De la 4K à la géolocalisation, en passant par le second écran et les systèmes de transmission… présentation et évocation des diverses technologies et solutions qui font évoluer la façon de filmer et de diffuser le sport.
La consommation de la télévision, ou plutôt de programmes vidéo, est en profonde mutation, nous le savons. Quoi qu’on puisse entendre dire ça et là, pour les chaînes, le sport reste une valeur sûre. Le direct d’évènements majeurs dispose toujours de très bons résultats en termes d’audience. Pour les petits sports, c’est-à-dire ceux à plus faible audimat, les chaînes thématiques ouvrent un peu leurs antennes, mais c’est surtout internet qui est maintenant le vecteur premier de diffusion. Un fossé sépare donc toujours les sports médiatiques des autres, cependant tous ont dorénavant des solutions adaptées à leurs disciplines et surtout à leurs moyens financiers. Dans ce dossier, nous ne pouvons faire un tour d’horizon complet de l’ensemble des solutions proposées sur le marché, mais avons tenté de présenter un certain nombre d’exemples représentatifs des outils disponibles à ce jour pour les productions sportives.
La 4K fait son entrée avec le foot et le tennis
La 4K, pardon l’Ultra HD (terme plus parlant pour le grand public), a fait son entrée dans le sport avec le football et le tennis. En octobre 2012 déjà, BSkyB avait testé la 4K lors du match de Champions League entre Arsenal et l’Olympiakos.
En février dernier, à St James Park, le match de foot entre Chelsea et Newcastle était lui aussi capté en 4K à l’aide de caméras F65 Sony. C’était surtout l’occasion pour la société SIS Live de démontrer ses capacités de production en 4K dans leur intégralité, du choix des objectifs jusqu’au stockage, en passant par le montage.
Le tournoi de tennis de Wimbledon a également été filmé en 4K avec un dispositif 100 % Sony. Ne souhaitant pas rester dans l’ombre du tournoi britannique, la Fédération Française de Tennis a souhaité, elle aussi, tester en grandeur nature le 4K à l’occasion du tournoi de Roland Garros en proposant une production et une diffusion (non live) en 4K (3840 x 2160).
C’est AMPVISUAL TV qui a pris en charge la prestation. Le court Philippe Chatrier, sur lequel se déroulaient les matchs majeurs de la compétition, était filmé à l’aide de trois caméras 4K. Il s’agissait de deux Canon C500 pourvues de montures PL et d’une unité For-A FT-One. L’ingénieur de la vision pouvait intervenir sur le diaph et la colorimétrie en régie. Pour cela, des liaisons 3G-SDI avec une conversion en fibre (compte tenu de la distance entre le terrain et la régie) avaient été mises en place. Le signal qui sortait des caméras était en format RAW Canon. Il était débayerisé avant l’entrée dans un mélangeur Kahuna 360. Deux serveurs EVS XT3 étaient exploités en régie. Le premier était utilisé pour les ralentis des deux caméras Canon C500. Les ralentis de la caméra For-A étaient réalisés, quant à eux, directement à partir de sa capacité d’enregistrement de 2 Téra. L’image de la FT-One peut atteindre 900 images par secondes. Le second serveur EVS XT3 était lui utilisé pour l’enregistrement et la retransmission du programme 4K vers un écran Astro situé sur le stand France Télévisions.
La Société Ateme encodait des fichiers qui étaient ensuite envoyés à Eutelsat pour une diffusion d’extraits 4K en différé. Pour le tournoi de Bercy, la Fédération Française de Tennis a réitéré l’opération mais avec Euro Media cette fois. Sur le dernier Sportel, à Monaco, le prestataire exposait d’ailleurs sa super loupe dédiée à l’Ultra Haute Définition. Soyons clair, oui, le 4K présente des avancées en termes de qualité de l’image, y compris en diffusion HD. Le format permet de mieux isoler le sportif ou encore de zoomer dans l’image. L’enjeu technique repose dorénavant sur la diffusion live de ce format. Lors du dernier IBC, nous avons pu voir une rencontre de Rugby filmée en 4K. Le signal était encodé en MPEG-4 AVC puis transmis en 100 bits/s via Intelsat. Des solutions voient donc progressivement le jour malgré la relative complexité de la diffusion de l’Ultra Haute Définition.
Les ralentis et la gestion des Métadonnées, pièces maîtresses de la prod sport
À Roland Garros, EVS exploitait IPDirector. La solution permettait de contrôler la numérisation, la gestion des métadonnées, le montage à la volée et la planification de la diffusion, le tout à partir d’une seule et même interface.
La salle de logging de France Télévisions disposait de 14 unités IPDirector, chacune enregistrant environs 300 logs par match. Pour l’ingest et l’enregistrement de différentes sources extérieures, 20 serveurs de la gamme XT et XS étaient exploités. Les serveurs EVS étaient pilotés par les LSM remote pour la réalisation rapide de highlights et de ralentis.
Les solutions Avid Unity MediaNetwork et MAM Interplay étaient connectées à des IPDirector pour délivrer chaque jour un résumé de 52 minutes retraçant les quelque 10 heures de programmes diffusées en direct.
La société Grass Valley était présente sur le dernier Sportel afin de présenter, elle aussi, ses solutions de ralentis K2 Dyno Cette technologie couplée aux serveurs maison et au système d’Asset Management Stratus semble relativement aisée d’utilisation et cela à des coûts parfois moindres comparé à certains concurrents. Cet été, lors des championnats du monde d’Athlétisme de Moscou, Media Broadcast Technlogies (MBT) s’était associé à Quantel afin de proposer ses services à UER.
L’idée était de pouvoir mettre le plus rapidement possible à disposition des diffuseurs internationaux des images et des métadonnées des différentes épreuves.
Un serveur sQEntreprise de Quantel associé au soft de digitale Asset Managment Sphere de MBT était au coeur du dispositif. Les séquences de compétitions étaient enregistrées sur un serveur puis indexées manuellement dans le MAM de MBT. Les journalistes du monde entier avaient accès à ces indexations afin de rechercher très rapidement les séquences dont ils avaient besoin pour leurs montages.
Des moyens de transmission en pleine évolution
La HF permet de s’approcher au plus près des sportifs pendant leurs épreuves.
Le nombre de systèmes disponibles ne cesse d’augmenter avec des coûts de moins en moins importants.
Ces moyens HF permettent l’utilisation de caméras embarquées en sport automobile. Pour le Rugby, Canal+ utilise la Refcam pour avoir le point de vue visuel de l’arbitre. La paluche mono CCD Full HD 1920×1080 est accrochée à un bandeau qui vient se placer sur le haut de la tête de l’arbitre. Le système HF et le micro sont eux insérés dans un gilet venant s’enfiler sous le maillot de l’arbitre. L’ensemble du dispositif a été conçu et développé par les équipes de Tony Valentino, directeur technique du bureau londonien de la société américaine BSI.
La transmission, avec les valises 3G et maintenant 4G (type TVUpack ou LiveU), est de plus en plus exploitée.
Pour la diffusion des réalisations sportives, l’IPTV, avec des solutions de transmissions par satellite peu onéreuses comme celle que propose Sat2way avec son service New Spotter, devient très abordable.
Enfin, par l’intermédiaire de sociétés comme Ad Valem et sur la demande des plus importants diffuseurs français que sont Canal+ et BeIN Sport, les fibres noires ont été installées dans les principaux stades de foot et de rugby. À destination des petites fédérations cette fois, de plus en plus de prestations à très faibles coûts pour le live streaming sont disponibles. Une des plus attractives en termes de rapport prix/performance est sans doute celle d’Easylive. Elle permet de retransmettre une vidéo en direct sur internet (que ce soit sur Youtube, Dailymotion ou autres) et d’habiller de manière automatisée cette vidéo avec des incrustations personnalisées (score, logos, statistiques, bannières, fil Twitter…).
Le second écran, une plus value obligée ?
La saison passée, Canal+ lançait Canal Football App qui permet de revoir sur un second écran (tablette ou smartphone), pendant le direct, une action sous différents angles de prises de vues (caméra aérienne, loupe…).
L’application et son interface ont été conçues par la société NetcoSports, spécialisée dans ce genre d’outil. Le contenu de Canal Football App est lui géré par la solution C-Cast d’EVS qui traite la compression et le transfert des contenus vidéos. C-Cast est connecté à des serveurs XT/ XS installés dans le car régie d’Euro Media qui assure la retransmission du match. Pendant le direct, des clips et leurs métadonnées, tels que les mots clés décrivant l’action et la référence du timecode, sont créés par un « Clip Producer ». Pour cela, un opérateur exploite IPDirector. Ces séquences et leurs références sont ensuite transférées automatiquement vers la base de données C-Cast, dans laquelle elles sont disponibles en format basse résolution avec tous les angles de vues des différentes caméras dans le stade. L’expérience foot a été déclinée pour le Top 14 de Rugby.
D’autres sociétés comme Vizrt proposent elles aussi des solutions dédiées.
La Géolocalisation des sportifs et leur modélisation, un nouveau créneau
Avec Euro Media Group, l’édition 2013 de la course Cycliste Paris-Tours a vu la réalisation de la première expérience de géolocalisation globale des coureurs en course. Après avoir équipé de puces électroniques l’ensemble des 200 coureurs du peloton au départ à Authon-du-Perche, les équipes HF d’Euro Media France pouvaient ainsi fournir à France Télévisions et A.S.O., de manière précise et instantanée, la position exacte de chaque coureur au sein du peloton ou dans les groupes d’échappés. « Ce test était la première étape du développement de cet outil de transmission de datas dont les applications prometteuses sont extrêmement nombreuses. Elles permettront au public de suivre et de comprendre la course de façon tout à fait inédite » expliquait Yann Le Moenner, Directeur Général d’A.S.O.
Le Rallye de France, qui se déroulait en Alsace du 3 au 6 octobre, était proposé en direct pour les abonnés de Canalsat. Comme l’an passé, c’est AMPVISUAL TV qui assurait la mise en place technique du dispositif. La nouveauté principale concernant la production télé résidait dans la conception par le spécialiste de l’affichage sportif dynamique, Trimaran, de la visualisation 3D des écarts entre les voitures.
La visualisation 3D est issue du logiciel 3D Georacing développé par Trimaran pour les courses à la voile.
« Concrètement, une modélisation des voitures des favoris est proposée aux téléspectateurs. Le véhicule en course est représenté en pleine définition, tandis que les positions virtuelles de ses concurrents, déjà passés, sont affichées de manière fantôme (en transparence) » précise François- Charles Bideaux.
Une puce disposée à bord des véhicules permettait de mettre à l’antenne, de manière relativement précise, le chrono durant la spéciale. L’application a été baptisée Virtual Live Timing. La société Vizrt travaille elle aussi sur la modélisation des actions sportives, notamment pour des applications qui seront utilisées lors de la prochaine Coupe du Monde de football.
Concernant la géolocalisation, Ad Valem et le groupe italien Telespazio se sont associés afin de proposer prochainement Earth Lab et Sport Lab, des applications de géolocalisation et de seconds écrans apparemment très prometteuses.
La machinerie, la base d’une bonne captation sportive
Les points de vues aériens sont de plus en plus exploités dans le sport. Compte tenu des limites actuelles de l’utilisation des drones, en cas de vent ou de pluie, et de leur faible autonomie, la machinerie traditionnelle reste d’actualité. Le spécialiste ACS était encore une fois omniprésent sur la dernière édition de Roland Garros. Deux Cablecam survolaient les deux terrains principaux pour effectuer les beauty shots et les vues aériennes des courts. Les caméras, gyro-stabilisées sur cinq axes, installées dans les Cablecam, étaient des Sony HDC-P1. Il s’agit d’outils compacts full HD dotés de trois capteurs CCD Power HAD FX 2/3» et d’une sortie HD-SDI. Les caméras étaient pourvues d’objectifs grands angles. Les Cablecam étaient fixées sur trois câbles de 370 m de long reliés entre une tour démontable (de 58 m de haut) et le sommet du court Suzanne Lenglen.
Au sol, cette fois, de nouvelles solutions de stabilisations véhiculées se développent.
C’est le cas du Steadicar conçu par Bernard Sallem et loué par Planning Caméra. Le Steadicar est utilisé sur beaucoup d’épreuves sportives, notamment en athlétisme. Sur une base de voiture électrique, spécialement pensée et aménagée, sont implémentés une grue, pourvue d’un siège pour l’opérateur, et un Steadicam. Le Steadicar offre une image stabilisée en mouvement, à hauteur variable et avec un positionnement de la grue sur 360°. Tous les axes de prises de vues sont possibles. Des options, comme une liaison en 4G, permettent une diffusion d’image en live vers une régie ou sur écran géant dans les stades. L’expérience a été faite sur le semi marathon des Boucles Dunkerquoise.
En conclusion
La captation et la retransmission sportive disposent d’une palette d’outils en perpétuelle évolution. Les expériences passées de la 3D n’ont pas été inintéressantes. Leurs fins brutales sont dues majoritairement à des coûts de production bien trop élevés et à un taux d’équipement des foyers en matière de téléviseurs 3D relativement faible (à cause sans doute de la contrainte du port des lunettes). La 4K et le second écran semblent aujourd’hui prendre le pas sur la 3D. Cependant n’enterrons pas le relief trop vite, lui qui comme un serpent de mer, refait surface régulièrement. La technologie ne cessant de se réformer, on peut imaginer que la 3D (qui sur le papier peut être un véritable apport pour le sport) soit un jour à nouveau à la mode. Pour cela, il faudrait que les coûts de production n’aient rien à voir avec ceux des dernières tentatives, et que le téléspectateur puisse se passer de ces isolantes binocles.
Pour finir, notons tout de même que si les outils disponibles (statistiques, modélisation, géolocalisation…) permettraient de vulgariser et de faire plus facilement comprendre des sports moins médiatiques, leur utilisation se concentre surtout sur le Foot et les disciplines déjà bien ancrées à la télévision. C’est peut-être dommage.