Un trophée SATIS pour le projet d’intégration du BTS Audiovisuel Henri-Martin de Saint-Quentin

En passant de la SD à l’IP, le BTS Audiovisuel Henri Martin préfigure ce que devrait être à l’avenir un BTS Audiovisuel, à savoir une architecture hybride ouverte sur le futur... Cet ambitieux projet d'intégration, réalisé par BCE France, vient de se voir décerner un Trophée SATIS/Mediakwest 2019 par la rédaction. L'équipe pédagogique de ce BTS nous ouvre les portes de son établissement... 
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Un investissement de 2 millions d’euros a permis une rénovation en profondeur des équipements de ceBTS Audiovisueavec une approche IP et une interconnexion entre les équipements pour que, depuis n’importe quelle salle, il soit possible d’avoir accès aux médias. Un BTS Audiovisuel est sans doute plus complexe dans son architecture et ses moyens techniques à équiper qu’une chaîne de télévision ou un prestataire technique.La technique doit rester au service de la pédagogie et faciliter l’apprentissage sur différentes typologies de matériel ; ce dernier doit être robuste, simple à appréhender par les élèves et dans un budget contraint…

 

Qu’est-ce qu’un BTS Audiovisuel ?

Le BTS Audiovisuel est un diplôme de haut niveau mis en place par le ministère de l’Éducation nationale et reconnu sur le plan national et international. Les sections accueillent des étudiants venant de toute la France, mais aussi de l’étranger. Dispensée par des professeurs et des professionnels, la formation associe théorie et pratique. Les étudiants sont confrontés directement avec le matériel lors de travaux techniques et d’exploitation et pendant les cours de mise en œuvre et de réalisation qui se déroulent sous forme d’ateliers.

Le BTS Audiovisuel du lycée Henri-Martin de Saint-Quentin (Aisne) a été ouvert il y a 30 ans, en 1989, et s’est développé, au fil des années, par étapes successives. Il y avait une première option puis une seconde, et au fil de l’eau, de manière empirique, sans grosses subventions, il a pris de l’ampleur « Nous avions commencé à 12 élèves et nous sommes arrivés à plus de 120. Les dernières installations avaient 15 ans. Il y avait une équation à résoudre entre l’enseignement, le matériel disponible et le nombre d’élèves. La Région Picardie, en 2004, a débloqué des fonds à hauteur d’un million d’euros, mais 15 ans après le matériel était devenu obsolète. La technologie a évolué rapidement et, pour la Région, renouveler la subvention représentait une enveloppe énorme. Entre temps, il y a eu une fusion des régions et après maints reports nous avons pu enfin bénéficier d’une subvention de la région des Hauts-de-France qui a permis cette évolution », souligne Jacques Tabary, proviseur du lycée Henri-Martin.

Le BTS Audiovisuel Henri-Martin de Saint-Quentin est exemplaire à plus d’un titre. Outre ses nouvelles infrastructures, il est aujourd’hui l’un des rares établissements du service public à proposer les cinq options et avoisine les 100 % de réussite à l’examen chaque année. Pour se donner une idée de la sélection, c’est 5 700 dossiers reçus pour 75 places (sélection via Parcoursup).

Le BTS AV occupe principalement le rez-de-chaussée d’une partie de la cour d’honneur du lycée (partagée avec les Lettres Sup). Le lycée, de style napoléonien, même s’il impose quelques concessions en termes d’ergonomie des salles (le bâtiment est classé), est magnifique. Le BTS occupe plus de 1 200 m2 et comprend de nombreuses installations techniques. La complexité des locaux est d’être dans des bâtiments historiques, il faut les adapter à la technique sans toucher à la structure ! Ce qui demande de l’ingéniosité, mais aussi permet aux étudiants de réaliser de nombreux exercices pratiques (montage/démontage).

 

Retour en arrière

Le BTS AV du lycée Henri-Martin est l’un des plus importants de France. Il accueille quinze élèves par classe, comporte cinq options. Il y a quatre ans, le BTS a repris une partie d’un BTS créé à Amiens en apprentissage avec option Montage. Depuis, il intègre également une filière apprentissage en option image et l’année dernière a été ouverte une licence pro Postproduction Son.

L’idée de la Région, sous l’impulsion de son président Xavier Bertrand, fut de doter le BTS de ce nouveau matériel en l’amortissant sur le BTS, l’apprentissage et la licence pro. Une fois la subvention votée, les choses commencent, il faut rédiger un cahier des charges en phase avec les problématiques actuelles et futures.

« Il est très complexe pour nous de connaître le cahier des charges des besoins, et les professeurs n’ont pas la connaissance de toutes les innovations. Nous avons demandé à BOB (Boîte à Outils Broadcast), une entreprise spécialisée et professionnelle, de nous aider à rédiger ce cahier des charges », indique José Delclitte, intendant du lycée.

La société BOB les a accompagnés durant les 19 mois du projet. De manière préliminaire, avec un audit comprenant une visite des locaux, une rencontre avec les enseignants, un audit des besoins techniques en fonction des besoins pédagogiques et la définition d’une enveloppe budgétaire. Puis la rédaction proprement dite du CCTP consistant à assurer la coordination du groupe de travail dédié à l’écriture du marché, la phase de sourcing dans sa dimension financière et technique, la rédaction du CCTP et de l’allotissement du marché et le cadrage financier du marché. Enfin, l’appel d’offres incluant la visite des locaux avec les soumissionnaires, réponses aux questions et assistance à l’analyse des offres. La société BOB a également suivi l’exécution des travaux, le déploiement des matériels…

L’appel d’offres a été remporté par BCE France. Outre la dimension financière, importante dans ce genre de projet, c’est sans aucun doute la dimension humaine et d’écoute qui a prévalu.

« Tout s’est fait en liaison étroite avec les professeurs, avec grande implication de l’équipe pédagogique. Les professeurs savaient ce qu’ils voulaient, mais avaient parfois une grande difficulté pour exprimer leurs besoins. Il faut prévoir une maîtrise d’ouvrage dans les budgets car nous n’avons pas la compétence en interne. Trop techniques, les acheteurs publics à la région n’ont pas cette compétence. Si nous n’avions pas eu le partenariat étroit avec BCE et la société BOB nous n’aurions pas pu arriver à un tel projet », insiste le proviseur.

Philippe Mauduit et Mikael Graignic, de BCE France, ont fait des déplacements au minimum toutes les deux semaines, que ce soit avant d’avoir remporté l’appel d’offres, mais aussi après. « Il faut être dans l’écoute, car il faut être capable de comprendre les besoins. Cyril Mazouër a fait un travail remarquable pour définir les besoins, mais il était important pour nous d’écouter les professeurs s’exprimer avec leurs propres mots. Nous nous réunissions souvent dans la salle des professeurs ou dans une salle de réunion à l’étage de l’administration pour parler avec les enseignants. Je pense que ce relationnel et la souplesse que nous avons introduite dans ce projet a permis que tout se passe bien, sans heurts ni problèmes », souligne Philippe Mauduit, président de BCE France. Les équipes de BCE France étaient présentes régulièrement pour assurer le câblage, les installations des matériels, en synergie avec les enseignants et Cyril Mazouër.

Le projet de mise à jour des installations du BTS Audiovisuel, pour la partie déploiement, s’est déroulé de décembre 2018 à mai 2019. Un exercice difficile comme l’évoque José Delclitte : « Le renouvellement des équipements s’est fait pendant une période de fonctionnement du BTS. Le matériel a commencé à être installé fin 2018, cela coïncidait avec les premiers examens. Il fallait jongler entre l’ancien matériel et le nouveau, sans être en rupture avec le référentiel du programme des cours. Dans ce genre de dossier, on ne peut pas dire « Je vais gérer une partie du matériel avec un premier lot et faire la suite plus tard », il faut tout faire d’un coup, il faut traiter l’ensemble de la chaîne. »

« Il n’y a pas forcément de cohérence totale dans les matériels déployés, mais il faut apprendre sur les nouvelles technologies et les plus anciennes. Cette disparité de matériel est nécessaire pour se faire la main sur tout type d’outil », poursuit Philippe Mauduit.

La mission d’AMO (Assistance à Maîtrise d’Ouvrage) pour le compte d’un BTS Audiovisuel public est très différente d’une mission d’assistance classique. Lorsque l’on enseigne au sein d’un BTS, l’année scolaire est très chargée et les occasions de travailler aux côtés de professionnels sont rares. On peut ainsi très rapidement se retrouver déconnecté du monde professionnel sans s’en rendre compte. Il est indispensable d’aider les enseignants à prendre conscience de la réalité du terrain.

Le BTS Audiovisuel était encore en SD ; c’est donc un saut de géant qu’il vient de franchir en passant en HD, HDR et infrastructure IP. Certains enseignants voulaient passer en 4K, mais il était plus pédagogique de s’intéresser au HDR qui permet de se confronter à de nombreuses problématiques.

Idem pour le choix de l’IP, comme l’indique Cyril Mazouër : « Cette partie du projet a eu lieu en 2017. À cette époque, la norme 2110 n’était pas encore sèche, mais il nous paraissait important de nous y intéresser. Il n’a pas été facile de trouver les produits pouvant entrer dans l’enveloppe budgétaire et s’insérer au cœur d’une installation majoritairement SDI. Plusieurs aspects nous ont conduits à ces choix. Déjà, il était trop tôt pour faire une installation 100 % IP, et de toute façon, il n’y avait pas le budget pour ça. Mais surtout, autant il est indispensable de former les étudiants sur l’IP, autant il n’est pas possible de faire l’impasse sur le SDI, qui ne va pas disparaître du jour au lendemain de nos régies. Il fallait également trouver des pistes de mutualisation d’équipements, sans que cela n’impacte l’aspect pédagogique. »

 

L’architecture

Le BTS est à l’image d’une petite chaîne de télévision qui aurait une partie de production et de postproduction plutôt développée. La philosophie de l’ensemble repose sur une architecture hybride SDI et SMPTE 2110 avec un serveur EVS six canaux dans le nodal, les canaux se partageant entre les deux régies des deux plateaux. Le plateau principal, baptisé plateau vert, est le plus grand et comprend une régie fixe avec une grille SDI 64 x 64 et un réseau IP SMPTE-2110. Le serveur EVS est natif 2110, le mélangeur et le mutiviewer sont hybrides. Les autres équipements sont uniquement SDI (caméras, infographie…). Des convertisseurs IP/SDI permettent d’échanger les flux entre les deux mondes. Le convertisseur V_matrix de Lawo assure ces fonctions. Le châssis installé contient deux modules : un IPG 10/10 SDI et 20/20 IP, ainsi qu’un multiview 18/2 SDI et 24/8 IP.

Un contrôleur gère cette installation. Le VSM de Lawo permet de créer différents scénarios pour coller aux différents apprentissages des étudiants. Ainsi un étudiant débutant qui apprend à commuter la sortie d’une caméra dans un multiviewer ne sait pas réellement ce qui se passe. Lorsqu’il comprend mieux la technique, et grâce à un panel virtuel, il peut découvrir les interactions entre les équipements.

« Sur une installation d’école, il est indispensable de rendre les choses pédagogiques. Pour des raisons de coût, il est de plus en plus rare d’avoir des patchs vidéo au sein des régies. Dans une école, notre expérience nous a montré que c’était indispensable. Cela permet aux élèves de visualiser par où passe un signal. Évidemment la partie IP n’est pas matérialisable de la même façon ; c’est pourquoi nous avons fait un travail d’équilibriste pour trouver les meilleurs compromis entre la pédagogie et la nécessité d’avoir de l’IP. »

La seconde régie, qui se trouve dans le plateau bleu, est mobile ; elle est utilisée pour des travaux pratiques de câblage. Pour que les étudiants comprennent facilement les liens entre les différents matériels, il a été décidé que cette régie serait en SDI. Elle comprend une grille 16 x 16, un mélangeur 2 M/E Ross Carbonite, quatre caméras et une tourelle, un poste vision. Rien n’est précâblé en vidéo. Les enseignants peuvent donc faire le choix de câbler tout ou partie de la régie en fonction des exercices prévus.

Cette régie est importante pour l’option Exploitation car il faut câbler, décâbler, recâbler. Le câblage d’une régie est une épreuve de BTS, et donc plus simple sur une régie mobile. Une fois les élèves maîtrisant la technologie, ils pourront échanger des données avec l’autre régie via une carte de conversion SDI/IP ou bien de récupérer des canaux du serveur EVS. Les deux régies permettent de travailler en mode duplex.

À chaque régie vidéo, est associée une régie son. Il y a la console principale (des consoles Studer et intercom RTS) et la console recyclée des anciens équipements avec ainsi la possibilité de faire travailler deux élèves en même temps. Cela permet aux élèves de première année de se former sur du matériel. Un Avid Pro Tools est associé aux consoles, ce qui permet de faire de la postproduction. Le plateau son comporte une troisième régie audio. Ce plateau permet de faire de la prise de son et un peu de live, de radio.

« Dans le BTS en option métiers du son, il est important d’avoir des cours sur de l’analogique et du numérique. Il faut se confronter aux différents cas de figure. Les élèves doivent aussi pratiquer de nombreux exercices de câbles. Il y a une table atelier sur laquelle il est possible d’amener une console quelle qu’elle soit et de la câbler », souligne Bastien Lenoir, enseignant son.

 

Réseau et pédagogie

Toutes les salles de classes et les régies, le nodal, les auditoriums sont reliés par un réseau KVM pour récupérer la commande des stations de travail en salle de cours. Les élèves ont accès à leur propre machine. Le stockage des machines est local, mais un serveur d’échange commun à toutes les machines est disponible. Il est possible en salle de cours de connecter, via le KVM, une machine sur un vidéoprojecteur et d’avoir, sur grand écran par exemple, un montage en cours, ce qui sur un plan pédagogique est assez unique. Autre point important, toutes les machines sont reliées en réseau Dante. Le réseau Dante est important, trente machines sont dessus.

Il y a une salle d’étalonnage HDR qui sert également de lieu de visionnage pour les documents de fin d’étude. La salle est en Blackmagic Da Vinci avec une surface de contrôle pour faire de l’étalonnage et toujours en lien avec le nodal via les KVM.

Le BTS AV comprend de nombreuses salles de montage. Des salles pour le BTS proprement dit et des salles pour la formation en alternance. Les salles de montage sont en liaison fibre et 10 Gbits vers le nodal. Il y a huit salles de montage pour le BTS et une salle avec quinze stations de montage pour l’alternance. Toutes les stations sont des Avid Media Composer. Il y a huit stations de postproduction audio stéréo, une en 5.1, et deux cabines speak. Comme énoncé précédemment, les machines sont sur le réseau Dante.

Le nodal comprend le serveur XS4K EVS, l’Avid Nexis, les grilles, les convertisseurs. En première année, les élèves doivent découvrir ce qu’est un réseau, un signal vidéo… « Ils commenceront à travailler sur l’IP en seconde année. Le dernier référentiel a huit ans et pour le moment il n’y a pas de cours prévu sur l’IP officiellement, mais il est fondamental de prendre en compte le réseau », indique Alain Gawlik, enseignant exploitation.

Outre les salles et les régies, sont disponibles des équipements de reportage image et son. Le magasin comprend des unités que les élèves doivent préparer pour aller sur le terrain. Il y a une salle de préparation des reportages, préparer le matériel et vérifier. On y trouve également un car régie qui sera ré-équipé en SD avec l’ancien matériel provenant de la régie du Plateau Vert.

 

Au final, la formation

La fin de l’installation a eu lieu en mai. Ce fut une opération à tiroirs, avec déplacement de certaines parties de matériels dans des locaux pour permettre aux élèves de continuer à travailler. BCE France a dû se plier à cette organisation. Il ne s’agissait pas juste de matériel, mais aussi de travaux dans les salles, que ce soit des créations de cloisons, de tirer des câbles, de la fibre. Les étudiants ont d’ailleurs aussi participé aux travaux de câblage.

« Nous faisions des points réguliers, avec les différentes options. Il fallait prendre en compte les besoins, les contraintes des uns et des autres pour avancer dans la bonne direction. Il n’y avait pas de chef de travaux, d’où un travail direct avec les enseignants », insiste Philippe Mauduit.

« Nous disposons de quinze enseignants en BTS AV sur la partie technique (vacataire, titulaire, contractuel…). Il n’y a pas de diplôme pour le BTS AV ; il faut compter sur des enseignants qui ont pu suivre ce type de formation, mais aussi sur des professionnels – par exemple nous avons un chef monteur qui vient de Canal+. Dans le cadre de ce projet, nous n’avions pas dimensionné la formation sur le matériel et sur les nouvelles technologies qui y sont liées comme l’IP. Bien évidemment, BCE a formé aux outils, au-delà même de ses prérogatives, mais ce n’est pas suffisant. Il a fallu renégocier avec le rectorat et tous les organismes (formation initiale, alternance, licence) un budget supplémentaire de 30 K€ pour former les professeurs afin qu’ils puissent acquérir les compétences nécessaires à l’utilisation du matériel », poursuit Jacques Tabary.

La réforme du Bac en 2021 va dans doute impacter les BTS et une réforme devrait suivre. La preuve en est, les BTS vont passer de deux à trois ans. Comme dans l’université, il y aura une mise à niveau en première année. Tout le monde n’a pas le même niveau, il y aura un nouveau référentiel pour des mises à niveau et le numérique y prendra une part prépondérante, dont l’IP.

« Un projet doit bien se passer. Quel que soit le projet et cela s’est bien passé dès les premiers contacts. Les équipes de BCE France n’ont pas dit : « J’ai le savoir et c’est comme ça ! ». Ils ont su s’adapter en fonction de nos besoins. Nous sommes dans le cadre d’un marché public. Cela est très contraignant avec un cadre strict. Tout n’avait pas forcément été vu dans le détail et peut-être certains points ont-ils été oubliés, mais, chez BCE, ils ne se sont pas fermés par rapport à cela et ont été souples, au-delà même de ce qui était demandé dans le cadre du simple appel d’offres », conclut José Delclitte.

 

Les cinq options du BTS Audiovisuel Henri-Martin

• Gestion de production

• Technique d’ingénierie et exploitation des équipements

• Métiers de l’image

• Montage et postproduction

• Métiers du son

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #33, p.78/82. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.