Post

État de l’art des outils de montage cloud ou hybrides (Partie 2)

Après les propositions en rupture des fabricants de matériels et fournisseurs de moyens techniques, nous allons maintenant étudier les offres des éditeurs broadcast traditionnels en la matière et leurs propositions pour la publication vers les réseaux sociaux. Avec plus ou moins d’agilité.*
2Avid_Platform_to-the-Cloud_OK.jpg

 

AVID propose désormais une solution cloud appelée MediaCentral, qui se compose de MediaCentral UX Client, l’application front-end web sur laquelle le journaliste va travailler (client léger), et MediaCentral Platform (ou MediaCentral UX Server), la plate-forme cloud qui héberge les données et la puissance de calcul de la solution.

Pour fonctionner, tous les médias doivent être présents au préalable dans le serveur de l’entreprise. Ils sont ensuite accessibles en streaming via MediaCentral UX Server. Un journaliste ne manipule pas directement des médias stockés sur son ordinateur ou récupérés via son smartphone ; il doit au préalable les transférer vers le serveur d’entreprise.

MediaCentral ne gère pas nativement l’acquisition des médias depuis une carte mémoire ou un smartphone. Il faut s’équiper de Media Director, la solution d’acquisition de contenus proposée par Avid. L’ingest de masse se définit par un workflow en amont dont les interfaces sont plutôt adaptées à des opérateurs techniques. Alternativement, la société make.tv propose Manage et Acquire, deux plugins qui permettent de transférer des contenus depuis divers équipements (caméras pros, smartphones, encodeurs, flux de médias sociaux).

Une fois cette étape accomplie, le journaliste/monteur va pouvoir effectuer le montage de son sujet via l’interface MediaCentral UX disponible dans un navigateur web. Media Central est aussi disponible sur iOS et Android, mais l’interface n’est pas (encore) optimisée pour ces écrans. MediaCentral UX permet en outre d’enregistrer une voix-off. Si MediaCentral conserve une approche « réseau d’entreprise », similaire à Media Composer Cloud, Avid a souhaité concentrer son effort sur la simplicité d’utilisation et des interfaces de MediaCentral UX.

Si les options d’effets et de travail de l’image de Media Composer sont pléthoriques, rendant l’outil complexe à maîtriser pour des novices, elles sont en revanche limitées sur MediaCentral UX : seuls les fondus entre segments et dans la timeline sont possibles. MediaCentral et MediaCentral UX n’ont visiblement pas été conçus pour répondre aux attentes d’une nouvelle cible de journalistes/monteurs de vidéos qui publient uniquement vers les réseaux sociaux et pouvant travailler de manière autonome, mais plutôt comme un renforcement de l’offre existante pour permettre une préparation simplifiée des projets en vue d’une finalisation dans Media Composer Cloud.

 

Viz Story de Vizrt, des fonctionnalités de collaboration et de publication avancées

VIZRT semble conscient des enjeux liés à la fabrication et à la publication de vidéos vers les nouveaux écrans. C’est pour un public de journalistes novices dans l’utilisation des outils de postproduction, que Vizrt a lancé, fin 2016, un outil de montage léger appelé Viz Story.

La solution est déclinée en deux offres commerciales : Viz Story Lite (plutôt pour des petites équipes, orientées nouveaux formats vidéos) et Viz Story Classic (plutôt pour les équipes plus larges, travaillant avec des formats broadcast). La solution cliente est certes entièrement basée sur le cloud et simple d’utilisation, mais elle repose sur une infrastructure lourde et complexe à appréhender qui peut s’avérer coûteuse si une organisation n’est pas déjà équipée de solutions Vizrt (MAM ou Graphique).

Des applicatifs doivent être installés sur des serveurs en suivant les préconisations de Vizrt. Trois sont indispensables : « story server », « render server » et « coder server ». Les serveurs sont dimensionnés en fonction du nombre d’utilisateurs concurrents et des performances attendues (délai de livraison des projets en liste d’attente d’encodage par exemple).

Pour cinq à vingt utilisateurs, on peut connecter Viz Story à un simple media folder (MediaService, dans l’offre Viz Story Lite) ; au-delà, un MAM devient nécessaire (Viz One Clip Core, dans l’offre Viz Story Classic). Aucune installation de logiciel n’est requise sur le poste de travail de l’utilisateur, il pourra se connecter via son navigateur web préféré.

Les médias utilisés dans un montage doivent être au préalable uploadés sur le serveur pour être utilisés dans Viz Story. On ne peut pas travailler en local à partir de contenus stockés sur sa machine. Viz Story propose des interfaces avec d’autres MAM (Avid Interplay I Production, Dalet Galaxy) si toutefois on dispose de la solution MAM maison : Viz One. Lorsque les médias sont chargés sur le serveur, des proxies sont générés qui deviennent disponibles pour le montage d’un sujet.

Le package Viz Story Classic supporte les formats broadcast, tels que le Sony XDCam, Panasonic AVC-Intra – DVCPro – DVCPro HD, Apple ProRes, Avid DNxHD et le H.264. Le package Viz Story Lite traite les médias issus de téléphones mobiles et de caméras grand public.

La palette d’effets proposée au lancement de Viz Story est faible, mais l’éditeur s’engage à l’enrichir rapidement au fil de l’eau. Seuls des fondus pour la vidéo sont disponibles et la présence de keyframes audio pour la gestion du mixage, limités à deux pistes pour l’instant : celle accompagnant le média vidéo présent sur la timeline et une piste audio supplémentaire.

L’absence de prise en charge des sous-titres et d’enregistrement de voix-off apparaît comme une limite bloquante à court terme pour fabriquer des sujets pour les réseaux sociaux. Les fonctionnalités natives d’habillage sont certes restreintes, mais Viz Story permet de bénéficier de toute la richesse des templates d’habillage Vizrt pour gérer le floutage par exemple.

En revanche, on retrouve tout le savoir-faire de l’éditeur en matière graphique. La gestion de la complexité des formats d’exports et des modèles paramétrables pour tous les formats de distribution du web et des réseaux sociaux est particulièrement efficace ! L’utilisateur choisit un format de destination, puis, lors de la visualisation, sélectionne la zone de l’image à afficher. Cela entraîne un recadrage automatique très élégant avec une gestion de paramètres d’images clés et de l’aspect ratio. L’adaptation du format d’image s’applique aussi automatiquement aux habillages (vertical, carré, 16/9, etc.).

Solution qualitative et prometteuse, Viz Story nécessite cependant une infrastructure lourde et coûteuse à déployer, exploiter et maintenir. La gestion des habillages graphiques est intelligente, lorsqu’on passe par la solution intégrée proposée par l’éditeur. En revanche, l’absence de fonctionnalités essentielles (voix-off, sous-titres) et l’impossibilité de travailler hors connexion ou en dehors des systèmes d’information de l’entreprise, limite l’autonomie et la flexibilité offerte aux collaborateurs.

 

Adobe Spark, la création de contenus accessible à tous

ADOBE Premiere Pro CC est certes un outil de montage ouvert et permettant de créer du contenu tant pour la télévision que les réseaux sociaux, mais l’étendue de ses possibilités techniques et créatives peut nécessiter une phase d’apprentissage laborieuse pour son adoption par un public non professionnel. En attendant des annonces pour les clients broadcast fin 2017, nous présentons ici une offre moins connue des professionnels de l’audiovisuel, mais disponible et efficace pour nourrir les réseaux sociaux et engager avec des communautés : Adobe Spark.

Adobe Spark est une application complète de création de contenu proposée par Adobe pour créer et partager des visuels ou des vidéos pour l’ensemble des canaux digitaux et terminaux mobiles. La solution est gratuite, accessible par un navigateur web ou via l’application mobile et ne nécessite aucune installation d’applicatif sur son poste de travail. Fonctionnant entièrement dans le cloud, la synchronisation entre l’application web et les applications mobiles permet à l’utilisateur de créer, modifier et partager son sujet en mobilité.

La plate-forme est composée de trois modules. Spark Post permet de créer des publications et graphismes pour les réseaux sociaux. Avec Spark Page, l’utilisateur peut concevoir des pages web éditoriales qui peuvent être partagées sur les réseaux sociaux ou intégrées dans un site web. Spark Video offre un moyen très simple et intuitif et créer des vidéos animées. Les créations peuvent être adaptées automatiquement à tous types de terminaux et réseaux sociaux.

Sur l’acquisition des médias, Adobe Spark bénéficie de la mutualisation des technologies de la suite d’outils Adobe Creative Cloud. La solution permet aussi une acquisition et une utilisation native de médias issus de sources très diverses : smartphones, services d’hébergement de fichiers en ligne (Dropbox, Google Photos) ou sites de partage de vidéos (YouTube, Vimeo). La plate-forme intègre aussi une fonction de recherche d’images sur des sites tels que Google, Flickr, 500px et The Noun Project.

L’interface simplifiée permet à l’utilisateur d’être guidé dans la personnalisation des images, vidéos et sons de ses créations. Un large choix de modèles d’habillage est offert avec de nombreux paramètres de personnalisation, sans pour autant permettre la sauvegarde des thèmes créés (prévue dans la roadmap).

Adobe Spark permet ainsi de créer des contenus visuellement aboutis sans avoir d’expérience technique préalable. Cet outil autonome est destiné aux petites entreprises ou aux freelances qui ne doivent pas être connectés avec une infrastructure professionnelle d’entreprise. Adobe Spark est une des solutions répondant à ces nouveaux circuits de fabrication des contenus vidéo, mais non adaptée à un environnement broadcast.

 

Se (re)poser les bonnes questions

Comment les acteurs du broadcast doivent-ils aborder ces nouveaux circuits de fabrication et de publication de contenus vidéo ? Le déploiement de nouveaux outils et la mise en œuvre de nouveaux circuits de fabrication et de diffusion des contenus, qu’ils soient hébergés localement ou dans le cloud, continueront de traduire des stratégies éditoriales, des choix techniques, des arbitrages budgétaires, formalisés ou non.

La mise en place d’un workflow digital/cloud n’affranchit pas des questions sur la propriété des images, la maîtrise de l’éditorial ou la qualité du contenu. À l’inverse, aborder ces nouveaux circuits devrait être considéré, par chaque acteur audiovisuel, comme un moment privilégié pour se (re)poser les bonnes questions.

Réaffirmer ses « fondamentaux », appuyer des ambitions et choix, puis définir un périmètre de travail dans lequel chaque tâche nécessaire à la fabrication des contenus (depuis l’ingest jusqu’à la livraison du PAD) devra être qualifiée, quantifiée, spécifiée. Cette expression de besoin permettra ensuite de construire un workflow de fabrication des vidéos qui prend en compte les contextes spécifiques de travail et les exigences de l’entreprise (sécurité, mobilité, collaboration, etc.).

Un tel changement ne peut aboutir sans une implication forte et une adhésion de tous les collaborateurs (journalistes et rédactions, documentalistes, services techniques, etc.) qu’il faudra ensuite accompagner dans la transformation de leur métier. Instaurer un climat d’écoute mutuelle doit permettre d’aborder sereinement les inévitables questions à traiter dans le cadre du nouveau workflow, en réfléchissant aux meilleures pratiques et aux tâches les plus valorisantes et motivantes.

Dans un environnement désormais totalement numérisé, il est évident que l’agilité de ces nouveaux circuits de production et de diffusion/distribution va contribuer à décloisonner les organisations et rapidement mettre au défi tous les process et habitudes de travail. Sans faire table rase du passé, ni renier les fondamentaux qui ont contribué à créer leur valeur et leur puissance, les géants des médias sont désormais invités à relever de nouveaux défis créatifs, techniques et organisationnels.

 

*Article paru pour la première fois dans Mediakwest #23, p.48-51Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.

La première partie de cet article est en ligne ici