M. C-A. : Vous êtes diplômée de Sciences Po…
I. G. : Beaucoup de journalistes se sont formés à Sciences Po. J’adorais les sciences politiques et je trouvais que ces études donnaient aussi une excellente culture générale. Pour exercer mon métier de journaliste, c’était une formation idéale…
M. C-A. : Le journalisme comme une vocation, avec des référents peut-être ?
I. G. : J’avoue que, comme tous les journalistes de ma génération, je regardais beaucoup la télévision, particulièrement Anne Sinclair et Christine Ockrent. Ces femmes, d’immenses professionnelles, étaient de vraies références en matière de journalisme. Elles ont influencé toute une génération de femmes dans les médias. Ces deux grandes personnalités charismatiques m’ont aussi communiqué cette envie de devenir journaliste !
M. C-A. : Votre passion pour le cinéma et votre vocation se « rencontrent » à un moment de votre vie…
I. G. : Dès l’adolescence, et je dirais à l’âge de 15 ans, le désir d’être journaliste m’était présent. Je cultivais également une véritable passion pour le cinéma. Je ne pensais absolument pas joindre ma passion et mon envie de devenir journaliste… Le hasard a fait que, quelques années après avoir exercé mon métier dans différents domaines, j’ai eu la chance d’avoir une très belle proposition de Canal+. Ma grande aventure avec le journalisme de cinéma a véritablement commencé à ce moment-là.
M. C-A. : Avez-vous traité des sujets de société via votre expérience professionnelle ?
I. G. : Après Sciences Po, j’ai démarré dans la presse écrite et économique. J’ai collaboré aussi sur l’émission d’histoire de Philippe Alfonsi sur France 3, Histoire d’un jour. L’histoire, l’économie, la société, ces sujets m’intéressaient. D’ailleurs, ces thématiques ne sont pas très éloignées du cinéma. J’ai vraiment aimé cette collaboration sur Histoire d’un jour. C’était un programme formidable qui permettait de parler d’histoire au sens large, avec un grand « H » et un petit « h » ; en fait, la grande et la petite histoire. C’était une façon unique et quotidienne d’en parler.
M. C-A. : Une expérience solide qui vous propulse sur les écrans, une volonté ?
I. G. : C’est le hasard, je n’avais jamais fait d’antenne. Et, ce n’était pas mon objectif premier au départ. J’adorais le média télé, mais de là à me retrouver exposée en présentant une émission de télévision : je dois dire que je ne l’imaginais pas du tout… J’aimais cette idée de partager des informations via l’image ; après, voilà, je me suis lancée…
M. C-A. : Aimez-vous un média plus particulièrement ?
I. G. : Je n’ai jamais eu de préférence, j’ai même fait de la radio ! J’aime ces trois médias, mais c’est vrai que l’image me plaisait énormément. L’information et l’image font de la télévision un média très fort. Et le cinéma, ma passion, se véhicule aussi par l’image.
M. C-A. : Comment s’est passée la rencontre avec Canal+ dont vous devenez une vedette…
I. G. : C’est Canal+ qui m’a fait la proposition de venir parler de cinéma chez eux. Je n’aime pas du tout le terme de vedette. Mon objectif était de transmettre l’information du cinéma. Je connaissais Michel Denisot pour avoir présenté une émission avec lui. C’est Alain de Greef qui est l’inventeur du format du Journal du cinéma. Il n’y avait nulle part au monde une émission semblable à celle-ci ; c’était une façon très novatrice d’en parler. Ce concept résidait dans une façon objective de parler du cinéma, à la manière d’un journal télévisé. D’où le titre qu’il a trouvé : Journal du cinéma. Nous n’étions ni dans le glamour, ni dans l’hyper cinéphilie, c’était une voix médiane qu’il a su tracer. Et je trouve que cette façon de parler du cinéma était très informative et journalistique ; cela a été révolutionnaire à l’époque. C’est sans doute la raison pour laquelle cette émission a duré une bonne dizaine d’années !
M. C-A. : Vous avez fondé une association et écrit des ouvrages ; pouvez-vous en parler ?
I. G. : Oui, l’association s’appelle Cinéma pour Tous. J’ai toujours aimé, depuis l’âge de 8 ans, présenter des films à ceux qui ne vont pas beaucoup au cinéma. Cela fait partie des choses qui me sont chères et auxquelles je suis très attachée. Toutes les informations sont sur le site internet de Cinéma pour Tous. Concernant les livres que j’ai écrits ; ils couvrent des sujets de cinéma et de politique. Dans mon dernier ouvrage, sur le film Intouchables, je tente d’expliquer son succès avec des témoignages d’experts référents…
M. C-A. : Diriger UniFrance, est-ce pour vous la consécration de votre expérience exceptionnelle ?
I. G. : Consécration, je n’utiliserais pas ce mot làcar, là encore, c’est le fruit de la chance ou du hasard. Je n’avais pas vraiment ce plan de carrière, mais je dois dire que cela s’est présenté à un bon moment ! J’avais envie de me renouveler par rapport à mon métier de journaliste. Je désirais poursuivre mon activité dans le cinéma, mais pas forcément en posant des questions à des réalisateurs et des producteurs. Là, je trouve que c’est un excellent poste d’observation sur le cinéma français et international. Avoir cette fonction à UniFrance est une très belle activité pour moi, qui me permet de réfléchir et d’agir pour le cinéma français. Nous avons d’ailleurs la position de deuxième exportateur de films ; c’est une vraie place forte au niveau commercial ! Je pense, d’ailleurs, qu’il reste encore beaucoup à accomplir pour faire rayonner le cinéma français dans le monde.
M-C-A. : UniFrance est une association ?
I. G. : Oui, c’est une association de loi 1901, qui dépend essentiellement de deux ministères : celui de la Culture et de la Communication et celui des Affaires étrangères.
M. C-A. : Combien de membres bénéficient des services d’UniFrance ?
I. G. : Ils sont 900 et ils représentent tous les corps de métiers du cinéma : producteurs, distributeurs, acteurs, agents artistiques… Les adhérents payent une cotisation de façon très simple.
M. C-A. : Quels sont les principaux objectifs d’UniFrance ?
I. G. : Nous avons deux objectifs prioritaires à UniFrance qui sont d’aider à vendre des films (le soutien à l’exportation) et ensuite, de faire rayonner le cinéma français (partout dans le monde), en majeure partie grâce à des festivals comme ceux de Toronto, de Venise, de San Sebastian, de Berlin, de Cannes…
M. C-A. : Comment les acteurs du cinéma peuvent-ils se retrouver sur les festivals ?
I. G. : La plupart du temps, il y a un stand UniFrance, où se regroupent les producteurs pour des échanges (networking et commercial) avec les exportateurs. UniFrance finance ce stand, et c’est très utile pour le marché. Notre mécanisme du soutien à l’exportation permet d’octroyer des aides financières en vue d’aider les distributeurs dans leur pays.
M. C-A. : Quel regard portez-vous sur la création française en ce moment ?
I. G. : Beaucoup de films français ont eu des retentissements à l’étranger. Nous sommes dans un vrai renouvellement de la créativité en France. Nous sommes loin de ce que produisent les américains, mais je trouve que ce qu’il se passe est intéressant. Même les séries françaises sont en train de s’ouvrir à l’international. Je pense notamment à des séries comme Marseille et Versailles… Les séries ambitieuses avec un casting international plaisent à travers le monde.
M. C-A. : Le ministère de la Culture et de la Communication vous a confié une mission dont vous pouvez parler…
I. G. : C’est une mission. Et je ne vais pas faire un rapport, juste une lettre de mission. Je suis en cours de réflexion, et je ne peux pas encore vous donner beaucoup d’informations à ce sujet. C’est un travail sur les synergies des industries culturelles à l’export. Ce que je peux déjà vous dire, c’est que nous sommes un peu dispersés et éparpillés. Il y a des manifestations qui ont lieu sur le cinéma, sur la musique, sur le livre… Mais il n’y a pas vraiment de coordination entre tous. J’essaie de réfléchir en ce moment, à une meilleure synergie de toutes ces industries à l’export. Et cela est réalisable.
M. C-A. : Quels seraient les axes prioritaires à développer selon vous ?
I. G. : Je pense que le numérique est un enjeu essentiel. Moi, j’aimerais vraiment faire passer le cinéma français à l’ère du digital en ayant une meilleure présentation des films sur des grandes plateformes que sont Amazon, Google, Netflix, iTunes… Ce projet est l’un des axes. Mon deuxième objectif serait de donner plus de visibilité aux films français ; ce serait bien. Nous sommes dans un tel monde d’images et de sur-communication, qu’il est difficile d’exister. Il faut réfléchir à des événements extrêmement forts qui puissent nous permettre d’obtenir une visibilité maximale.
M. C-A. : Quels conseils donneriez-vous pour la réussite d’un bon film à l’export ?
I. G. : La qualité, la qualité, et la qualité ! On ne peut pas savoir si un film destiné à l’export aura une grande carrière internationale. C’est imprévisible. Parfois, il est formaté pour, mais cela ne marche pas du tout ! Il faut produire de la qualité avant tout. Cela signifie faire de bons films.
M. C-A. : Que pensez-vous du système d’aide au cinéma en France ?
I. G. : Je pense que nous sommes gâtés ; nous sommes très aidés. Nous avons tout ce qu’il faut en France pour produire et exporter des films ! Après, je le redis, il faut fabriquer de bons films pour qu’ils soient bien exportés et bien vendus dans le monde entier.
M. C-A. : Il y aurait peut-être une recette pour cette réussite ?
I. G. : La recette, je ne la connais pas. Je me demande si quelqu’un l’a… Cela est très complexe.
M. C-A. : La télévision, vous pourriez l’envisager de nouveau ?
I. G. : Non, pour l’instant, non. Ce n’est pas mon objectif à ce jour, je ne l’envisage pas ! Je me concentre sur la tâche que j’ai à accomplir chez UniFrance et je n’ai vraiment pas le temps de faire autre chose…