Entretien avec le réalisateur Christophe Barratier

Christophe Barratier a rencontré un succès international en 2004 avec Les Choristes. Il a depuis signé deux autres longs-métrages : Faubourg 36, en 2008, et La Nouvelle Guerre des boutons, en 2011...
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Le réalisateur a fait son entrée dans le monde du cinéma dans les années 90, après une formation musicale de guitariste classique à l’École normale de musique de Paris. Il a commencé par rejoindre Galatée Films, la société de production de son oncle Jacques Perrin où il a travaillé sur Microcosmos : le peuple de l’herbe (1995), Himalaya, l’enfance d’un chef (1999) et Le Peuple migrateur (2001) en tant que producteur délégué.

Christophe Barratier revient sur son parcours et partage avec nous son retour d’expérience…

 

Mediakwest Une grande partie de votre parcours a été consacrée à la production de films documentaires : Microcosmos, Himalaya, Le peuple migrateur. Cela ne vous a pas donné envie de faire des documentaires ?

Christophe Barratier Ce n’était pas forcément ce qui me ressemblait le plus. Après avoir quitté le Conservatoire, j’ai demandé à mon oncle Jacques Perrin, qui était producteur, si je pouvais écrire des scénarios. Mon oncle, qui avait besoin de quelqu’un à ce moment-là, m’a proposé de l’accompagner pendant un an. Il était en train de tourner Microcosmos, c’était en 1992… La production a, au final, durée trois ans.

Au départ, il s’agissait d’un film sur des insectes dans Paris avec deux caméras 16 mm et un couple de réalisateurs inconnus, une aventure techniquement ambitieuse mais modeste financièrement. Lors de sa sortie, Microcosmos a été sélectionné à Cannes et a connu un succès commercial international.

Il était tentant de continuer la collaboration, j’ai alors travaillé sur le scénario d’Himalaya, qui a bien marché, contre toutes attentes. Jacques Perrin s’est ensuite lancé dans le projet du Peuple migrateur, j’ai continué à l’accompagner tout en écrivant des scénarios pour la télévision.

Jacques Perrin est capable de passer 4-6 ou même 7 ans sur le même sujet, je ne peux pas dire que j’ai cette patience… j’aime des choses qui vont un peu plus vite ! J’ai alors écrit en parallèle un court-métrage, Les Tombales, et j’ai profité de mon réseau pour le produire.

Le film a été sélectionné au Festival international du court-métrage de Clermont-Ferrand et à partir de là, on m’a appelé pour réaliser des spots publicitaires. J’ai commencé à penser naturellement à un long-métrage et je me suis rappelé mon enfance à l’internat, où j’ai appris la musique… C’est comme cela que je me suis lancé dans l’aventure du film Les Choristes.

 

Mediakwest Comment s’est monté ce film?

 

Christophe Barratier J’ai terminé le scénario en 2002 et la production a démarré fin 2003 avec un budget de l’ordre de trois millions euros.

J’avais fait le choix de faire chanter aux enfants ce que moi je chantais à l’époque en 1969. Pas mal de personnes imaginaient que le projet n’était pas du tout commercial que la musique était un peu datée. La ténacité de mon oncle m’a beaucoup aidé et l’adhésion de Gérard Jugnot m’a permis de rassurer les financeurs…

Lorque le film est sorti en 2004, il a battu tous les records d’entrées (NDLR : 8 669 186 spectateurs), on a vendu deux millions d’albums et on a été sélectionné pour les Oscars… Alors l’avis général a complètement changé, tout le monde s’est accordé à affirmer qu’il était normal que le film soit un succès commercial, qu’il était programmé pour le succès !

La leçon de cette histoire c’est que personne ne peu prédire ce qui va marcher. On peut faire des études marketing pour savoir quel acteur les gens ont envie de voir, quels sont les sujets qu’ils aiment, quelle est la musique qu’ils écoutent et aller à l’échec : il n’y aucune recette !

J’aime la phrase de Jean-François Lepetit qui disait: « Un succès, c’est un échec qui a échoué ». Il faut considérer au départ que le projet peut ne pas marcher mais il faut tout faire pour essayer… Et cela sans vouloir s’imposer systématiquement un cadre commercial. On ne peut pas deviner ce que le public aime et encore moins ce qu’il va aimer dans deux ans, quand le projet sera passé du scénario à l’écran mais on sait que les spectateurs veulent une histoire qui se tient et, surtout, ils aiment être surpris. Ils ne veulent pas aller au cinéma pour voir quelque chose qu’ils ont déjà vu dans l’année. Le seul moyen d’anticiper c’est le travail et une grande volonté !

 

Mediakwest Vous avez une filmographie orientée « films d’époque », c’est intentionnel ?

Christophe Barratier Je ne me focalise pas volontairement sur les films d’époque.

Mais c’est vrai que j’aime bien remonter le temps et essayer de savoir comment on parlait auparavant, comment on s’habillait. Et je ne suis pas le seul parce que les acteurs prennent aussi un plaisir infini à tourner des films d’époque parce qu’il profitent d’une transformation physique, d’une composition du personnage. Les décorateurs évidemment trouvent aussi beaucoup plus amusant de reconstruire Paris des années 1930 que de mettre en place un environnement contemporain.

Quand j’avais deux ou trois ans, mon grand-père m’emmenait à Comédie française pour voir Racine, Molière et ce qui me fascinait l’arrière scène : les cintres, les décors, les charpentiers, ceux qui faisait les costumes, les tapisseries… Pour moi, le spectacle, c’était se déguiser, remonter le temps… Je suis sans doute resté viscéralement attaché à mes souvenirs d’enfance !

 

Pour les Choristes, il me semblait que situer l’intrigue dans la période de l’après guerre pouvait apporter un côté plus dramatique à l’histoire et renforcer la fragilité du personnage principal.

Faubourg 36, qui a été tourné à Prague, entièrement en studio est peut être le film dont je suis le plus fier parce que c’est celui qui m’a permis de partager avec toute l’équipe le plaisir du cinéma. J’ai notamment travaillé avec en étroite collaboration avec les accessoiristes qui devaient reconstituer les boîtes de conserves de l’époque, les clés comme elles étaient à l’époque, les pavés comme ils étaient à l’époque, la peinture… Des décorateurs patineurs étaient censés à donner une certaine couche d’ancien.

 

Mediakwest La patine finale du film a été donnée lors de l’étalonnage numérique?

Christophe Barratier Non, pas du tout. Sur Faubourg 36, la post-production numérique a servit aux effets : on a ajouté des immeubles, quelques passages oiseaux, des ciels, mais la patine de l’image a été fait par un étalonnage en argentique.

 

Mediakwest Vous avez un prochain projet de long-métrage ?

Christophe Barratier Oui, je vais totalement changer d’époque : l’action se situe en 2008. Cela fait deux ans que j’enquête autour de l’affaire Jérôme Kerviel /Société Générale pour essayer de déterminer quelles sont les causes de drame. C’était à l’origine un jeune homme très honnête, avec toute la bonne volonté du monde. Il n’a jamais détourné un euro pour son profit personnel et s’est trouvé sous la guillotine de la Société Générale. J’avoue que ça m’a totalement passionné. Ce ne sera pas un film sur la finance mais sur ce qui s’est passé dans la tête de ce jeune homme. Je souhaite créer du suspens : on connait la fin, mais comment on va y arriver ?

Ce film devrait sortir en Juin 2016. Nous tournerons à nouveau en studio: toute la salle du marché de la Société Générale, soit environ 1800 m2 au 20ème étage à Défense, sera reconstituée.

 

Propos recueilli et mis en forme d’après une Master Class de Christophe Barratier sur le Satis 2013…

Retrouvez l’intégralité de cette Master Class en vidéo sur le Site du Satis > http://tv.satis-expo.com/keynote-master-class-christophe-barratier-realisateur