Atomos Samurai / BMD Hyperdeck Shuttle 2: l’enregistrement externe qualitatif et accessible

Les enregistreurs externes ont le vent en poupe. Pourquoi ? Parce qu’ils permettent de passer d’un codec de captation souvent limité à 8 bits, à des codecs de montage en 10 bits bien plus adaptés aux travaux d’étalonnage/trucages. Nous les connaissons depuis quelques années mais ils souffraient de quelques défauts, à commencer par leur prix. Cette année, deux trublions sont venus bousculer la donne : l’Atomos Samurai et l’Hyperdeck Shuttle 2 de Black Magic Design. Nous les avons testés en conditons réelles une petite semaine. Sans être exempts de défauts, il y de quoi être tenté.
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Avantages et limites de l’enregistrement externe

 

Avant d’évoquer le test à proprement parler, il faut déjà tordre le coup à quelques idées réçues et cadrer l’utilité (ou pas) de ce genre de périphérique. Et commencer par répondre à la question : l’enregistrement externe augmente-t-il la qualité des images captées par une foule de camescopescaméscopes et autres DSLR cantonnés au 8 bits ? (en AVCHD, HDV, XDCam EX…). La réponse est : oui et non. Tout simplement parce qu’il faut distinguer la qualité « visuelle » (ce que perçoit un spectateur même très attentif) de la qualité « nécessaire » à une grosse post-production. Autrement dit, en comparant les images enregistrées nativement lues à vitesse réelle et celles qui proviennent des enregistreurs externes, il faut être très malin pour voir une quelconque différence. Y compris sur grand écran. En revanche, dès que nous nous arrêtons sur une image, que nous zoomons sur un détail ou que nous appliquons un filtre de correction, un keyer, c’est là que l’on constate les différences. Pour résumer donc. Dans un contexte ENG et autres travaux qui ne nécessitent que du Cut, les enregistreurs ont un seul intérêt : servir de backup.

Dans les autres cas en revanche, leur intérêt est multiple. Nous passons tout d’abord d’un enregistrement en 8 bits (256 niveaux de nuances par couleurs R/G/B), au 10 bits (1024 niveaux par canal). C’est-à-dire que nous enregistrons avec plus de précision le signal du capteur. Ensuite, nous nous affranchissons de la compression liée au système intégré à la caméra puisque nous utiliserons des codecs très décompressés (du DNxHD, du ProRes 422…) ou pas de codec du tout (signal décompressé entièrement). L’enregistrement est très volumineux mais, nous conservons un maximum d’informations, y compris des informations qui ne se voient pas à l’oeil. Nous pouvons par exemple faire un parallèle audacieux avec la photo entre le Jpeg et le Tiff ou le Raw : visuellement, c’est la même chose mais quand nous travaillons dessus (pour récupérer une surexposition par exemple), nous nous rendons compte que le jpeg n’a plus aucune latitude par rapport aux autres formats. Voila pour les principaux bénéfices. Ceci est d’autant vrai plus que les outils de captation « pas chers » et pourtant ultra qualitatifs se sont multipliés, à commencer par la horde de DSLR dont la principale limite est justement d’utiliser un format d’enregistrement compressé. Et si un Canon 5D Mark II bride volontairement sa sortie HDMI à une résolution ridicule, le très prochain Nikon D4 devrait lever cette limitation. Une Sony EX1R sort en 10 bits 4 :2 :2…

 

Tout cela, c’est très bien, mais jusque là, les enregistreurs externes souffraient de plusieurs « problèmes ». À commencer par leur prix correspondant à une bonne partie de celui de la caméra. Ou alors à la nécessité d’être branché sur secteur. Ou d’être encombrant. Ou encore de ne pas avoir d’écran. Etc, etc etc. Et voilà que Black Magic Design, grand habitué du dumping tarifaire (mais aussi de l’innovation) et Atomos, un nouveau constructeur, sortent deux produits qui pallient pour partie ces limitations. Sans être en concurrence frontale, l’Hyperdeck Shuttle 2 et le Samurai, grand frère du Ninja, sont tout deux en correlation avec les cameras auxquelles ils se destinent. D’un point de vue tarifaire et fonctionnalités. Nous les avons utilisés tous deux derrière de bonnes « vieilles » cameras HDV (8 bits en sortie aussi). Nous avons fait ce choix volontairement pour montrer que même sur une sortie de la camera en 8 bits, nous constatons déjà des différences : les enregistreurs n’inventeront pas les 2 bits manquants, mais il vont tout de même apporter une bien meilleure précision de travail.

Une qualité d’enregistrement similaire

Nous allons donc déjà évoquer les points communs des deux appareils. Ils sont assez rares bien que les deux machines visent une cible assez similaire. Tout deux fonctionnent sur batterie. Ils sont bien construits (pas de plastiques), assez peu encombrants (compatibles avec un caméscope de poing) et ils offrent le DNxHD d’Avid (en option à 99 euros chez Atomos) en plus d’un autre format de base : le décompressé pour l’Hyperdeck et la gamme Prores (LT jusqu’au HD 422..) d’Apple pour Atomos. Hormis cela, c’est à peu près tout ce qui les rassemble. Logique : un petit millier d’euros les sépare à la vente. 275 euros HT pour l’Hyperdeck 2 contre…1145 euros HT sans l’option DNxHD pour le Samurai. Dans les deux cas, il vous faudra rajouter le disque dur d’enregistrement (SSD obligatoire chez BMD pour gérer le décompressé et son débit).

Enfin, dernier paramètre commun, et non des moindre, la qualité d’enregistrement. Inutile de tergiverser non plus sur ce point puisque notre test a été ultra simple. Nous avons enregistré exactement les mêmes plans dans le format natif de la caméra (du HDV donc) sur les deux appareils : en décompressé chez BMD et en ProRes HD 422 chez Atomos. Visuellement la qualité de lecture est identique sauf en cas de mouvement prononcé des cheveux sur le modèle sur fond vert. Dans ce cas, un arrêt sur image montre les limites du mpeg2 à ce débit (25 mbps) : le lissage effectué par le codec (flou) par rapport à la précision des formats des enregistreurs externes est indiscutable. Comme les montrent les illustrations prises ici : les macroblocs sont bien là et absents dans l’autre. Précision qui peut être piégeuse d’ailleurs puisqu’elle accentue nettement les défauts du tournage. En revanche sur un autre appareil plus performant (XDCam EX, AVCHD à 40 mbps…), nous ne pensons aucunement que cette différence soit aussi visible. Nous avons effectué nos incrustations avec un Keayer (Ultrakey fourni avec Premiere Pro 5.5) et nous avons simplement adjoint une correction colorimétrique via Mojo de RedGiant Software. Dans le cas du HDV, c’est catastrophique puisque nous voyons ressurgir du vert dans des zones que nous croyions traitées. Dans le cas des deux enregistreurs, nous restons sur un résultat propre. CQFD : l’enregistrement externe à a donc un intérêt indéniable dans le cas où nous sommes limités par le codec de captation. Acheter l’un ou l’autre présente bien un gain notable. Gain qui devrait s’accentuer encore plus quand nous disposons d’une vraie sortie 10 bits sur la caméra (les bits « manquants » dans le cadre de ce test étant remplacés par des « 0 »). Cependant, les points communs s’arrêtent là entre les deux références.

Une addition du simple au double

Chez Atomos, l’écart de prix est justifié par un certain nombre de choses fonctionnelles qui le rendent quasi opérationnel à la livraison. Il est livré en valisette de type mini Pelicase dans laquelle nous allons trouver l’enregistreur -–compact-, deux batteries, un double chargeur, un dock à brancher en USB 3.0 ou en FireWire 800, les câbles nécessaires (mini-SDI vers SDI etc) et deux « caddies ». Autrement dit, des boites dans lesquelles nous insérons les disques durs ou SSD et qui servent de cartouches. Chez Black Magic Design c’est le strict minimum : l’enregistreur et le chargeur (la batterie n’est pas amovible). Point. En revanche, l’Hyperdeck accepte indifféremment HDMI et SDI entre entrée/sortie tandis que chez Atomos, il faut se tourner vers le modèle Ninja (HDMI seulement), ou attendre la sortie prochaine du petit convertisseur modulaire (baptisé Connect) qui pourra prendre place sous une des deux batteries) et qui offre la conversion des signaux. Deux philosophies bien différentes donc. L’un est complet, l’autre plus retors, mais nettement moins cher aussi.
Et à l’usage, l’impression se confirme. Puisque déjà, le Samurai est une sorte d’Ipad like qui se pilote au doigt puisqu’il dispose d’un écran alors que son concurrent n’en a pas. Grosso modo, il suffit de le brancher, d’appuyer sur On et de choisir à l’écran quelques paramètres (numérotage des scènes avec préfixe, type d’enregistrement (de la gamme ProRes), déclenchement à l’aide du TC ou pas…). Et c’est parti. Autre aspect agréables, ce fameux écran sert à « monitorer ». Alors d’accord, comme il est « sensitif » il est peut lumineux, il n’y a pas encore de fonctions pour le calibrer (son image est largement fausse), mais malgré tout, il est assez agréable de contrôler un cadre de cette manière, c’est-à-dire un peu plus largement que sur les LCD des caméras. Autre bon point, les batteries sont compatibles avec la gamme Sony NPF (PD150/Zx etc) très largement répandue. Bref l’autonomie et la compatibilité sontt en au rendez-vous et on peutnous pouvons partir longtemps avec. L’appareil dispose de deux emplacements pour pas de vis Kodak qui lui permettentre d’être fixé à n’importe quel accessoire. Bonne surprise encore au branchement sur PC (dans notre cas). Le Prores étant exploitable comme le DNxHD par des plateformes tierces (CS 5.5 ici), cela revient tout simplement à décharger une carte mémoire. Ou à travailler directement dessus en cas de besoin puisque les deux interface choisies (USB 3.0 ou FW800) sont largement assez rapides. Cependant, malgré la possibilité de brancher des disques durs traditionnels, nous pensons qu’étant donnée la « mobilité » de l’appareil et sa propension à se promener, le SSD est à recommander pour son absence de pièces mécaniques. Pour résumer donc, nous avons affaire à un bon produit mais dont l’addition peut vite « monter : 1400 euros TTC pour l’appareil, 350 euros pour un SSD de 256 Go (ou 115 pour 500 Go en traditionnelle), environ 300 euros pour un convertisseur le cas échéant… Bref, on arrivenous arrivons assez vite aux environs de 2000 euros.

En face, l’Hyperdeck 2 se facturera simplement : 1000 euros maximum (avec un SSD de même taille) et les deux options indispensables selon nous : la « platine à visser » pour le mettre sous un camescopecaméscope, – c -car en l’état nous ne pouvons le fixer nulle part – (75 euros) et le dock pour décharger les SSD (une centaine d’euros). Car sans ce dock, on ne peutnous ne pouvons strictement rien faire : la prise USB ne sert qu’aux mises à jour et au paramétrage de l’appareil. Ce tarif deux fois moins cher que son concurrent se paye aussi à l’usage. A À commencer par le fait que la configuration se fait obligatoirement par la case ordinateur via un utilitaire sommaire qui pilote le type d’enregistrement en USB (non compressé en container MOV, ou en MXF DNxHD 220 mbps). Le formatage du disque doit aussi se faire par des utilitaires tiers (quand on ne travaille pas sur Mac) et encore par l’ordinateur car l’Hyperdeck Shuttle 2 ne marche qu’en HFS+ et ne formate pas tout seul. Bref, ce n’est pas excessivement pratique. Autre inconvénient lors de ce test, le DNxHD produit n’est compatible qu’avec les logiciels Avid et pas par avec d’autres, y compris quand les codecs sont installés. Interrogé à ce sujet, Black Magic Design m’a nous a confirmé que ceci ne changerait pas dans le temps et qu’il faudra investir dans un logiciel tiers pour rendre les fichiers MXF compatibles ailleurs : nous trouvons celaça vraiment dommage. A À voir aussi si chez Atomos quand l’option sera disponible (courant mars), elle sera tout aussi bridée. Ou pas.

Enfin et c’est pour moi nous le seul point vraiment rédhibitoire, l’Hyperdeck Shuttle 2 a une batterie intégrée non amovible. Qui dure environ une heure. Ce qui lui interdit presque totalement les ballades sauf à bricoler une alimentation externe depuis une autre source de courant (depuis une batterie V-Mount par exemple).

Enfin, dernier point à aborder, quid de la synchro des appareils avec le déclenchement du Rec des cameras ? Grosso modo c’est assez simple en SDI. La liaison transportant aussi le TC, il suffit de paramétrer les cameras en Rec Run pour que les deux enregistreurs se déclenchent aussi. En HDMI on seranous serons en revanche obligés de fonctionner en déclenchement manuel. En effet, les caméscopes n’intègrent pas encore de « commande spécifique » pour envoyer un ordre via l’interface (ce qui serait tout à fait possible) et le TC n’est pas plus transporté.

Conclusion

La bonne nouvelle, à l’issue de ce test, c’est que dans les deux cas, nous en avons pour notre argent et que la qualité est au rendez-vous. L’un va se négocier à un tarif imbattable et le faire payer par un ensemble de choses très limitatives en usage nomade. Il est bien plus réservé selon moi nous à un usage studio, ou en tout cas aux « environnements maitrisés ». Tout simplement parce qu’il lui faut un ordinateur et que sa batterie est limitée. Il bénéficie cependant de la double entrée/sortie HDMI/SDI et de la prise en charge du DNxHD gratuite avec les limites que nous avons évoquées. L’autre correspond bien plus à un set complet au niveau offre et fonctionnalité. Doté d’un écran ultra pratique (bien que d’une qualité moyenne), robuste et autonome, laissant le choix entre disque dur classique et SSD (ce que nous ne recommandons cependant pas), il souffre simplement d’un certain « prix des options » plus élevé (convertisseur HDMI et codec DNxHD). Notre cœur balance donc naturellement vers ce dernier puisque notre utilisation est bien plus nomade. Les deux investissements sont malgré tout parfaitement rationnels dans un cadre professionnel pour s’affranchir des limites de captation. Cependant, ce gain qualitatif est selon nous à mettre en tandem avec une camera en sortie 10 bits pour exploiter tout le potentiel des capteurs. En 8 bits, ce gain reste plus modeste.

 

Dernière Minute

 

Black Magic Design a finalement décidé de rendre le DNxHD enregistré sur l’Hyperdeck Shuttle compatible avec les softs autres que ceux d’Avid (Premiere etc) sans avoir recours à un logiciel tiers payant. Il suffit de mettre à jour le firmware de l’appareil via la rubrique Assistance du site du fabricant

 

http://www.blackmagic-design.com/support/detail/register/?sid=3960&;pid=3968&os=win&isSDK=0&fid=27230&beta=true

Cette mise à jour apporte aussi le support du Rec start&stop via la liaison SDI et la norme de Time Code RP188.

Les + Avantages Atomos
Package complet y compris pour le transporter / Qualité de fabrication et d’enregistrement / Pilotage et configuration enfantine, au doigt et à l’œil / Autonomie de tournage / Encombrement
Les – Inconvénients Atomos
Prix global qui peut grimper en fonction des besoins (notamment face au Ninja, le petit frère HDMI) / Attention à l’interface SATA des disques durs / SSD qui n’est pas faite pour le branchement/débranchement. / L’écran ne peut pas être utilisé pour le monitoring précis.
Les + Avantages BMD
Le prix sans concurrence / qualité de fabrication très bonne / qualité de l’enregistrement / double interface en entrée/sortie / Enregistrement DNxHD « offert »
Les – Inconvénients BMD
Batterie non amovible et peu autonome / nécessite un ordinateur et de préférence un Mac pour la configuration / platine de fixation optionnelle tout comme le dock : un prix de vente plus élevé sans l’achat de ces options indispensables serait plus judicieux / Attention à la fragilité de l’interface SATA des SSD