Avengers est donc le dernier long-métrage estampillé Marvel, en 3D relief, avec Joss Whedon à la manœuvre. Une manœuvre à haut risque puisqu’il s’agissait d’aligner non pas un mais six super-héros. Tout aussi risqué était le partage des effets visuels sous la houlette de Pixomondo à qui l’on doit le récent et réussi Hugo Cabret ; en grand ordonnateur de partages de séquences, le studio a, lui aussi, su réunir les talents : ILM, Weta Digital, Digital Domain, Scanline VFX, Legacy Effects, Luma Pictures, Hydraulx, etc.
Principal prestataire, nous avons interrogé Jeff White, VFX Supervisor chez ILM.
Combien de plans truqués compte Avengers ?
Difficile à dire de façon précise mais ce dont je suis sûr, c’est que ILM a réalisé plus de 700 plans truqués, ce qui en fait le principal studio. Historiquement, nous étions le studio choisi par Marvel mais l’ampleur de la tâche nous a forcément conduits à partager le travail avec d’autres.
Certaines séquences étaient dévolues intégralement à des studios mais pour ce qui nous concerne, nous avons fini par travailler en collaboration avec Weta Digital et Scanline sur le Helicarrier, le porte-avions volant du SHIELD, le Quinjet des Vengeurs, Iron Man et toutes les doublures numériques des super-héros.
Quels étaient les principaux challenges au regard de la production ?
Au final, il y en a eu pas mal… Mais le vrai challenge du film était qu’il y avait tant de problèmes dans lesquels il fallait mettre de l’énergie. Nous avons eu un temps de tournage très court à New York et il y avait une quantité énorme d’environnements à mettre en place pour construire tous les arrière-plans pour Park Avenue, où se déroulent les séquences de bataille finale : notamment le viaduc et la plupart des plans d’échanges de tirs avec les vaisseaux volants. Nous avons tout d’abord débuté par le shooting de sphères pour obtenir des « carrelages » d’images, un peu comme ce que l’on peut avoir dans Google Street View mais en haute définition. Puis nous avons projeté ces sphères sur des géométries de modèles 3D. À partir de là, nous avons dû peindre toutes les voitures, les arbres, les gens, les lumières des rues,… bref, tout ce qui allait passer dans la parallaxe (le film est en 3D relief) des mouvements de caméra en vue d’un remplacement en CG une fois au stade des effets visuels. Une fois que tout a été construit, nous avons ajouté les éléments de destruction liés à l’invasion alien.
Le Léviathan, par exemple, est une créature volante qui n’est véritablement pas adaptée au format des rues de New York, ce qui impliquait, de fait, beaucoup d’occasions pour construire des simulations de destruction, surtout lorsqu’il pourchasse Iron Man. À ce sujet, nous avons aussi dû construire une nouvelle armure d’Iron Man pour ce film, le Mark VII, avec des processus encore plus complexes lorsqu’Anthony Stark l’enlève ou la met. (On le voit lorsque Stark atterrit sur son building et descend les marches menant à son loft tout en se débarrassant de son costume – NDLR). Créer une nouvelle race d’aliens fut également un challenge intéressant car ils devaient se distinguer de tout ce que nous avions pu créer ou voir ailleurs auparavant. Nous avons par exemple fait de nombreuses simulations de fluides pour mettre en place le portail dimensionnel qui s’ouvre dans le ciel de New York et permet aux armées de Loki de se déverser sur la planète. Mais le plus important, ce qui allait nous faire dire que nous avions réussi – ou échoué – était de rendre Hulk crédible.
Passons à Hulk justement. On serait tenté de dire que, pour la première fois depuis ses deux précédentes adaptations (sans parler de l’ère Lou Ferrigno), il semble, enfin, « réaliste ». Expliquez-nous comment vous êtes parvenus à ce résultat.
Nous avons été extrêmement chanceux de pouvoir travailler avec Mark Ruffalo (qui incarne Bruce Banner et son alter-ego de jade) qui a collaboré avec nous en tout point possible sur Hulk. Au vu du résultat, je serais tenté de dire que nous avons élargi la définition de Performance capture à l’acquisition pleine et entière de données. Une des choses qui marche vraiment bien pour ce Hulk est l’intégration de Mark dès la phase de design. Tout sur qui fait Hulk est construit à partir de Mark, des pores de sa peau, aux mèches grises de ses tempes, et même jusqu’aux empreintes digitales. Sur le plateau, Mark a été filmé pour chaque séquence avec une tenue iMocap et des points de tracking sur le visage dont chaque mouvement était enregistré par quatre caméras témoins.
Une fois que tous les plans ont été validés, Mark est revenu à ILM avec Joss Whedon, le metteur en scène, et a effectué de nouveau un tournage pour chaque plan dans un costume de capture de mouvement avec la tête surmontée de caméras pour obtenir une meilleure fidélité aux données. Notre objectif était d’appliquer les données capturées aux doubles numériques de Mark Ruffalo pour vérifier l’exactitude de notre capture et re-targeter, ensuite, l’animation sur Hulk.
Cela a donné une super plate-forme de départ aux animateurs, mais cela a nécessité un travail considérable pour que les données capturées soient correctement lues et soient cohérentes avec les mouvements de Hulk qui, forcément, ne se déplace pas comme tout le monde… Les proportions de Hulk sont radicalement différentes de celles de Banner et les animateurs d’ILM ont réalisé un super boulot pour donner cette impression de poids et de taille, tout en respectant – et c’était là le plus important – les directives de mise en scène de Joss.
Après l’animation, nous avons joué avec trois couches de muscle et de simulation de peau pour obtenir les dynamiques et parvenir à une peau parfaitement réaliste.
Un autre point qui n’a pas été sans importance : Hulk se prend pas mal de tirs d’armes durant le film et nous avons dû mettre en place un système de simulation nous permettant d’impacter ces tirs sur la peau et les muscles, avec les déformations afférentes comme les fines rides conséquentes de l’impact. À cela, il faut ajouter un travail sur l’anatomie image par image réalisé par l’équipe du modeling pour s’assurer de la justesse du résultat.
L’une des séquences les plus réjouissantes pour les fans de la BD est l’affrontement entre Hulk et Thor. Comment avez-vous effectué ces interactions entre un personnage 100% numérique et un acteur, blond de surcroît ?
Sur le plateau, nous avions de grandes pièces de mousse vertes qui avaient été élaborées pour qu’elles soient portées par le cascadeur qui allait interagir avec Thor. Le vrai travail est apparu ensuite, lorsqu’il a fallu faire un tracking de Thor et s’assurer que les contacts qu’il aurait avec Hulk soient crédibles. Nous avons également utilisé un double numérique de l’Asgardien pour parfaire l’illusion lorsque c’était nécessaire.
Quand Hulk fait s’écrouler le bâtiment dans lequel il poursuit la Veuve Noire, le superviseur d’effets spéciaux, Dan Sudick a construit une pièce d’art moderne fait d’acier qui était grossièrement en forme de Hulk qu’il a poussé vers le mur pour donner l’interaction. Nous avons alors ajouté des débris supplémentaires, tels que le verre et des éclats en plus autour de Hulk pour finaliser l’intégration.
Le quinjet des Vengeurs est un modèle du genre. Pouvez-vous nous parler de sa modélisation, de son envol… puis de son crash ?
Nous avons investi pas mal de temps à construire le Quinjet comme nous savions qu’il serait présent partout dans le film. L’équipe déco avait construit un plateau pour les intérieurs et nous devions nous assurer que nos modélisations extérieures seraient en totale harmonie avec celui-ci. Nous avons ajouté des couches de poussière, de saleté et un certain degré de dilution des lumières sur les ailes pour donner une sensation d’usure plus crédible. Et forcément, c’était toujours lorsqu’il s’agit de faire s’écraser ce que nous avons construit que c’est le plus amusant. Nous avons commencé par une combinaison de « plates » filmées à New York et une série de photographies des bâtiments qui seraient visibles ou en interaction lors du crash. Nous avons alors modélisé un trottoir, le réverbère et l’arbre qui allaient entrer en contact avec le jet. Lorsque vous devez jouer sur l’interaction, rien de tel que des éléments d’échelle pour asseoir votre crédibilité…
La bataille finale prend des airs épiques. Comment avez-vous pu vous accommoder des rues de New York pour parvenir à ce résultat ?
Pour l’action principale qui a lieu en bas de Park Avenue, sur le viaduc, nous avons tourné sur un plateau qui était une superbe reproduction de la portion de route incriminée, avec des rails pour les travellings et quelques premiers plans de voitures endommagées. Nous avons construit l’environnement entier autour des Vengeurs, à partir des photos que nous avons pris des bâtiments à New York. Cela nous a donné une base de travail mais il manquait tous les mouvements et objets de premier plan passant dans la parallaxe. À la fin, nous avons dû remplacer chaque fenêtre et ajouter des voitures, des réverbères, des feux de signalisation en 3D, même la Place du Pershing café est en CG. Tout aussi virtuelle est la Tour Stark pour laquelle nous avons dû totalement effacer la tour Metlife avant de modéliser le building du milliardaire, l’intégrer dans tous les plans dans laquelle elle apparaît et lui ajouter ensuite tout un tas d’effets atmosphériques.
L’arrivée de l’armée Aliens sur Terre est particulièrement réussie, notamment sur les jeux de lumière. Comment avez-vous procédé sur cet aspect ?
He bien pour tout avouer, les Aliens ont été très difficiles à intégrer dans les scènes. Au départ, forcément, ils ont une armure dorée brillante et nous avons entrepris un travail de salissure de ces éléments métalliques, en y ajoutant des bosselures et des rayures pour les rendre plus crédibles. Nous avons construit un environnement d’éclairage qui était un hybride du plateau avec les fonds verts et les véritables bâtiments) de New York pour les intégrer dans les « plates ».
La partie la plus importante restait naturellement les interactions entre les acteurs et ces aliens full CG. Le combat à mains nues s’est avéré particulièrement difficile, lorsque la Veuve Noire remonte vers eux et utilise ses armes contre eux ; il fallait faire très attention à garder à l’esprit que les cascadeurs n’avaient pas les mêmes proportions que ces envahisseurs, sinon cela n’aurait pas du tout collé. Nous avons également employé des fumées ou des explosions proches des aliens pour donner des réflexions de lumière sur les armures et, ainsi, les ancrer dans le décor. Toujours à des fins de réalisme.