Figra 2018 : Un quart de siècle et pas une ride

Le Festival International du Grand Reportage d’Actualité et du Documentaire de Société, s'est cette année délocalisé pour fêter ses 25 ans à Saint-Omer. Riche d’une programmation éclectique, l’émotion est aussi venue de la soirée hommage au producteur et réalisateur Arnaud Hamelin, malheureusement disparu.
Figra2018.jpeg

 

Le Palais des Congrès du Touquet faisant peau neuve, le Figra a dû au printemps dernier migrer vers d’autres lieux pour célébrer ses 25 ans… La Région des Hauts-de-France, qui soutient activement depuis de nombreuses années l’événement, ne pouvait pas laisser s’échapper le Festival. C’est donc à quelques encablures seulement, toujours dans le Nord donc, mais plus dans les terres cette fois, à Saint-Omer, que s’est tenue la mouture 2018 du Figra.

Un changement de lieu n’est jamais simple ; pourtant les équipes du Figra s’en sont très bien sortis puisque nombre de professionnels étaient au rendez-vous. Ces derniers ont pu visionner et débattre autour d’une programmation diverse, dans le choix des sujets abordés, mais aussi parfois dans la forme adoptée pour les traiter.

 

Plus de 70 films au programme

Au total, ce ne sont pas moins de seize prix et mentions qui ont été distribués au mois de mars. Les films se répartissant principalement en deux grandes catégories, ceux de moins de 40 minutes et les plus longs. De nombreuses œuvres ont marqué les esprits, soit par l’intensité ou la violence des images et du propos, soit par la pertinence d’une enquête alliée à la pugnacité du journaliste/réalisateur.

Le film Serge, condamné à mort de Christine Tournadre a un peu de tout cela en lui. C’est sans doute pour cette raison qu’il a obtenu le Grand Prix cette année.

L’histoire est forte : La vie de Serge et Sabine Atlaoui a basculé en novembre 2005, avec l’arrestation de Serge alors qu’il effectuait une mission de maintenance dans une usine à Djakarta. Celle-ci servait finalement de couverture à un trafic d’ecstasy. Un an et demi plus tard, il est condamné à mort par l’Indonésie. Pendant 10 ans, la réalisatrice a filmé Sabine dans son combat pour tenter de libérer son mari. Aujourd’hui, elle est devenue une figure médiatique engagée contre la peine de mort. Serge Atlaoui, qui a échappé de peu à l’exécution, vit toujours dans le couloir de la mort.

Produit par la Compagnie des Phares et Balises, la force de Serge, condamné à mort repose sur la proximité qui s’est établie au fil des ans entre Christine Tournadre et Sabine Atlaoui. « Nous avons tissé des liens de confiance entre nous. Cela nous a permis de filmer ensemble toutes les étapes de cette dramatique histoire », précise la réalisatrice.

N’en déplaise à ceux pour qui une image 4K parfaitement éclairée semble indispensable à la réussite d’un grand reportage, ici une certaine maladresse dans le cadre et les images, parfois même filmées par Sabine elle même, ne fait que donner du relief à une narration émouvante dans laquelle l’injustice transpire.

Le film a reçu le soutien de France Télévisions (France 3 : Docs interdits, Heure D et France 3 Lorraine), de Public Sénat du CNC, de la Procirep de l’Angoa et de la Région Grand Est.

 

Le pied à l’étrier

Parmi les différentes sélections officielles et récompenses attribuées, l’une revêt une importance toute particulière dans un secteur où il est parfois si difficile de se faire une place. Présidée par Christophe Mouton, directeur délégué de la société de production Bo-Travail, la commission Coup de Pouce peut être considérée comme un véritable tremplin. « Nous devons choisir entre cinq projets de grands reportages ou de documentaires issus de réalisateurs qui ont déjà une petite expérience du métier, mais qui n’ont pas plus d’un film à leur actif. Au-delà du travail d’écriture, c’est aussi la pertinence et la singularité de la vision de l’auteur qui nous intéresse », explique Christophe Mouton.

Ici c’est nulle part, projet de Samuel Picas, (durée envisagée 52 min.) a été retenu.
Le pitch du doc est le suivant : à Saint-Pierre-et-Miquelon, minuscule archipel d’Atlantique Nord, trois adolescents passent cette année leur baccalauréat. À l’issue de cette épreuve, il leur faudra choisir entre rester ou partir vers la métropole. Exploration de l’insularité et du passage à l’âge adulte, le documentaire se déploie autour de ce choix qui a des allures d’exil. Une thématique qui a retenu l’attention du jury. Dès la fin de la cérémonie de remise des prix, Samuel qui a déjà réalisé un premier film diffusé sur le web (intitulé La Duce Vita) et qui officie régulièrement en tant que chef opérateur, était happé par les producteurs. Preuve s’il en est que le prix Coup de Pouce offre de réelles perspectives à son lauréat.

 

Un grand monsieur s’en est allé.

L’an passé, c’est un film produit par Arnaud Hamelin qui avait ouvert le Figra 2017. Malheureusement, ce fut la dernière participation de celui qui fut président du jury en 2007. Disparu le 30 novembre 2017 à l’âge de 74 ans, l’homme au cigare a été journaliste et grand reporter. Il a fondé l’agence Sunset Presse avec laquelle il a produit plus de 700 reportages et documentaires qui ont reçu de nombreux prix dans les festivals internationaux, dont le Figra, qui l’a souvent récompensé. Arnaud Hamelin a couvert un grand nombre de conflits, notamment au Vietnam et au Cambodge. Il avait d’ailleurs été blessé par balles lors d’un reportage. Ses amis et collaborateurs lui ont rendu un très bel hommage, empli d’émotion, en racontant les nombreuses anecdotes de tournages et en projetant photos et images d’archives représentatives du personnage.

Arnaud Hamelin a été pendant plusieurs années président du Satev (Syndicat des agences de presse audiovisuelle). Il avait récemment participé aux travaux de la commission mise en place par le CNC sur le documentaire. Lors de la remise des prix, le jury de la Compétition Internationale, dans la catégorie des plus de 40 minutes, a attribué le Prix du 25ème anniversaire du Figra en hommage à Arnaud Hamelin, à Marie-Monique Robin pour Le Roundup face à ses juges. Ce film constitue en quelque sorte la suite du célèbre documentaire, Le Monde selon Monsanto, signé par la réalisatrice en 2008.

La thématique très forte de la pollution de l’eau, de l’air et des aliments, combinée au combat mené par des populations touchées dans leur chair face au géant de l’agro-alimentaire a sans doute convaincu le jury de lui remettre ce prix. Un travail d’enquête et d’investigation qu’aurait sans doute apprécié le producteur de Sunset.

 

France Télévisions et la Scam toujours au rendez-vous

Comme chaque année, les équipes du reportage et du documentaire des différentes chaînes du groupe public sont venues présenter les lignes éditoriales de leurs espaces grilles dédiés. On aimerait retrouver d’autres diffuseurs ou au moins quelques-uns de leurs représentants lors des prochains Figra.

Autre fidèle partenaire du rendez-vous, La Scam (Société civile des auteurs multimédia) organisait, quant à elle, son traditionnel débat. La thématique était cette année : Twitter est-ce informer ? Avec 313 millions d’utilisateurs dans le monde, et quelque 500 millions de tweets envoyés par jour, le réseau Twitter est devenu l’incontournable outil pour communiquer en moins de 280 caractères.

La prochaine édition du Figra se tiendra à nouveau à Saint-Omer, les travaux se poursuivant au Palais des Congrès du Touquet. C’est donc au cinéma Ociné que nous retrouverons quelques-uns des plus marquants grands reportages d’investigation et documentaires de société qui sortiront en salle ou sur les écrans dans les mois à venir.