L’an dernier, vingt-six Régions, quinze Départements, une Euro-métropole (Strasbourg) et une Ville (Paris) sont intervenues sur les politiques de financement des œuvres pour un montant global de 60,9 M€ (incluant l’intervention du CNC). C’est le niveau le plus élevé constaté par Ciclic sur 20 ans.
La part allouée au cinéma (fiction, animation, documentaire) représente 38,15 M€ en progression de 13% par rapport à l’an passé. A contrario, la part consacrée à l’audiovisuel baisse de plus de 6% pour une enveloppe globale de 22,76 M€.
Les fonds historiques régionaux jouent la sécurité
Bénéficiant d’une grande richesse de décors et d’un fort pouvoir d’attractivité, plusieurs Régions font la course en tête dans le peloton des collectivités les plus impliquées dans le soutien au cinéma et à l’audiovisuel.
L’Île-de-France occupe la première place avec un investissement de 14,85 M€. Elle est suivie par Provence-Alpes-Côte d’Azur (4,82 M€), la structure privée Rhône-Alpes Cinéma (3,4 M€), Bretagne (3,01 M€), Nord-Pas de Calais (2,86 M€), Aquitaine (2,6 M€), Corse (2,5 M€), Centre-Val de Loire (2,2 M€) et Rhône-Alpes (plus de 2 M€).
Ciclic pointe dans ses synthèses une grande stabilité de ces fonds dits « majeurs », évoquant la notion d’un plafond de verre atteint. Dans un contexte de restriction budgétaire et en dépit des retombées économiques notables – directes et indirectes – les collectivités, même les plus impliquées, optent dans de nombreux cas pour un nombre moins important d’aides attribuées mais avec des montants plus élevés.
Recul de l’investissement départemental
Si les Régions bénéficiant d’une forte attractivité du point de vue des tournages maintiennent leurs engagements dans leur soutien, les Départements semblent marquer le pas. Sur les quinze, six effectuent un sérieux repli de leurs investissements, compris entre -27 et -2%. Deux se sont retirés – provisoirement ou non – des dispositifs. C’est l’un des enseignements majeurs des tendances Ciclic, qui illustre l’incertitude de l’échelon départemental dans la pérennité de leurs soutiens.
Face à des Régions devenues surpuissantes, aux compétences élargies dans le cadre de la Nouvelle organisation territoriale de la République (loi Notre), les Départements – à de rares exceptions comme celle de la Charente, acteur important dans le soutien à l’audiovisuel – soumis à de fortes contraintes financières, peuvent être tentés par un désengagement progressif mais irréversible des dispositifs actuels.
Fiction TV : baisses des crédits jusqu’a -78 % !
La fiction télévisée ne fait plus recette : elle ne représente plus « que » 11% de l’ensemble des crédits engagés (16,2% des crédits en 2014). Entre 2014 et 2015, l’Île-de-France a réduit son budget de 3,04 M€ à 921 000 € et 9 projets en moins, soit une chute de près de 70% ! C’est son niveau le plus bas jamais atteint depuis 2003 (limite du champ d’études).
Autre Région « historique » à marquer le pas sur l’investissement en fiction TV : Poitou-Charentes. Avec un budget de 142 000 €, la collectivité dévisse de 56,31%. Sur ce même territoire, il faut aussi signaler le recul fort de la Charente-Maritime (-77,9% du budget). Rhône-Alpes illustre également ce désintérêt ponctuel : -41,18% des crédits. La plupart des Régions sont concernées : Rhône-Alpes (-41,18%), Centre (-32%), Limousin (-8,33%), Réunion (-58,02%) ainsi que les Départements. L’Euro-métropole Strasbourg perd 38,24% de son enveloppe en un an. La seule Région « phare » à accentuer son soutien est le Nord-Pas-de-Calais : +13,53% avec 755 000 €.
Cinéma et animation séduisent les collectivités
Le cinéma, après plusieurs années de relatif désintérêt de la part des collectivités, tend à reprendre une part majeure des investissements. Nombre d’aides en hausse (722 en 2015), hausse des crédits (38,14 M€ au global), tous les indicateurs sont au vert qu’il s’agisse de films en prises de vues réelles ou en animation.
Fort de succès européens pour le long métrage, internationaux pour la série, le genre « animation » séduit de plus en plus les collectivités qui y voient un vecteur d’emploi et de création d’une filière à haute valeur ajoutée. L’année 2015 a ainsi vu le soutien accordé aux courts et longs métrages d’animation passer de 39 à 47,16% de l’ensemble des crédits alloués à ce genre.
Perspectives pour 2016…
Les analyses proposées l’an passé laissaient entrevoir un risque de baisse continue pour des fonds déjà fragiles et la tentation d’une spécialisation pour d’autres. Si le recul amorcé par les plus petits fonds se confirme encore cette année, en revanche, les fonds généralistes ont poursuivi leur stratégie de renouvellement sans s’orienter vers un genre plutôt qu’un autre.
Pour autant, ce basculement des crédits de l’audiovisuel vers le cinéma d’une part et le fort recul des soutiens à la fiction TV au profit de l’animation TV et du long métrage dessinent quelques perspectives quant à la possible cartographie des soutiens cinéma et audiovisuel des prochaines années.
Mais avant cela, la réforme territoriale, effective depuis le 1er janvier 2016, va vraisemblablement reformuler la question des interventions des collectivités en faveur du cinéma et de l’audiovisuel. Avec un nombre de Régions réduit de moitié, nul ne connaît à ce jour l’impact de cette réforme sur le devenir de ces financements publics.
L’addition exacte des fonds est-elle envisageable entre plusieurs Régions ayant fusionné ? Dans quelle proportion les fonds des départements viendront-ils compléter cette addition à plusieurs inconnues ? Au-delà de la simple mais épineuse question des crédits investis, ces « super-Régions » vont-elles vouloir profiter de l’occasion redéfinir leurs objectifs d’intervention en matière de soutien à la création et à la production ?
L’année 2016 devrait être celle du statu quo en matière de financement du cinéma et de l’audiovisuel par les collectivités territoriales ; ce sera donc en 2018, en s’appuyant sur les chiffres de 2017, que des axes forts d’intervention et d’évolution pourront être dégagés, permettant de vérifier si les tendances constatées aujourd’hui se voient confirmées ou si de nouveaux marqueurs et schémas font leur apparition.
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