Claire Mathon nous parle de son travail et des options d’images choisies pour ce film…
Vous venez de finir l’étalonnage du film, pouvez-vous nous donner vos impressions sur cette étape fondamentale du travail du chef opérateur. Et votre sentiment vis à vis des images issues de la F55 ?
Je dois dire que je suis plutôt enthousiaste face aux images et contente du travail que nous avons accompli. Je retrouve mes choix photographiques et nous avons créé une belle alchimie entre les images de la caméra, et le traitement du laboratoire assuré par Technicolor.
La F55 est particulièrement intéressante pour son rendu des couleurs dans les hautes lumières. C’était assez rassurant pour moi de savoir qu’aussi bien à la neige, sur une plage ou lors d’un mariage ensoleillé, je pouvais laisser vivre la lumière naturelle dans tout son éclat.
Comment avez vous envisagé le travail photographique sur ce film ?
Maïwenn souhaitait faire un film où les couleurs auraient une place importante. Elle a porté une grande attention au choix des décors et des costumes. Au final, les nuances et la richesse des couleurs sont vraiment au rendez-vous .
La texture aussi était importante. Je savais de par mon expérience sur les films précédents qu’il y aurait de nombreux gros plans. L’histoire du film est assez dure, j’ai cherché à garder une certaine douceur notamment dans les carnations. Mon travail à la lumière allait également dans ce sens.
Comment avez vous envisagé le travail photographique sur ce film ?
Il nous fallait une caméra conjugue richesse colorimétrique, douceur et légèreté. Mon roi est un film tourné quasiment exclusivement en caméra portée, à deux caméras, avec des prises très longues, le postulat de légèreté était essentiel d’autant que Maïwenn aime tourner les séquences dans leur longueur, sans couper, pendant 20 ou 30 minutes… Nous avions énormément de décors et beaucoup de déplacements. Il nous fallait un outil que l’on puisse tenir à la main, qui nous permette de bouger dans tous les sens…
Quelles optiques avez-vous utilisées et qu’est-ce qui a justifié ce choix ?
Si elle le pouvait, Maïwenn tournerait la totalité de ses films au zoom, pour aller toujours dans le sens de la liberté et de la rapidité ! Nous avons opté pour des optiques Angénieux Optimo 28-76 mm et 45-120 mm. Et pour les situations plus critiques en terme de lumière, nous avions une série Zeiss GO. Le choix des optiques allait dans le sens de la douceur et du besoin de compacité.
J’ai également filtré. L’action du film se déroule sur presque dix ans et je devais adoucir les traits des comédiens suivant les périodes. Nous avons fait de nombreux essais car j’avais peur de trop filtrer, de perdre du piqué. En regardant le film, je trouve que le rendu est assez agréable sur les peaux.
Avez-vous tourné en RAW ?
Non, nous n’avons pas tourné en RAW, principalement à cause de la quantité de rushes (285 heures en 12 semaines de tournage). J’ai fait des essais avant le tournage pour bien visualiser les différences entre les formats d’enregistrement et savoir ce que je perdais à ne pas tourner en RAW. Nous avons choisi le codec SR SQ 444. Je savais que j’aurais beaucoup moins de latitude à l’étalonnage. Il faut que la pose soit précise, le choix de la température de couleur doit être le plus proche possible du résultat désiré. Tout est inscrit dans l’image mais c’était le meilleur choix !
Avez-vous mélangé la lumière du jour à la lumière artificielle ?
Oui, nous avons tourné beaucoup d’intérieurs jour avec des lampes allumées (ou des bougies) et nous avons gélatiné les fenêtres (1/4 CTO ou 1/2 CTO) pour réduire les écarts. Je voulais éviter de me retrouver avec des peaux trop chaudes et avec une image uniforme en teinte. Je me suis aperçue que de très nombreux décors obligent à gérer le mélange lumière du jour/ lumière artificielle. J’ai donc souvent en intérieur jour affiché 3200K ou 4300 K. J’aurais aimé être plus précise et pouvoir travailler au 100e de Kelvin près mais étalonnage m’a permis de corriger ce manque sans regrets.
Avez-vous des regrets, justement ?
Des regrets non, mais toutefois un petit bémol. J’ai constaté que la caméra bruite dans les basses lumières notamment dans les couleurs vives, comme si toute la couleur n’était pas retranscrite. C’est un point a prendre en compte…
Quel a été votre parcours ?
J’ai fait l’Ecole Nationale Supérieure Louis Lumière et j’ai commencé tout de suite à éclairer des courts métrages. Je suis donc très vite devenue « jeune chef opératrice ». Mon premier film était aussi le premier film de Maïwenn (NDLR : le court-métrage I’m an actrice). Et je l’ai suivie sur tous les autres…
Mon roi, en projection à Cannes dimanche 17 Mai, sortira au cinéma en Octobre 2015…