une recherche de flexibilité dans l’agrégation et la livraison de ses spectacles et films qu’il commercialise via des set-top-box, mais aussi en mode OTT. Netgem a conçu une architecture hybride basée sur la plateforme Azure, afin de pouvoir développer de nouveaux services de VoD et Catch up TV d’une manière plus agile qu’auparavant. Comme le précise Stephan Crainic, Directeur des Technologies chez VideoFutur : « Utiliser Azure, nous a permis, en une dizaine de jours seulement, de créer autour de notre catalogue de 700 films de nouveaux workflows complets allant de l’ingest des médias jusqu’à leur publication en streaming en passant par l’encodage et le cryptage à la volée. »

Cette meilleure agilité dans la gestion des workflows a notamment permis à Video Futur de lancer, de manière totalement autonome, un service de télévision de rattrapage autour de la chaîne américain Paramount Channel. « Nous traitons directement dans le cloud les fichiers pivots mis à disposition par la chaîne américaine. Nous y ajoutons à la volée des sous-titres en français et les métadonnées associées et nous proposons en Replay les programmes de Paramount Channel seulement 48 heures après leur première diffusion ». En passant à un modèle Cloud pour la transformation et la publication des contenus vidéo sur sa plateforme grand public, Netgem souligne aussi avoir diminué la récurrence des pannes sur les serveurs de diffusion qui étaient plus fréquentes qu’aujourd’hui et surtout nécessitaient une maintenance importante.

L’un des utilisateurs les plus avancés du cloud d’Azure, pour la gestion des médias audiovisuels, est à chercher du côté de la communication avec l’agence de communication BrainSonic qui utilise depuis plus de trois ans le cloud pour proposer à de grands groupes multinationaux la publication de vidéos destinées à leur communication interne dans des conditions optimales de qualité et de sécurité d’un bout à l’autre de la planète.

Là encore, ce n’est pas l’argument du prix qui est mis en avant, mais celui de la fonctionnalité. En tant que gros consommateur de ressources Cloud chez Azure, pour l’encodage vidéo notamment, Brainsonic constate en effet par la voix de son Directeur des Technologies Julien Fauve: «le cloud ne revient pas forcément moins cher en soi que de réserver des ressources à l’année dans un data center. En revanche, dans le cloud, il est possible grâce aux tableaux de bord de gestion des instances d’avoir une approche programmatique de sa consommation informatique et ainsi tirer le maximum davantages des capacités strictement nécessaires à telle ou telle tâche. Ainsi, il nous arrive régulièrement de passer de l’usage d’une cinquantaine de machines virtuelles le jour d’une opération évènementielle à l’allumage de trois VM la nuit suivante. Aujourd’hui, nous parvenons même à anticiper la plupart des imprévus grâce à des seuils limites bas et haut fixés à l’avance suivant des scénarios prévus à l’avance (voir courbes) ».

Afin de rassurer ses clients grands comptes parmi lesquels des banques et des assurances sur la question de la sécurité, BrainSonic a su aussi trouver dans le cloud d’Azure des solutions mixtes basées sur des licences OnPremises sur les machines des clients couplées via des synchronisations régulières avec les ressources du cloud privé. Ainsi, après plus de deux ans d’exploitation intensive des ressources du cloud, BrainSonic est capable de déployer à peu près n’importe quel service orienté média. Il est même entré dans le cercle fermé des intégrateurs agréés Azure et compte une quinzaine d’ingénieurs certifiés par Microsoft Azure devenus beta testeurs des nouvelles fonctionnalités de ce fournisseur.

 

IBM base son développement sur l’open source et du cloud privé

IBM est le troisième sur le podium mondial du Cloud Computing avec 7 % de parts de marché. Il est en particulier très bien placé sur le segment des services de Cloud privé et hybride tandis que, du côté IaaS, son offre SoftLayer s’est considérablement développée, notamment en France. Sur les services d’infrastructure, Google n’atteint lui que 5 % du marché malgré une progression de 81 % de ses revenus en un an. Pour être compétitif sur la partie IaaS, IBM s’appuie depuis deux ans sur une initiative baptisée OpenPower. Il s’agit d’une nouvelle architecture de processeurs vendue sous licence à d’autres acteurs industriels comme Amazon, Microsoft ou Google et qui est destinée à équiper les serveurs installés dans le cloud. Aujourd’hui, ces entreprises du Cloud tournent en effet pour la plupart sur des serveurs Intel x86 et IBM veut prouver que sa solution OpenPower représente une alternative viable et bon marché. L’hébergeur français OVH et le spécialiste du cloud Rackspace ont d’ores et déjà annoncé qu’ils proposeraient très rapidement ce type de service. Pour contrer Amazon, Microsoft et Google, IBM met également beaucoup de ressources sur la table (1,2 milliard de dollars) pour construire trois data centers dédiés au cloud computing à Francfort, Mexico et Tokyo, tandis que huit autres centres proviennent d’un partenariat avec Equinix Inc. qui exploite des centres de calcul partout dans le monde, y compris en France. L’objectif d’IBM, en investissant de la sorte, est de se différencier de la concurrence en proposant à ses clients un niveau supérieur de SLA par rapport aux autres offres Cloud du marché. IBM met notamment en avant, via sa filiale SoftLayer, le fait que les serveurs physiques dans son cloud sont remplacés en moins de deux heures et que les liaisons entre data centers sont très haut débit, afin de permettre une continuité de services très importante, par exemple dans le domaine des jeux en ligne massivement multi-joueurs au sein duquel l’offre IBM compte déjà plusieurs clients…

Google, de son côté, cherche actuellement des partenaires dans le cloud privé afin de proposer des solutions hybrides. Il vient de se lier à VMWare afin que la solution vCloud Air puisse accueillir quatre services Cloud de la firme de Mountain View. Google entend ainsi dynamiser cette activité en intégrant quatre de ses services sur la plateforme : VMWare : BigQuery (analytique), Cloud Storage (stockage objet), Cloud Datastore (base de données NoSQL) et Cloud DNS (services DNS). Bien entendu, ce tour d’horizon n’est pas exhaustif et nous aurions pu citer, dans le domaine du stockage objet, des start-ups américaines comme Scality ou spécialisées dans la publication des vidéos à la demande ou la télévision de rattrapage comme encoding.com ou Datacast (ce dernier a une antenne en France). Mais, nous n’avons pas fini de parler du Cloud computing…

 

La France tente une percée timide dans le Cloud

Dans ce contexte de compétition internationale très vive autour du Cloud privé visant à convaincre les entreprises traditionnelles à basculer dans le cloud, les acteurs de l’informatique de notre pays disposent de qualités «singulières», comme un écosystème de développeurs et ingénieurs informatiques de haut niveau, mais aussi de faiblesses telles que le financement public de ce type d’activité, encore trop timide et mal orienté. En effet, les expériences récentes de Numergy et Cloudwatt sonnent pour le moment comme un gâchis. Cloudwatt, qui emploie environ 90 personnes et devait créer à court terme près de 1 000 emplois, a réalisé un chiffre d’affaires de l’ordre de 2 millions d’euros en 2014, alors que les prévisions portaient sur plusieurs centaines de millions d’euros de CA dès 2015.

« Pire, indique Quentin Adam, le fondateur de la petite start-up Clever Cloud qui se retrouve le plus souvent en concurrence avec les géants américains, mais jamais avec l’un des deux acteurs français, ces clouds souverains largement soutenus par l’État ont aspiré une bonne partie du bassin des développeurs français talentueux qui se sont échinés sur des usines à gaz comme openstack sans que cela ne donne des résultats très probants ». Il est vrai que Cloudwatt a connu des retards à l’allumage. Son choix de développer sa propre plateforme en Openstack (middleware opensource), jugée pertinente techniquement, l’a cependant freinée dans son développement et ses toutes premières offres commerciales complètes n’ont été disponibles en ligne qu’en juillet 2014. Du coup, de jeunes sociétés de services et d’accompagnement technique vers le Cloud comme la jeune pousse nantaise Clever Cloud se sont appuyées sur d’autres réseaux de Data centers comme celui de Free Iliad (Online.net) qui dispose de serveurs répartis principalement en Europe et en Amérique du Nord. À noter aussi, qu’en ce printemps, Clever Cloud, qui avait déjà travaillé ponctuellement sur des opérations de communication événementielles nécessitant de la vidéo et des jeux vidéo avec des montées en charge significatives en termes d’audience, vient de lancer une offre cloud dédiée spécialement au stockage et à la distribution de contenus audiovisuels.

Face à cet échec patent du « cloud souverain » à la française, la réorganisation capitalistique règne ces deniers mois en coulisse. Orange vient de mettre la main sur l’intégralité du capital de Cloudwatt (le capital actuel est co-détenu par Orange 44,4 %, CDC 33,3 % et par Thales 22,2 %) tandis que l’opérateur a stoppé par ailleurs de manière brutale Daylimotion Cloud, une offre BtoB de PaaS dédiée au transcodage et à la publication vidéo sur le web utilisée jusqu’ici par beaucoup de start-ups françaises des médias audiovisuels. Certaines jeunes start-ups ont d’ailleurs dû reporter leur plan de développement à cause de cet arrêt brutal de DM Cloud, dont elles ont été averties en toute fin d’année 2014 pour une mise hors service des serveurs en mars 2015. Et malheureusement, pour la plupart d’entre elles, le choix le plus simple, immédiat et compétitif qui s’offre à elles est de basculer sur une offre de PaaS anglo-saxonne désormais, en attendant des jours meilleurs pour le « Cloud souverain »…

Dans l’hexagone, il demeure toutefois des acteurs du SaaS qui prennent actuellement le virage du cloud privé et hybride avec volontarisme tout en préservant leurs fondamentaux, et leurs perspectives de déploiement à venir de nouveaux SaaS restent intéressantes pour des acteurs comme Arkena ou Oodrive, car le marché est loin d’avoir encore basculé massivement vers le cloud.

 

Cloud4media prépare la V2 de son cloud privé

L’offre Cloud4media existe depuis un an et demi environ, renforcée par la réorganisation au sein du groupe TDF et le recentrage des ressources de Cognacq-Jay Images et de Smartjog autour des services dédiés aux acteurs de l’audiovisuel. Les Datacenters d’Arkena sont privés et orientés medias professionnels. « Elle part aussi d’un constat qui est l’essor exponentiel du volume de données à s’échanger à distance, comme le souligne Fernando Ribeiro, responsable de cette division Cloud4media. Là où un épisode d’une série TV représentait il y a douze ans un fichier de 5 Go, aujourd’hui les épisodes de cette même série pèsent 58 Go ».

Signe des temps, dès son offre de base de cloud privé, Cloud4Media met l’accent sur la sécurisation des données qu’il gère. « Même si la sécurisation parfaite n’existe pas, souligne Fernando Ribeiro, notre historique avec les majors hollywoodiennes (NDLR : les majors mandatent régulièrement des experts indépendants pour auditer le niveau de sécurisation d’Arkena) nous a permis de développer un haut niveau de sécurisation sur notre plateforme Cloud4Media. Les logs de chaque utilisateur sont régis par des autorisations respectant les protocoles de certification ISO, tandis que le suivi des transactions et des requêtes est permanent. Les échanges de contenus eux-mêmes sont sécurisés par le biais d’un VPN et les contenus eux-mêmes font l’objet de plusieurs niveaux d’encryptions tout au long de leur transport sur les réseaux IP. Des passerelles sont également prévues dans Cloud4Media entre clés publiques et clés privées».

En termes de stockage proprement dit, Arkena propose généralement en premier lieu du stockage Near Online dans son cloud privé destiné avant tout aux ayants droits et aux laboratoires qui souhaitent préserver des fichiers d’exploitation à court et moyen termes dans une sorte de zone tampon, afin de pouvoir les envoyer régulièrement et rapidement à leurs clients. Dans cette offre de stockage « chaud » les fichiers sont disponibles immédiatement et sont répliqués dans des endroits différents. Toutefois, afin de répondre à une demande de stockage à plus long terme, Arkena propose aussi une offre de « Cold storage » sans réplication de données. Si, sur le stockage Near Online, Arkena indique ne pas être aussi agressif que des acteurs comme AWS ou Azure, ne pouvant réaliser les mêmes économies d’échelle en matière d’infrastructure, sur l’offre de stockage « froid », la société française assure être tout à fait compétitive, voire plus avantageuse sur certains ratios de volume de données à conserver. En outre, Arkena propose des composants de meilleure qualité, donc plus fiables et des temps d’accès aux médias en cas de besoin comparables à du stockage Near Online tel qu’Arkena ou un Amazon le pratiquent (NDLR : la durée de récupération des données sur le cloud Glacier d’Amazon est donnée en moyenne pour 4 heures).

Mais c’est sans doute sur le marché de la transformation numérique (encodage et publication) où la concurrence est la plus rude au niveau international dans le cloud. Arkena, fortement positionné sur ce créneau indispensable à partir du moment où l’on dispose des fichiers de clients en format mezzanine, se différentie néanmoins des autres offres génériques d’Amazon focalisées sur « l’elastic transcoding » et sur des formats du type ffmpeg.

Arkena propose bien entendu l’encodage dans ce type de format basique, mais aussi des solutions hardware émanant d’équipementiers spécialisés dans l’encodage vidéo comme Elementals, Ateme ou Telestream. Il peut ainsi répondre aux demandes d’opérateurs télévisuels ou de laboratoires qui souhaitent des encodages de qualité dédiés au visionnage sur des terminaux TV et non pas seulement au web. De ce point de vue, Arkena dispose aussi d’un avantage concurrentiel vis-à-vis des services dans le Cloud proposés par ces équipementiers eux-mêmes, souvent moins abordables, afin de ne pas brader leurs encodeurs vendus sur étagère. Ainsi, de manière agile, Arkena s’est donc organisé pour répondre à tous les types de demande en la matière via des abonnements annuels pour des demandes récurrentes ou des achats à l’acte quand un client n’a que des besoins ponctuels. Quatrième composant de l’offre Cloud4Media: le CDN (Content Delivery Network) qu’opère Arkena pour certains clients comme Canal + et HBO en Europe.

Aujourd’hui, Cloud4media reste une plateforme technique en mode SaaS reposant sur des technologies hétéroclites émanant de différentes entités du groupe et dont chacune nécessite des API pour que les clients d’Arkena puissent s’interfacer sur les outils de gestion en ligne. Mais, d’ici l’automne 2015, Cloud4Media va adopter une nouvelle plateforme informatique mieux intégrée et plus moderne du type SOA (Architecture Orientée Service) qui permettra, à partir d’un bus unique de gestion des applications, de réaliser des workflows spécifiques de manière plus agile qu’aujourd’hui. Ainsi il sera possible, pour les futurs clients d’Arkena, d’avoir à leur disposition des KPI (Key Performances Indicators, des indicateurs de performances techniques et financières) permettant de gérer de manière fine leurs ressources sur la plateforme Cloud. Avec cette nouvelle plateforme en gestation, Arkena compte aussi pouvoir faire grossir à l’infini ses capacités de traitement et de stockage, afin de dépasser les limites actuelles.

 

Oodrive, une offre Cloud privée orientée partage et archive

Oodrive est un éditeur français d’applications BtoB commercialisées en mode SaaS qui a le vent en poupe. Fort de ses 15 000 clients, d’un chiffre d’affaires de 32 millions d’euros en 2014 et de l’ambition d’atteindre les 60 millions d’euros de CA en 2017, Oodrive s’implante dans de nouveaux pays (l’Allemagne et le Brésil récemment) et rachète des sociétés spécialisées complémentaires de son savoir-faire de base avec, en 2014, le rachat d’Active Circle, spécialiste de l’archivage de gros volumes de données à long terme. Oodrive base sa croissance sur son parc applicatif en SaaS qui, aujourd’hui, peut être hébergé indifféremment OnPremises (c’est-à-dire installé sur les serveurs du client) ou dans un cloud privé hébergé chez Colt (hébergement de manière isolée à l’intérieur d’un ou plusieurs datacenters). « Le stockage chez Colt n’a pas été choisi par hasard, souligne Aude Cavailler Business Unit Manager Conseil & Médias. Le niveau de qualité de services de ce fournisseur installé un peu partout sur la planète nous permet de proposer un Cloud privé de haut niveau en matière de sécurité». Au-delà des niveaux de sécurisation d’Oodrive conformes à l’ensemble des meilleurs standards internationaux, Oodrive se targue d’être un des très rares fournisseurs de cloud privé à ne pas être soumis au « patriot act » américain : « puisque nous sommes une société française à l’actionnariat français n’ayant aucun serveur aux États-Unis ».

Dans les médias Oodrive base son offre sur une plateforme SaaS de partage et de collaboration autour des fichiers photo et vidéo baptisée Mediawaz. C’est un véritable outil de workflow, puisqu’il intègre la possibilité de définir des dates de fin de validation avec des alertes pour tel ou tel contributeur. Au-delà de la gestion des annotations et du versionning des médias audiovisuels, Mediawaz permet de lire automatiquement en streaming HD ces fichiers de travail. Pratique quand ils sont lourds de plusieurs dizaines de Giga-octets… Il est également possible de créer un mini-site BtoB pour montrer toute une série de work-in-progress en streaming vidéo. En tant que solution de cloud privé résolument tournée vers le partage, les données partagées sur Mediawaz sont également accessibles via des applications mobiles (iOS et Android). Côté sécurité, cette solution propose des liens temporaires avec un filigrane dynamique (watermarking sur vidéo) et une traçabilité complète… Le service Mediawaz est vendu sous la forme d’un abonnement pour un gestionnaire qui peut centraliser autant d’accès à la plateforme qu’il le souhaite. Dans cet abonnement de base, l’espace de stockage est limité à 20 Giga-octets et les fonctions de workflow évoluées, telle que la publication web, sont en option. Autre particularité de l’offre Cloud d’Oodrive désormais : elle est interfacée avec le portail d’archivage d’Active Circle Media Explorer qui repose sur un système d’archivage permettant de mélanger stockage disques et LTO. D’ailleurs, les solutions de stockage froid d’Active Circle vont elles-même évoluer vers le Cloud privé ou hybride et des systèmes d’indexation des extraits vidéo plus sophistiqués dans le courant de l’année 2015.

 


Les chiffres impressionnants d’AWS

Les chiffres clés d’AWS suffisent à prendre la mesure de la place de leader mondial du Cloud Computing d’Amazon Web Services (AWS). Depuis 2006, AWS a installé ses serveurs dans plus de 11 Régions du monde (USA, Brésil, Europe – Dublin et Francfort -, Japon, Singapour, Australie et Chine) avec plus de 28 zones de disponibilités (groupe de datacenters) ; 1 million de clients actifs dans plus de 190 pays, plus de 500 innovations en 2014 (fonctionnalités et services) et surtout une politique tarifaire toujours plus agressive depuis les débuts. Avec 30 % de part de marché, Amazon Web Services reste toujours loin devant ses trois grands concurrents dans le domaine du cloud que sont Microsoft, IBM et Google. Microsoft progresse néanmoins rapidement avec un chiffre d’affaires en croissance de 96 % au dernier trimestre sur un an. Ce dernier s’est octroyé 10 % du marché mondial au dernier trimestre 2014, selon un rapport de Synergy Research Group. Et son chiffre d’affaires a progressé de 51 % par rapport à l’an dernier. 


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