En matière d’exclusivité, le ton a radicalement changé. Il faut dire que le problème est sérieux : au cours des derniers mois, les assauts contre cette fenêtre se sont multipliés aux USA.
Netflix est le principal belligérant : les films qu’il finance pour sa plate-forme de streaming sortent systématiquement dans les salles en même temps qu’en ligne. Résultat : Netflix était cette année persona non grata à CinemaCon.
Amazon, qui a son propre service de streaming (Amazon Prime), s’était engagé à l’automne 2015 sur la même voie que Netflix : Chi-Raq, le film de Spike Lee que la société a financé, était sorti simultanément dans les salles et en streaming aux USA. Le résultat ayant été assez maigre face au boycott des exploitants, Amazon a fait machine arrière : ses prochains films (dont Café society de Woody Allen, qui fait l’ouverture de Cannes) respecteront la fenêtre de 90 jours.
Mais les opérateurs de streaming n’ont pas été les seuls à lancer l’offensive : début 2015, le studio Paramount a voulu réduire le délai entre la salle et le streaming à 17 jours pour ses productions les moins performantes. Deux exploitants de poids, AMC et Cineplex (circuit canadien) étaient prêts à tester la formule, mais Regal, qui était alors le circuit leader aux USA (avant le rachat de la chaîne Carmike par AMC en mars), a torpillé le projet.
C’est la dernière tentative en date, le projet Screening Room (50 $ pour voir un film en streaming dès sa sortie en salle), qui a déclenché les hostilités pendant le débat de CinemaCon entre exploitants et distributeurs. Même si les projets de Paramount et de Screening Room prévoient de reverser une part des recettes du streaming aux exploitants, ces derniers restent majoritairement opposés à de telles formules. D’abord, parce qu’elles risquent d’aggraver la piraterie – est-il raisonnable de diffuser une version streaming d’excellente qualité le jour de la sortie nationale ? – et surtout parce qu’un mauvais message va être envoyé aux spectateurs : si le cinéma perd sa prééminence, c’est que les professionnels eux-mêmes considèrent que la salle n’est plus le lieu privilégié pour voir les films.
Face aux exploitants, les distributeurs justifient la nécessité de tirer un meilleur parti du marché du streaming, et donc de réduire la fenêtre, par la quasi disparition des ventes de DVD et la baisse tendancielle des entrées en salles aux USA (-3% par an) qui résulte notamment de la désaffection des jeunes.
Le nouveau président du NATO, la fédération des exploitants américains, déclarait, avant même le débat, qu’il est temps de s’attaquer sérieusement au problème de la cohabitation entre salle et streaming. Une tâche ô combien difficile !