Le Forum 2015 représente la première conférence réellement représentative de l’industrie actuelle des technologies média : secteurs publics et privés, groupes de médias traditionnels et nouveaux entrants, instituts de recherche et businessmen pragmatiques, services d’aujourd’hui et de demain…
Si au NAB, les fournisseurs donnaient le ton côté fabricants, le Forum 2015 était l’endroit parfait pour avoir le retour des groupes de média eux-mêmes. Ou plutôt d’acteurs qui produisent ou délivrent du contenu : de Deutsche Telekom à YouTube, de Pro7Sat1 à Netflix, de l’Agence Spatiale Européenne à Vimeo…
Ce premier article couvre les Technologies Média, le second article abordera la Production et le dernier la Distribution.
Les diffuseurs TV se réinventent
Étant en Allemagne, nous nous devions de démarrer avec le groupe de média public ZDF. Robert Amlung, Responsable de l’unité Numérique de la ZDF, plante le décor : « Il ne s’agit pas simplement d’un changement de technologie, les diffuseurs TV se réinventent. Si nous adoptons ce nouveau positionnement, nous serons capables de réussir dans ce nouvel écosystème ».
Comme de nombreuses sociétés, la ZDF traverse des changements internes : la livraison numérique s’appuie désormais sur des processus plus itératifs. Les workflows sont désormais centrés sur les logiciels. L’agilité réside dans la capacité des équipes éditoriales et techniques à travailler ensemble en continu. L’une des « success stories » numériques de la ZDF ? Leur application Champions League.
Le Digital à la ZDF : 8 ans d’exception
Jochen Schmidt, ZDF, récapitule l’historique du groupe public allemand concernant le numérique :
- 2007 : 25% du contenu du Groupe disponible en ligne
- 2009 : passage à la technologie de streaming Flash
- 2010 : début des applications pour Windows, iOS et Android, consoles de jeu et TV connectées
- 2012 : flux exclusifs des Jeux Olympiques de Beijing
- 2014 Coupe du Monde de football : un pic de trafic live à 1,1Tbps pour 650 000 utilisateurs
- 2015 : plus de 10 portails, 50 millions de vues par mois, 25 000 vidéos au total, le trafic VOD représente 40gbps en moyenne, les vues sur mobile augmentent de 25%
- Futur : 100% de contenu HD, des sites web responsive en HTML5, du streaming MPEG DASH, relance des portails et du CMS
Ma nouvelle obsession: “Storytelling innovant”
Autre approche particulièrement pertinente, un panel dédié au sport a souligné des éléments qui peuvent s’appliquer au business des technologies medias dans son intégralité :
Quel est l’enjeu n°1 des opérateurs TV ? Combler l’écart entre l’ancien monde de la TV et les offres mobiles, explique Stephan Heimbecher de Sky Deutschland. « Nous vivons actuellement un grand écart entre la 4K haut de gamme et une expérience bas de gamme ». Selon Christy King de Levels Beyond, l’uniformité du “look and feel” quel que soit l’écran est un enjeu majeur. Ajoutons à cela le fait que tous les médias ont besoin de conserver un lien entre eux (TV, réseaux sociaux, second écran) pour avoir du sens. Carlo de Marchis, de Deltatre, pense que la clé réside dans la création d’une expérience ludique, au-delà de l’écran TV. Je vous conseille un article récent de Carlo : “My new obsession: Innovative storytelling. An example with PGA European Tour”
Du contenu premium depuis l’espace
Je connaissais l’Agence Spatiale Européenne (ASE) et j’ai découvert le plan de communication de Rosetta sur les réseaux sociaux : 804 000 tweets pour #cometlanding et la page Facebook consultée 4.382m de fois. Daniel Scuka, ASE, explique “Le média social, c’est à la fois du divertissement et de l’éducatif”.
Le réseau social est désormais un média à part entière, aux côtés de la TV, la radio et la presse. L’ASE a utilisé les réseaux sociaux comme un premier écran pour fournir une couverture Premium de cette mission.
Le Média Social prend l’avantage
Daniel Scuka détaille le plan de communication de la mission Rosetta :
– atteindre une audience maximum pour donner de la valeur à la mission (indispensable pour des projets financés par l’État)
– adapter les processus de communication corporate pour s’éloigner de la communication scientifique traditionnelle
– publier en priorité sur les réseaux sociaux
Les vidéos en preroll avec le sourire
Une autre success story mise en avant par Mark Kornfilt de Livestream : le blogueur français Jérôme Jarre (@jeromejarre). Jérôme est capable de monétiser du contenu ludique : le réseau social Vine facture $25 000 pour une pub en préroll de 6 secondes, Snapchat pour $15,000.
Jérôme Jarre était au Festival de Cannes 2015 en compagnie de sa mère, mais je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de le rencontrer !
L’Europe à la traîne
Jonas Schlatterbeck, ARTE (France-Allemagne), a donné des chiffres clé sur l’utilisation du deuxième écran en Europe. Seuls 44% des européens naviguent sur internet pendant qu’ils regardent un programme. Selon le rapport Screen Wars publié par Nielsen en mars 2015, ce chiffre monte à 60% dans le reste du monde. Plus le taux de pénétration des smartphones est élevé, plus l’utilisation du deuxième écran est développée, les leaders étant les États-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, suivis par l’Allemagne et les Pays-Bas.
La stratégie bi-médias d’ARTE
Jonas Schlatterbeck explique la stratégie bi-média du groupe : « L’objectif est de fournir du contenu pour chaque device, à tout moment et quel que soit l’endroit. Le second écran n’est pas une technologie mais une expérience sociale et ludique ». ARTE a lancé des projets prestigieux, comme “About:Kate”, une histoire à 3 dimensions associée à une application synchronisée. “24h Jerusalem” est un autre exemple. Parmi les enjeux futurs, on peut citer : plus de visibilité, d’interactivité, davantage d’innovations techniques et éditoriales, attirer des spectateurs plus jeunes.
NOS : du sport au « breaking news »
Une autre vision d’une offre numérique, avec le groupe de média public néerlandais NOS. Elger van der Wel a montré des exemples de services : l’application dédiée au Tour de France, les applications de foot affichant les résultats et proposant des angles multi-caméras (Coupe du Monde 2014 au Brésil). Elger a souligné la flexibilité des systèmes de contribution IP : un journaliste a par exemple fourni des heures de vidéos live depuis l’Allemagne, simplement avec son smartphone, lorsque l’info du crash de l’avion de la Germanwings est tombée.
rEBUlation
Autre sujet : la neutralité du net. Anne-Catherine Berg de l’EBU, a détaillé pourquoi la neutralité du net est importante pour les médias en Europe : elle garantit la liberté d’accès aux informations livrées aux utilisateurs finaux, sur toutes les plateformes. Côté opérateur, l’intégralité du trafic internet devrait être traitée de la même manière. Aux États-Unis, la FCC (Federal Communications Commission) offre des règles claires. Les discussions en Europe sont plus complexes car elles s’appuient sur des négociations menées entre 3 organismes européens et 28 États membres.
La neutralité du net, des Amériques à l’Europe
En mars 2014, la Chambre du Congrès du Brésil a approuvé une loi visant à garantir un accès égal à internet et à protéger la vie privée des utilisateurs. Début 2015, les États-Unis ont publié leur Net Neutrality Act. L’Europe a quant à elle proposé un ensemble de règles en 2013, explique Carlos Perez, DG Connect. Les États-Unis font référence à une “discrimination déraisonnable” : fournir un accès égal (en traitant chaque bit de données de la même façon, quel que soit le type de connexion).
Cependant, une question demeure : comment distinguer une donnée audio/ vidéo qui requiert une haute qualité de service (QOS) ? Les fournisseurs de haut débit doivent offrir des services différenciés, tout en assurant un comportement anti-concurrentiel (donc neutre). Conclusion de Peter Pitsch d’Intel sur la régulation internet : « Ce sera difficile à mettre en œuvre ».
Beaucoup de bruit pour rien ?
J. Scott Marcus, consultant, a rédigé un certain nombre de rapports pour la Commission Européenne. Scott pense que certains problèmes peuvent déjà être résolus par les régulateurs avec la législation actuelle. Il existe une différence majeure avec les États-Unis : il y a davantage d’offres sur le marché européen, tandis qu’aux États-Unis, il y a généralement un seul câblo-opérateur et un seul opérateur télécom par zone géographique. Ce marché plus riche offre plus d’options pour le client final.
Conclusion de ce premier article sur le Forum SMPTE 2015 : nos « tuyaux » internet doivent être plus neutres. Le média social pourrait bien devenir le premier écran pour beaucoup. Notez que lorsque vous passez des heures sur les réseaux sociaux, vous êtes en fait en train de vous éduquer… ou de vous amuser… ou peut-être aucun des deux ! Cf. la video culte de Jérôme Jarre “Derek Zoolander took my iphone at the Paris Fashion Show” – https://vine.co/v/O9uhwdvX5dK
Pérennité de la production Média…
Le Forum 2015 est un événement de deux jours, accueillant “la crème de la crème” de l’industrie des technologies média. Dans un premier article, nous avons évoqué comment l’Industrie des médias se développe pour couvrir de nouvelles possibilités, comme les réseaux sociaux.
Nous allons maintenant nous intéresser aux sujets les plus « chauds » en terme de production vidéo, depuis les tournages low-cost les plus cool jusqu’aux fonctions haut de gamme les plus onéreuses. Un fait demeure : l’industrie est en pleine ébullition !
Une expérience immersive
La courbe d’apprentissage est raide, spécifiquement lorsque l’on parle de UHD, alias 4K (les puristes me pardonneront !). Christy King, de Levels Beyond, parie sur une montée en puissance plus rapide sur la Réalité Virtuelle que sur la 4K.
Touradj Ebrahimi, de l’Institut Fédéral Suisse de Technologie, affirme que les métadonnées demeurent l’enjeu du moment. Quand on parle de capture d’images, les standards SMPTE couvrent la gestion des métadonnées pour offrir plus de couleurs (Wider Colour Gammut – WCG) et plus de contrastes (Higher Dynamic Range – HDR). En aval, les devices créent une masse importante de métadonnées qui nécessitent de la compression. Les communautés JPEG et MPEG explorent actuellement ce sujet.
Netflix a lancé des tests afin de trouver la qualité d’image optimale par rapport au débit. L’audio immersif est également au programme pour le fournisseur de service OTT américain.
Réalité Virtuelle : adapter l’histoire à votre subconscient
Accrochez-vous : la réalité virtuelle est bien réelle, et il existe des options abordables pour la produire. Dr Doron Friedman, de la Sammy Ofer School of Communication (Israel), a montré un exemple en utilisant une monture pour GoPro et des lunettes Google pour smartphone. La société Brainster a utilisé du marketing neural grâce à un casque bon marché capable de capturer les « sentiments » du spectateur. En fin de compte, les Big Data pourront être couplées à de la physiologie neurale.
Ressentez-vous l’ombre de Big Brother ?
Attirer les spectateurs
Prof Mel Slater, de l’Université de Barcelone (ICREA), a expliqué qu’il était facile de duper le cerveau : le public s’immerge de manière réaliste dans un environnement virtuel en dépit d’une expérience visuelle médiocre. Mel a montré des expériences où des sujets avaient vraiment l’illusion que le corps virtuel était le leur. Dans la mesure où les choses peuvent aller très loin dans ce domaine, des considérations éthiques sont à prendre en compte !
Mel a livré des clés pour une expérience de réalité augmentée réussie : présence, vraisemblance, propriété du corps(le fait que les actions du corps deviennent les vôtres).
Mes app sont cool
Touradj Ebrahami, l’Institut Fédéral Suisse de Technologie, a démontré des outils vidéo capables de retraiter des images existantes : une première démo montrant la profondeur de champs et le HDR, un second outil produisant un effet 3D réaliste depuis la caméra 2D d’un smartphone (Richard Welsh, Sundog Media Toolkit, a joué au cobaye !).
Martin Parsons, Image Eyes, a quant à lui donné un aperçu du pipeline de couleurs mis en place lorsqu’il travaillait chez MPC (Moving Picture Company, Royaume Uni, Groupe Technicolor).
Pérennité de la production de films
Il n’y a qu’un pas du labo de recherche jusqu’aux studios de tournage. Chris Fetner, Netflix, impose deux prérequis pour toute nouvelle production propre :
– Produire en 4K via une caméra à capteur 4K natif comme Red Dragon, Sony F55 ou Sony F65, et en utilisant la compression sans pertes
– Assurer la pérennité du master grâce au Wider Colour Gamut et au HDR
« La production Marco Polo coûte énormément d’argent, je souhaite donc un tournage en ‘raw’ de manière à pérenniser le travail effectué ! » – Chris Fetner, Netflix
Le décollage du HDR
« Nous ne voulons pas plus de pixels, mais de meilleurs pixels » a déclaré Rainer Schaeffer de l’IRT, lors de notre travail conjoint sur la 4K/UHD pour ARTE. “De meilleurs pixels” s’appuient sur le High Dynamic Range (HDR). Dans l’étude “ 4K / UHD : réalité business ou spéculation technologique?” réalisée par Mesclado en 2014, la HDR semblait extrêmement lointaine. Durant le CES de janvier 2015, en revanche, les écrans prototypes grand public étaient partout. Noël 2015 sera probablement le tournant avec des écrans abordables.
Pixels et écologie
Le HDR nécessite des écrans plus lumineux et donc des TV avec des alimentations plus puissantes. Comment créer un produit certifié Energy Star ? Energy Star spécifie la puissance électrique maximum en utilisant une formule basée sur la taille de l’écran. Un enjeu, clairement…
Un nuage qui fait peur
Il semble y avoir une grande différence entre la collecte des données en Europe et aux États-Unis. « Est-ce la raison qui rend l’Europe si réticente à l’utilisation du Cloud ? » s’interroge un participant. Amazon Web Services (AWS) a ouvert un deuxième datacenter en Allemagne en 2014 (après l’Irlande). Une réelle réponse aux menaces de sécurité des données et de vie privée?
6 mois nuageux
Google pousse sa plateforme Cloud, Zynk, qui cible des services B2B de la captation à la distribution multimédia. Le secteur de la post-production est un utilisateur important, pour les applications de rendu (traitement des images). Le film “Flight” c’est appuyé pendant 6 mois sur la plateforme Cloud de Google, avec un pic de 80 000 heures en mai 2012. Todd Prives, Google, affirme que l’utilisation du Cloud permet aux artistes de passer plus de temps à créer, plutôt que d’attendre le calcul du rendu. Google développe son offre grâce à des partenaires comme ChaosGroup, Avere, The Foundry, Conductor, SolidAngle, ThinkBox Software.
…À quel point l’expérience des spectateurs sera-t-elle immersive demain ? Elle était 3D stéréoscopique (le nombre de spectateurs ne cesse de diminuer selon un panéliste). Certains pensent que la Réalité Virtuelle fera partie de cette expérience, tandis que d’autres à des contrastes élevés et à des couleurs plus dynamiques. La vérité se situe certainement au centre de tout cela.
Une pensée : lorsque j’intervenais auprès des étudiants en master Multimédia d’Eurecom (Sophia Antipolis, France), la 4K/UHD et la HDR dans les foyers semblaient lointaines. Ces étudiants ont la vingtaine, leur plus grand écran à la maison est un 24’, à part ça, ils vont au cinéma.
Un élément demeure : ces technologies deviennent de plus en plus abordables… Si j’avais 100m$ à investir, une moitié irait au labo de recherche appliqué de Mesclado, l’autre moitié financerait un voilier pour naviguer sur le chemin de Marco Polo. Et je recevrais 4K/UHD par satellite ou via des Blu-Ray !
La distribution est reine, et c’est elle qui porte la culotte !
Une bonne citation reprise à Berlin: “ Le contenu est roi, la distribution est reine, et c’est elle qui porte la culotte !” (déclaration de Jonathan Perelman, de BuzzFeed, en 2013). Les métadonnées sont certainement la clé d’entrée dans ce royaume.
En tant que membre du comité du programme de la conférence, je ne m’attendais pas à autant d’enthousiasme sur la partie distribution durant le Forum 2015.
Cet article est la 3e et dernière partie de ce debrief sur le Forum 2015, avec de riches retours d’Europe et des US, notamment de CBS, Deutsche Telekom, France Télévisions, Google, Netflix, Vimeo et ZDF…
CBS : un modèle numérique gagnant-gagnant pour les réseaux de distribution
Bob Seidel, Président de la SMPTE et VP Engineering and Advanced Technology de CBS, est un représentant de choix de l’industrie Broadcast.
Le challenge de CBS était d’offrir un service en ligne, Over The Top (OTT), tout en maintenant son business traditionnel. L’OTT n’est pas nouveau : les diffuseurs l’utilisent depuis que le streaming internet est devenu viable au début des années 2000. Ce qui est nouveau ? Des plateformes dédiées de la part d’acteurs traditionnels (ex : CBS, Deutsche Telekom), des services concurrents (ex : Netflix) et des business models pour la livraison internet (à la fois basés sur des abonnements et de la publicité).
7 000 titres pour 6$ par mois !
Le principal enjeu était de trouver un arrangement gagnant-gagnant aves les stations locales affiliées CBS, de manière à préserver leurs licences de distribution exclusives fournies par CBS. Le service fonctionne de la façon suivante : si je me trouve à Las Vegas, j’ai les mêmes publicités provenant de la station locale KLAS à la fois sur la TV traditionnelle (Over-The-Air ou OTA) et sur l’application OTT “CBS ALL ACCESS”.
CBS a lancé un service OTT en octobre 2014. Pour 5,99$ par mois, les utilisateurs ont accès à la chaîne CBS diffusé en direct depuis leur station locale et à plus de 7 000 films et séries (ex : Startreck, I love Lucy, Big Bang Theory, NCIS, CSI…). La station locale reçoit une part du chiffre d’affaire mensuel lié à l’abonnement. De plus, l’audience complémentaire sera créditée aux stations locales et au réseau national CBS à travers les mesures d’audience de Nielsen (un confrère américain de Mediamétrie). Dans la mesure où le tarif publicitaire est directement lié au taux d’audience totale de Nielsen, ces chiffres en hausseboostent les vues nationales, et également le chiffre d’affaire de la publicité locale.
TV en direct sur les devices mobiles
Le signal des stations locales est disponible sur les devices mobiles via Wi-Fi, 3G ou 4G. Cerise sur le gâteau : cela amène des utilisateurs plus jeunes, importants pour les publicitaires, le réseau et les stations locales. Le schéma ci-dessous montre un diagramme de flux typique. En plus des 14 stations CBS en propre, le service est offert par 13 autres groupes de stations (76 stations) qui couvrent 65% des foyers américains et la majorité du pays devrait être couverte d’ici fin 2015. Bob rappelle que CBS est le réseau le plus regardé aux US.
Bob a souligné qu’il voudrait voir les vraies mesures d’audience d’autres fournisseurs de service OTT. Il pourrait y avoir des surprises, dans un sens comme dans l’autre !
Netflix : “le broadcast n’est plus la référence absolue en terme de qualité”
Un avis controversé pour cette keynote d’ouverture ! Chris Fetner a dressé le tableau de Netflix : 62 millions d’abonnés début 2015 dans 52 pays (dont les 2/3 aux États-Unis). Les services OTT adressent un total de 1 200 devices différents. Dans son budget d’acquisition de contenu de 3$ milliards en 2015, Netflix prévoit de produire 320 heures de contenu original (3 fois plus qu’en 2014).
D’un point de vue technologique, la 4K a été lancée en 2014, le HDR en 2015 (la production originale Marco Polo sera la première en HDR).
La société a concentré son effort sur l’OTT où le nombre de concurrents augmente (rien qu’aux US : CBS en 2014, HBO en 2015, etc.).
IMF : la base d’un écosystème totalement automatisé
Chris a détaillé un problème opérationnel clé : le contrôle des versions de programmes. 7% des fichiers livrés à Netflix ont un problème. Un exemple typique : Netflix propose un film complet de 162 minutes tandis que la version danoise des sous-titres s’applique à une version TV de seulement 150 minutes.
Netflix s’appuie sur Interoperable Master Format (IMF) pour détenir le master d’origine, et avoir ainsi la possibilité de produire des livrables à la demande.
Versionite aigue : c’est le début de la fin !
Une large adoption d’IMF rendra inutile de stocker les multiples versions d’un programme. Les packages IMF sont-ils trop lourds à envoyer ? « La loi de Moore rend cette question caduque », déclare Chris Fetner. De plus, la volonté de Netflix est d’offrir la meilleure qualité possible en amont pour fournir le meilleur contenu transcodé en aval.
Netflix continue d’investir massivement dans IMF pour distribuer du contenu original, en utilisant IMF App 2+ (en 4K, JPEG-2000 atteint 800Mbps). La société évalue les produits compatibles IMF et a commencé à financer un logiciel open source pour valider les IMP.
Durant sa formation IMF en partenariat avec la SMPTE, Mesclado présente plusieurs outils compatibles IMF. Les sessions sont délivrées dans plusieurs pays et en plusieurs langues.
Pourquoi la SMPTE intéresse Netflix
Chris Fetner détaille certains standards SMPTE « permettant d’améliorer l’expérience » (HDR, HFR, palette de couleurs plus large) :
– SMPTE 2084 pour le HDR – le concept “Meilleur pixel”
– SMPTE 2086 pour les métadonnées permettant un taux de contraste plus élevé et une palette de couleurs plus large (Wide Color Gamut Images)
Câble, satellite… et OTT
Thomas Staneker, qui dirige le Technical Service Center deDeutsche Telekom, a présenté durant sa keynote les multiples changements auxquels Deutsche Telekom doit faire face. Le plan consiste à consolider les activités entre l’Allemagne et les 7 pays couverts par le câblo-opérateur Deutsche Telekom. Les mêmes plateformes fournissent les services OTT, Satellite et Câble. L’OTT est une réelle chance de jouer un rôle dans le business média, là où Deutsche Telekom offre seulement des services mobiles (pas de services TV par câble dans 4 pays).
Deutsche Telekom : du zoo à la ferme
L’IP s’est révélé être la clé pour consolider les activités de ces 7 pays. À terme, un datacenter centralisé fournira les services TV grâce au Cloud. « Aujourd’hui, nous vivons dans un zoo de plateformes et de Conditional Access Systems (CAS). La ferme est le modèle à suivre. Nous avons donc commencé à gérer le développement de nos produits (52 ingénieurs) dans les 9 pays, depuis notre siège à Budapest ».
Harmoniser l’ensemble, depuis l’interface utilisateur jusqu’à l’interface de la Set-Top Box était essentiel. Sur les 17 modèles de décodeurs existants, Deutsche Telekom a seulement publié un appel d’offre pour n’offrir que deux modèles de Set-Top Box (STB).
L’évolution vers un environnement Cloud débutera par les applications (ex : plateforme de recommandation, traitement central, puis des recommandations sur la base des Big Data). Deutsche Telekom a automatisé ses opérations MAM en vue de préparer la croissance du contenu.
Chaîne de valeur Vs Chaîne alimentaire
« Le marché évolue d’une chaine de valeur à une chaine alimentaire, où chaque acteur veut dévorer son voisin. Nous vivons dans un Egosystème, par opposition à un écosystème (très fermé), qui ne nous aide plus », affirme Thomas Staneker. « Les acteurs mondiaux sont très agressifs, et ne se soucient pas des standards. Ce qui ne change pas, en revanche, c’est le consommateur. Gardons notre sang-froid ! »
Une expérience de qualité sur Internet
La qualité de l’expérience est ce qui importe aux yeux du grand public. Offrir davantage de vidéos HD sur le net est l’un des enjeux pour Google (notamment pour développer des marchés comme l’Inde ou la Chine), et l’évolution vers de nouvelles générations de codecs est clé. Renganathan Ramamoorthy, Google, a montré des bénéfices évidents pour le nouveau codec vidéo VP9, en comparaison à MPEG H.264. VP9 représente la moitié de l’histoire, HEVC l’autre moitié. Un expert affirme en off que VP9 et HEVC offrent une qualité comparable ; je serais vraiment intéressé par des rapports de test ! A la conférence IBC de 2015, Mesclado et Image Matters présenteront le travail effectué sur des mesures de qualité objective autour de la 4K/UHD avec H.264, HEVC, JPEG-2000, ProRes, XAVC mais pas encore VP9 … la porte est ouverte !
YouTube évolue vers la 4K
Anil Kokaram, Google, explique que la moitié du catalogue YouTube est déjà transcodée en VP9. On note un intérêt grandissant pour la 4K (plus de 180k chaînes YouTube existantes en 4K), avec une quantité de contenu 4K augmentant de 14% (22% rien qu’en Europe). Un autre exemple de contenu immersif présent sur YouTube : les images à 360° et les vidéos multi angles.
L’attente n’est pas une option
Renganathan Ramamoorthy, Google, explique le travail mené autour de leur format de compression vidéo VP9 : depuis son lancement en 2013, VP9 a fait l’objet d’un réel effort R&D. Au début du VP9, un des programmes les plus vus sur YouTube était le « buffer spinner »… Google n’a pas perdu son sens de l’humour !
Google Movie Play
Nico Catania, français expatrié chez Google, a parlé du travail mené sur le service Google Movie Play. La complexité est omniprésente, explique Nico. Il y a des différences liées à chaque pays : rien qu’en Suisse, il y a 4 langues différentes. La clé est de passer de fichiers plats à un système basé sur des composants (cela ressemble à l’AS-02 voire à l’IMF !). Côté livraison, la prolifération des devices dans les foyers est la problématique principale. Parfois, c’est même le routeur Wifi de Monsieur Michu qui est la source du problème !
Selon Nico Catania, l’OTT est clé pour fournir de meilleurs services et une meilleure expérience utilisateur (ex : en offrant des informations complémentaires autour d’un film).
L’OTT sera-t-il la norme dans 5 ans ?
« Les membres de l’UER (Union Européenne des Radiotélédiffuseurs) offrent au total plus de 50 services OTT », explique Bram Tullemans, EBU. L’OTT représente un marché croissant pour les diffuseurs mais nécessite de l’interopérabilité et des standards. « L’OTT deviendra la norme pour certains types de contenu ou des contenus de niche » affirme Bram. En Europe, ce mécanisme de livraison numérique doit être compatible avec 1 500 devices cibles (Netflix en adresse 1 200).
Sauvons le broadcast
Nous avons ensuite assisté à la partie « Sauvons le broadcast » de la conférence. Le discours tenu était particulièrement pertinent pour des instances politiques en charge de la revente d’une partie du spectre utilisé aujourd’hui pour la TNT, nous n’étions pas le bon auditoire !Le “Broadcasting” (diffusion « one to many ») utilise des émetteurs terrestres ou des satellites et permet d’atteindre 96% de l’audience selon l’UER. Une étude d’IHS datant de 2012 démontre qu’au-delà de 9 000 spectateurs simultanés, le satellite est plus économique que l’IP (unicast). Cependant, la majeure partie du contenu 4K/UHD est aujourd’hui disponible via l’IP (ex : expériences menées en Pologne sur HbbTV, YouTube). Les réseaux mobiles 4G peuvent offrir de plus en plus le mode Broadcast (cf. tests à Roland Garros en 2013), mais quand pourront-nous les utiliser ?
De la TV au business
Pourquoi la VOD via internet se développe-t-elle ? « Grâce aux publicités qui apparaissent avant la vidéo, aux meilleures audiences et statistiques, aux transactions plus faciles, à l’interaction », explique Mika Kanerva, SofiaDigital (Finlande). HbbTV peut être une passerelle pour accomplir cela … et la logique business s’appuie sur le monde Internet (les pop-up pour plus d’infos et d’achats, achat, etc.). Tout cela pourrait être déployé en Broadcast. Les régulateurs contraignent fortement les éditeurs de chaîne TV, tandis que la diffusion internet est soumise à peu de règles.
Simplification de la convergence Internet / IT
HbbTV est un standard de TV connectée ouvert. Klaus Illgner, IRT & Président d’HbbTV, donne sa vision : « HbbTV fait le lien entre Internet et le Broadcast de manière transparente. Cela rend la convergence toute simple ! ». Le standard HbbTV 2.0 offre les briques essentielles : le support HTML5 et IP, l’interfaçage des applications second screen.
« 97% des smart TV vendues en Allemagne sont compatibles HbbTV », affirme Klaus.
Plus de fun!
Lars Friedrichs, qui travaillait pour Pro7Sat1 (Allemagne) jusqu’en 2014, explique que 14% des clips vidéo visionnés de Pro7Sat1 proviennent d’HbbTV. Depuis avril 2015, les services HbbTV de Pro7 offrent une centaine de jeux, pour 170 000 joueurs actifs par mois, avec plus de 2,2 millions de parties par mois et une durée moyenne de 26 minutes par session.
Qu’attendent les États-Unis pour adopter HbbTV ? Pourquoi le reste de l’Europe est si timide lorsque l’on parle de services HbbTV ?
Plus de musique avec moins de bits
La vidéo nécessitant davantage de bande passante, Bernhard Grill, Fraunhofer IIS, explique l’objectif du format de compression audio MPEG-H : couvrir de l’audio à la fois haut et bas de gamme, répondant à n’importe quelle configuration multicanal(du 5.1 au 22.2, le format poussé par la NHK). Standardisé en 2015, MPEG-H a été démontré en démo au NAB par Samsung TV et une STB Technicolor.
Qualité audio : une meilleure expérience
Matthieu Parmentier, France Télévisions, a détaillé 3 enjeux concernant l’expérience audio :
– avoir le bon niveau audio grâce à la normalisation du volume (Loudness)
– adapter le rendu audio à l’environnement grâce à une bonne interface utilisateur
– fournir de l’immersion grâce à un casque (seulement 14% des spectateurs utilisent un système home cinéma). Le moteur de rendu audio est intégré au décodeur MPEG-H, aux solutions DTS et Dolby ou à l’API Web Audio.
La fuite des cerveaux
Une agréable surprise avec Derek Buitenhuis, Vimeo : je m’attendais à un exercice de vente de la plateforme Vimeo et Derek a en fait parlé de l’open source. Derek est basé en Europe et est impliqué dans les communautés VLC et FFMPEG. Il a souligné que les immigrants européens constitue la plus importante base de savoir-faire open source et multimédia aux États-Unis !
Sur ce sujet, Anil Kokaram, de Google, explique la pertinence de l’événement Videolan (VLC) Dev Days (https://wiki.videolan.org/VDD14/).
Conclusion
Le Forum 2015 est l’une des rares occasions d’avoir une mise à jour réelle de la part de l’écosystème des technologies des médias. C’est une raison supplémentaire de supporter les actions des organisateurs, SMPTE, EBU, FKTG et Fraunhofer.
D’un point de vue technologique, Derek Buitenhuis conclut : l’open source est la direction à prendre, DASH est prometteur, HEVC doit être déployé de manière massive, les connexions internet des consommateurs doivent être plus rapides…et enfin, l’Europe doit retenir les sociétés innovantes !
D’un point de vue business, il n’existe pas de recette universelle permettant aux acteurs historiques de trouver leur nouveau « sweet spot » : CBS avec son service OTT basé sur un abonnement, le groupe public ZDF avec son offre numérique, Deutsche Telekom qui rationalise la livraison câble et satellite, et qui évolue vers l’OTT.
Améliorer la qualité de l’expérience utilisateur est un gros sujet : YouTube fournit de la HD pour certains et de l’UHD pour d’autres, Netflix pérennise sa propre production pour de « meilleurs pixels », d’autres offrent de l’audio immersif et de nouveaux services via des TV connectées HbbTV. Netflix considère IMF, le standard de la SMPTE, comme un élément clé d’un écosystème automatisé.
D’un point de vue financier, comme la livraison de vidéo internet continue de croître (ex : OTT), Pat Griffits, de Dolby se demande qui financera les modernisations des infrastructures internet. Au bout du compte, les fournisseurs de contenu et les utilisateurs finaux paieront tous les deux.
Le succès coûte cher sur internet…