Chaque année, les meilleurs rideurs de la planète se retrouvent lors des différentes étapes pour se départager et décerner le titre de champion du monde de freeride au meilleur de chaque catégorie. (Ski/Snowboard, Femme/Homme). Lors d’une épreuve, la face d’une montagne est choisie au préalable et tous les compétiteurs doivent descendre cette face. Il n’y a ni chronomètre, ni parcours défini, ni piste damée et les rideurs n’ont pas d’essai. Ils inspectent la face avec des jumelles pour se créer un chemin, une ligne dans la face.
Lors de leur passage, les participants sont notés par des juges en fonction de plusieurs critères tels que leur vitesse, la créativité de la ligne choisie, le style… Le rideur ayant obtenu la meilleure note est vainqueur. La logistique pour le déplacement du matériel aux quatre coins du monde et dans des endroits reculés en montagne, ou encore les conditions climatiques et météorologiques en font un challenge à part entière.
Bonjour Aurélie, peux-tu te présenter rapidement ?
Bonjour, je travaille dans la vidéo depuis une quinzaine d’années, après avoir fait cinq ans d’études dans le domaine. J’ai commencé ma carrière comme assistante caméra en fiction, puis je suis devenue responsable technique de l’école de journalisme de Sciences Po. Je suis aujourd’hui cadreuse, monteuse, réalisatrice et productrice, spécialisée dans le sport, mais aussi formatrice et consultante… Bref des activités variées, mais toujours centrées sur la vidéo.
Peux-tu me parler de l’équipe de production du FWT ? Quel est ton rôle au sein de cette production ?
La production vidéo d’un événement tel que le FWT englobe différents types de médias : un live webcast, des sujets destinés à la télévision (newscut, magazines…), au web et aux réseaux sociaux. Cela implique de regrouper différents talents : cadreurs, monteurs, techniciens… Mon rôle est de coordonner cette équipe, qui, en plus des compétences en vidéo, doit avoir des aptitudes à évoluer en montagne et à voyager en équipe pendant des semaines.
Quel dispositif est mis en place pour la captation/diffusion de cet événement ?
La société Switch Productions a conçu une régie qui soit transportable en flight-cases par avion, puis en dameuse ou hélico pour être mise en place sous une tente d’expédition installée en montagne, au plus près de la face de compétition, et qui puisse être installée en quelques heures pour répondre aux contraintes liées à ce type de sport, très dépendant de la météo et des conditions de neige.
Différents types de caméras (Cineflex, DJI Inspire, Sony F55, FS7, Blackmagic Studio…) sont connectées par fibre ou en HF à un mélangeur Blackmagic Atem II, associé à un serveur de ralentis Newtek 3Play et une console Yamaha 01V. Une configuration légère adaptée à une production en montagne, mais qui est gonflée pour la finale lors de l’XTreme Verbier en live sur RedBull TV avec des recommandations techniques plus importantes.
Le signal est émis via une connexion IP satellite ou 4G selon les réseaux disponibles dans les différents pays. Le flux est aussi envoyé à un file manager qui ingère ces images sur un serveur EditShare pour une équipe de monteurs qui préparent un newscut et un 100 minutes pendant la compétition, sur Adobe Premiere Pro.
L’équipe a-t-elle rencontré des difficultés logistiques liées aux nombreux déplacements et à l’évolution en milieu montagneux ?
Le fait de travailler en milieu montagneux complique énormément les choses, mais c’est ce qui rend ce travail passionnant aussi ! Contrairement aux compétitions de ski alpin ou de ski freestyle, qui se déroulent en station et permettent généralement d’opérer depuis des cars régie garés au pied des pistes, le freeride implique d’être dans des espaces vierges et donc d’amener toute l’équipe et le matériel au plus près des faces que dévalent les rideurs. L’acheminement n’est pas facile, tout se faisant par dameuse, moto-neige ou hélico, le matériel doit aussi pouvoir être alimenté en électricité par des génératrices mobiles et résister au froid.
Une fois la tente de production installée, les techniciens se relaient pour dormir à l’intérieur jusqu’au jour du live afin de s’assurer que le matériel ne subit pas de dégâts. Les conditions sont donc rudes pour le matériel, mais pour les humains aussi, qui doivent être capables de se déplacer en montagne, généralement à ski, mais aussi de résister au froid.
Cet hiver, au Canada, nous avons subi des températures très basses et le directeur des opérations a eu deux orteils gelés. Ce sont les risques liés à ce milieu, mais c’est aussi le fait d’évoluer dans cet environnement qui est la motivation pour toute l’équipe. Je ne suis pas près d’oublier mes nuits sous les aurores boréales sur les sommets d’Alaska !
Comment l’équipe de production interagit-elle avec les autres équipes de l’organisation ?
La production doit s’adapter au sport et non l’inverse. Les conditions à réunir pour réussir une compétition de freeride sont telles (bon enneigement, stabilité du manteau neigeux, visibilité suffisante…) que l’on ne peut se permettre de ne pas être prêts quand cela est possible. Il y a toujours une fenêtre de 7 à 12 jours pendant laquelle l’événement peut avoir lieu, et il faut que l’équipe de production soit prête à opérer pendant toute cette période. De nombreuses vidéos sont réalisées en amont de l’événement pour couvrir tout ce qui entoure la compétition : les voyages, les moments de ride entre athlètes… car c’est une véritable aventure pour tous !
Avez vous eu à faire face à des difficultés lors de la captation en direct ?
Réussir un live depuis une montagne isolée est toujours un vrai challenge et j’ai beaucoup d’admiration pour les techniciens qui rendent cela possible, tant les paramètres à réunir sont nombreux et parfois aléatoires. Par exemple, le Japon a beau être le pays de la technologie, il n’y a pratiquement aucune couverture réseau dans les régions montagneuses, des vallées encaissées, couvertes de mètres de neige, et dans lesquelles tirer de longues distances de fibre est une vraie épreuve. Mais voir des singes courir autour de la tente de production compense tous ces efforts !
Utilisez-vous du matériel spécifique ou adapté aux contraintes du froid, de l’altitude ou de l’humidité ?
Le matériel est généralement donné pour une utilisation à partir de 5 °C, aussi nous essayons d’obtenir cette température dans la tente de production, mais ce n’est pas toujours le cas. Une fois en marche, les ventilateurs maintiennent les machines à une température suffisante pour fonctionner sans trop de souci, mais c’est évident que les appareils souffrent de cette utilisation « hors-norme » et du transport.
Côté caméras nous avons peu de soucis liés au froid car elles sont bien tropicalisées, et pour assurer une meilleure résistance des batteries les pilotes de drones les transportent dans une glacière chauffée. Ce sont les cadreurs et techniciens qui souffrent le plus du travail dans ces conditions, les heures dans le froid engendrant une fatigue physique, heureusement compensée par l’excitation d’être dans ce décor et de voir les lignes imaginées par les rideurs.
D’un point de vue interne, quel est ton retour sur cette saison du Freeride World Tour? Quels aspects souhaites-tu améliorer, quels aspects as-tu appréciés ?
Cette saison a été ma cinquième sur le tour, mais la première en tant que productrice et réalisatrice du live, un poste qui m’apporte une forte dose d’adrénaline. Cette saison a été particulièrement difficile côté compétition, avec des conditions météorologiques compliquées, mais pour moi le plaisir de partager les aventures avec cette équipe reste unique et j’ai déjà hâte de vivre la saison prochaine avec eux. Nous sommes déjà dans les préparatifs de l’hiver 2019 et réfléchissons à comment progresser pour produire des vidéos encore plus palpitantes, qui retranscrivent cette énergie si spéciale que nous vivons tous sur le Freeride World Tour.
Pour en savoir plus sur cet événement : www.freerideworldtour.com