Netflix, fort de ses 151 millions d’abonnés, a prouvé à l’industrie du divertissement qu’il était possible de construire une offre mondiale et de la distribuer directement aux consommateurs, soit en s’appuyant sur l’Internet ouvert, soit en signant des accords avec les opérateurs télécoms. Comme le dit Reed Hastings, le patron de Netflix, faire de l’Internet TV et pas de la broadcast TV. Pari réussi, même si Netflix va devoir faire face à une concurrence sérieuse dès cette fin d’année.
Le D2C, c’est-à-dire le Direct to Consumer (offre directe au consommateur), rencontre un succès grandissant. Un succès tel que tous les studios américains sont en train de préparer une offre et que même Apple se lance dans la bataille des services vidéo par abonnement. Des nouveaux venus qui n’ont pas hésité à remettre à plat leur stratégie et à investir quelques milliards de dollars pour prendre une part du gâteau du marché D2C.
À côté de Netflix, Amazon Prime Video et Hulu, solidement installés sur le marché domestique américain, quatre nouvelles plates-formes SVOD préparent leur lancement dans les prochains mois. Revue de détail.
Apple TV+, à la poursuite d’un nouveau modèle
Il faudra attendre l’automne pour savoir exactement ce que ce sera Apple TV+. Des films, des séries, des programmes de divertissement, mais pas de prix et pas de positionnement éditorial clair pour le moment. Eddy Cue, le SVP d’Internet et Software d’Apple, déclarait récemment : « Notre objectif n’est pas de créer le plus de contenus, mais plutôt de créer le meilleur. La devise de Netflix est de créer beaucoup de contenus pour qu’il y ait toujours quelque chose à regarder, et cela fonctionne très bien. Il n’y a rien de mal à ce modèle, mais ce n’est pas le nôtre. »
Apple va s’appuyer sur son parc de 1,5 milliard de terminaux pour déployer son offre. Mais la tâche s’avère complexe pour Apple qui va devoir se battre contre des services qui se sont positionnés très tôt sur l’Internet ouvert.
HBO Max, la riposte
HBO Max, le service de SVOD de WarnerMedia sera lancé au printemps 2020 aux États-Unis (avec un lancement bêta possible d’ici fin 2020). HBO Max présentera plus de 10 000 heures de contenu au début, avec des programmes issus du catalogue Warner Bros comme Friends, Game of Thrones, Pretty Little Liars, The Fresh Prince de Bel Air et des programmes issus des catalogues de New Line, HBO, TNT, TBS, TruTV, TCM, Cartoon Network et Adult Swim.
Question prix, les choses ne sont pas encore très claires : HBO Max devrait se situer autour de 16 dollars pour son lancement américain début 2020, soit à un prix supérieur à Disney+ et à Netflix. Autre élément différenciant, HBO Max devrait proposer des programmes de sport en direct : basket et baseball entre autres. HBO Max investira également dans des programmes exclusifs afin de pouvoir séduire un public friand de séries inédites.
Disney+, la plate-forme la plus ambitieuse
Disney a vu les choses en grand pour son offre de SVOD. Un prix agressif à 6,99 dollars par mois, une offre éditoriale puissante, réunissant toutes les marques stars du groupe : Disney, Pixar, Star Wars, Lucas Films, Marvel, National Geographic. Pas étonnant que l’offre SVOD du studio, attendue pour le 12 novembre aux États-Unis, fasse figure d’épouvantail. Pour la première fois depuis bien longtemps, le marché pense avoir trouvé un concurrent de taille pour Netflix.
La première année, Disney prévoit de mettre en ligne 25 séries originales, 10 films originaux, 500 films de son catalogue et 7 500 épisodes de séries. La bataille pour le trône de la SVOD s’annonce intense, peut-être même mortelle. Mais Disney joue une partition différente de Netflix, en annonçant un investissement d’un milliard de dollars pour développer des programmes exclusifs à la SVOD. L’analyste Michael Nathanson rappelle que Disney a déjà englouti 3,9 milliards de dollars sur son exercice fiscal 2019 dans ses activités SVOD (Hulu, ESPN et BAMtech) et que ce montant sera de 4,9 milliards en 2020, dont 2,5 milliards imputables à Disney+.
Disney prévoit que son nouveau site ne sera pas rentable avant 2024. Disney a annoncé dès son lancement vouloir atteindre 60 à 90 millions d’abonnés en 2024, dont les deux tiers à l’international. Le cabinet d’études Digital TV Research s’est livré à l’exercice pour estimer le nombre d’abonnés à fin 2024 dans les principaux pays. Pour la France, Digital TV Research fait état d’une prévision de 2,8 millions d’abonnés fin 2024.
Disney a décidé d’attaquer le marché international en lançant 4 pays dans la foulée des États-Unis : les Pays-Bas (6,99€) et le Canada (8,99 CAD) le 12 novembre, suivis de l’Australie (8,99 AUD$) et de la Nouvelle-Zélande (9,99 NZD$) le 19 novembre. De plus, Disney lancera une version à 12,99 $ aux États-Unis comprenant Disney+, ESPN+ et la version avec publicité de Hulu afin de proposer une offre encore plus riche que celle de Netflix. Disney n’a pas indiqué si cette offre de bundle serait disponible en dehors des États-Unis.
NBC Universal mise sur la publicité et sur son catalogue
Comcast, le propriétaire de NBC Universal vient d’annoncer le lancement de son offre SVOD pour avril 2020. À la différence de ses principaux concurrents à venir, à savoir Netflix, Disney+ et HBO Max, la plate-forme de NBC Universal s’appuiera sur la publicité. Steve Burke, le PDG de NBC Universal, déclarait récemment : « Nous croyons que nous avons une façon très innovatrice de venir sur le marché, très différente des autres et qui a des aspects financiers très attrayants. »
L’offre de NBC Universal s’appuiera donc sur une stratégie à trois piliers : une offre avec publicité, l’intégration d’une offre de programmes européens puissante grâce à Sky et à l’utilisation du catalogue Universal. À cet effet, NBC Universal vient de reprendre la série star The Office à Netflix pour 500 millions de dollars à partir de 2021 et pour cinq ans d’exclusivité. En misant sur la publicité pour financer son service, Comcast mise probablement sur un prix très bas, histoire de grignoter une part de marché très rapidement.
La SVOD incontournable à l’horizon 2024
De 160 millions d’abonnés en 2018, le marché bondirait à 270 millions en 2024, soit 110 millions d’abonnements supplémentaires. Ce sont donc 77,8 % des foyers TV américains qui seront abonnés à au moins une plate-forme SVOD. La moyenne des ménages paiera en 2024 l’équivalent de 2,89 abonnements SVOD. En 2018, ce chiffre était de 1,91.
Simon Murray, analyste principal chez Digital TV Research explique : « Nous prévoyons que Disney+ comptera 25 millions d’abonnés américains d’ici 2024. La croissance d’Apple TV+ sera plus modeste, à 8 millions d’ici 2024. Cela signifie que la part de marché de Netflix passera de 37 % en 2018 à 25 % en 2024, malgré l’ajout de 10 millions d’abonnés. »
Netflix reste la plate-forme la plus populaire à l’horizon 2024 avec plus de 68 millions d’abonnés, mais sa part de marché diminue sous une pression concurrentielle forte et son taux de croissance est le plus faible de toutes les plates-formes déjà présentes en 2018.
Amazon est sur la même tendance que Netflix, tandis que Disney+ réalise une belle percée, mais reste devancée par Hulu qui voit sa taille doubler d’ici 2024. On peut néanmoins envisager que des arbitrages pourraient avoir lieu chez Disney au cours de cette période. Enfin, HBO Now pourrait connaître une croissance très soutenue. À l’heure de la fin du cycle GoT, il est difficile de savoir comment le service va se redéployer pour lutter contre les nouveaux services.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #33, p.68/69. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.