Un marché prometteur porté par les annonces récentes notamment d’Apple d’enrichir sa plate-forme iTunes de contenus spatialisés en Dolby Atmos Music. Pour cette installation, l’équipe de Guillaume Tell s’est entourée des talents des équipes de CTM Solutions.
Un entretien avec Denis Caribaux, ingénieur du son et responsable du studio, Jean-Luc Denis, support et maintenance du site, Philippe Legourdiol, responsable service technique audio chez CTM, et Jean-Christophe Perney, directeur du business development chez CTM Solutions.
Peut-être pourrions-nous commencer par un rapide historique…
Denis Caribaux : Studio Guillaume Tell a été créé en 1982 par Roland Guillotel à la Plaine-Saint-Denis. En 1986, nous nous sommes installés dans l’ancien cinéma de Suresnes qui était disponible. Depuis lors, existe ici un studio d’enregistrement de musique.
100 % musique ?
D. C. : Oui, beaucoup de musique à l’image, de la bande originale de film, parce que le plateau en bas peut accueillir des orchestres symphoniques de par ses dimensions : plus de 300 m2 de surface, 3 200 m3 de volume, sur 13 m de plafond. Cet espace conséquent reçoit sans problème des formations allant jusqu’à soixante-dix ou quatre-vingts musiciens, voire au-delà. Pour la petite histoire, nous avons logé cent-dix musiciens et mis les choristes au balcon pour Michel Legrand !
Qu’est-ce qui explique la renommée du studio ?
D. C. : C’est un tout ! L’un des facteurs est le niveau de qualité et d’exigence insufflé par Roland Guillotel, ingénieur, donc du métier, dans un milieu à l’époque, je ne dirais pas rock’and roll, mais certainement peu unifié. Son professionnalisme a plu. La qualité du matériel, l’espace, l’acoustique de la pièce expliquent également cette renommée. Enfin, nous avons rapidement accueilli une grosse clientèle d’artistes qui marchaient très bien dans le disque. Et pour qu’un studio fonctionne bien, il faut qu’il fasse des tubes ! Du coup, les artistes étrangers sont venus. Dépêche Mode est arrivé en 1989, puis rapidement George Michael, Prince, Elton John, les Rolling Stones, plus récemment Radio Head, etc. Sans oublier Iron Maiden dont le prochain album (sortie prévue le 3 septembre) a été complètement conçu, enregistré, mixé ici.
En un peu moins de quarante ans, quelles grandes étapes technologiques avez-vous franchies ?
Jean-Luc Denis : En France, c’est surtout l’enregistreur multipiste Sony 3348 – quarante-huit pistes numériques – qui a remporté un gros succès, essentiellement parce que les orchestres avaient besoin de beaucoup de pistes avec, si j’ose dire, une qualité constante. On évitait d’avoir des vingt-quatre en synchro. La suite technologique s’est faite avec des SSL, des 4000, 9000, le nouveau de l’époque. Maintenant, c’est plutôt l’informatique qui prend le pas sur tout le reste. Au départ, nous avions des quarante-huit pistes qui étaient en enregistrement simultanément avec les Pro Tools parce que ces dernières n’étaient pas encore assez fiables pour des orchestres. Nous avons connu une période de transition pendant laquelle tournaient deux machines. Dès que les disques durs sont devenus plus véloces, le quarante-huit pistes a été beaucoup moins utilisé.
En matière de console restez-vous plutôt traditionnels ?
J.-L. D. : En musique, nous demeurons assez classiques au niveau des consoles. Il est vrai qu’il y a peu de surfaces de contrôle dans les studios. Cela, pour plusieurs raisons. Quand vous enregistrez un orchestre, il est plus intéressant d’avoir tout sur une même console, une visualisation immédiate de l’ensemble. La rapidité d’accès est possible en informatique mais, pour le moment, ces histoires de couches, de sous-couches, s’avèrent plus compliquées à gérer, pour que nous soyons aussi rapides.
D. C. : En cas de problème, on se pose moins de questions, sur l’analogique on visualise très vite d’où provient le souci. Sur des surfaces de contrôle, c’est beaucoup plus ardu, il faut gérer les casques et le reste. Aujourd’hui, nous n’avons pas encore la rapidité dont nous disposons sur une surface classique. Cela viendra, mais ce n’est pas encore optimum. On résiste !
Comment se répartissent vos activités sur vos deux auditoriums ?
D. C. : Étant donné sa taille, le studio A est davantage axé sur la prise de son, même si on y fait aussi beaucoup de mixages. Le studio B est historiquement un studio de mixage de musique de film équipé en 5.1. Énormément de musiques de films ont été mixées ici.
J.-L. D. : À l’époque en 5.1, les monitorings n’existaient pas, il a fallu les construire parce que les consoles ne supportaient pas le 5.1. Nous avons fait du sur mesure puisque le studio a toujours été équipé en dolby stéréo, puis en 5.1 et dorénavant en Atmos. L’évolution technologique, le multicanal ont été insufflés essentiellement par la musique de film, puis adaptés pour la musique, les DVD, etc.
Votre évolution vers l’Atmos relève-t-elle d’une forte volonté d’innover ?
D. C. : Nous avons surtout cherché à répondre à la demande de plus en plus pressante de notre clientèle cinéma en termes de musique de film. Même en France, il commençait à y avoir des demandes de compositeurs et de productions de pouvoir fournir des musiques mixées en Atmos. Côté musique, il s’agit davantage d’un pari sur l’avenir parce que nous croyons en cette technologie, au projet, qui selon nous correspond à une vraie évolution dans l’expérience musicale à apporter au consommateur. Nous avons voulu suivre cette évolution, prendre ce pari. Et l’annonce d’Apple qui propose le Dolby Atmos Music sur iTunes a eu un gros retentissement dans le microcosme et nous fait penser que notre pari va dans le bon sens. D’autant que nous avons actuellement de la demande dans ce secteur.
Tous les genres musicaux s’y intéressent-ils ou seulement quelques-uns ?
D. C. : Tous, surtout aux États-Unis. Sur les plates-formes, on y reproduit beaucoup en Atmos des musiques des années 70-80. Le format s’adresse surtout aux plates-formes, donc aux personnes qui « streament », donc aux générations plus jeunes qui écoutent davantage de l’urbain. Les maisons de disques ont vite compris qu’il fallait fournir plus de musique urbaine et de productions actuelles pour être sûres de toucher la clientèle qui va sur ces plates-formes. Malgré tout, sur des productions plus classiques, tel l’album d’Eddy Mitchell dont le prochain sera mixé ici en stéréo, la demande en Atmos existe. Les maisons de disques prennent peu à peu conscience du système et le proposent à leurs artistes majeurs. L’Atmos s’adapte en vérité à tous les styles de musique, aussi bien à de l’urbain qu’à de l’orchestral, non appliqué de la même manière, mais cela fonctionne dans les deux cas.
Vos ingénieurs du son sont-ils « maison » ? Comment travaillez-vous ?
D. C. : Nous deux sommes « maison », mais la cabine demeure accessible aux ingénieurs externes, aux free-lance. La technologie est nouvelle, tous ne sont donc pas encore formés à l’Atmos d’où la volonté de Dolby de former le maximum d’ingénieurs et de les sensibiliser. L’Atmos s’avère en pratique intuitif, plutôt facile à prendre en main. Après, tout est une question de créativité, d’envie ! En elle-même, la prise en main ne pose pas de problème à un ingénieur free-lance ayant l’habitude de travailler sur des stations comme Pro Tools ou autres. En partenariat avec Dolby, nous formons ces ingénieurs à l’outil, leur proposons des journées de démonstration. Ils peuvent travailler en binaural l’Atmos sur leur plate-forme, chez eux ou dans leur cabine non équipée en Atmos. En binaural, ils peuvent déjà placer leurs éléments, voir comment le tout réagit, même si le binaural n’a rien à voir avec ce dont nous disposons. Par la suite, ils peaufinent ici en quelques heures leurs mixages qu’ils auront préproduit dans des cabines plus petites. Dolby nous envoie un nombre conséquent d’ingénieurs free-lance pour qu’ils écoutent comment leur mixage réagit dans une vraie cabine alignée en Atmos.
En dehors du mixage-apprentissage, d’autres facteurs sont-ils à prendre en compte à la prise de son ?
D. C. : Quand on a la chance de disposer d’un studio de grand volume comme le A, avec une acoustique remarquable, placer des micros qui vont reproduire les sons du dessus qu’on a en Atmos, procure une profondeur, quelque chose de très réaliste. Effectivement, il est important d’y penser lors de la prise de son, même en orchestre cela se fait de plus en plus. Cela a du sens.
En termes d’équipement, le passage en Atmos a nécessité quels changements ou évolutions ?
D.C. : Nous sommes passés d’un système 5.1, donc gauche-centre-droite surround sub, à un système 9.4.1 En plus du gauche-centre-droite, on a des wide, des side, les deux « arrières », plus quatre enceintes au plafond, deux sub. D’où un peu de travail d’installation !
Philippe Le Gourdiol : L’idée était aussi d’arriver à intégrer la Sony Oxford qui n’est pas exactement de la même génération que les nouvelles interfaces, notamment la MTRX de chez Avid et le Pro Tools. En outre, il fallait pouvoir gérer le monitoring aussi bien en mode stéréo, comme il l’était ou 5.1 avant avec la console, et basculer facilement en mode Atmos. C’est l’implémentation de tout le système qui était intéressante. Elle permet en fait de passer aisément soit en mode Atmos, soit en mode monitoring conventionnel. Essentiellement, grâce au MTRX que je trouve assez fantastique dans la mesure où il est doté d’une grille 1 024 entrées-sorties, avec la possibilité d’ajouter des cartes et de s’adapter aux différents environnements.
L’environnement, ici, par la constitution de la console, est essentiellement du Madi. Nous avons donc réalisé des tests d’interconnexions entre la console et le MTRX d’un point de vue Madi. Nous les avions déjà réalisés en amont parce que nous n’étions pas sur les mêmes générations de Madi. Il fallait vérifier que tout ça s’entendait bien et ce fut le cas.
Avec Jean-Luc, nous avons ensuite réfléchi à la manière de faire une transition la plus simple possible pour que les ingénieurs du son, notamment Denis et même Roland qui ponctuellement fait des mix, retrouvent un peu leur ergonomie. Par exemple, nous avons conservé tout ce qui est monitoring casque en provenance de la console Sony Oxford. Tout le monitoring sort du MTRX. Toute la partie monitoring de la console a été « bypassée », même quand on travaille en stéréo. Tout passe par le MTRX. Ensuite, c’est contrôlé via le MOM de chez DAD.
Pour tout ce qui est monitoring, on repart en version analogique sur des enceintes amplifiées. Là, pour le coup, on ressort en Dante et on va sur le convertisseur 32 in/out Aurora de chez Lynx, lequel gère le monitoring sur la section analogique et permet, c’est important, de gérer des périphériques analogiques traditionnels, de les insérer. Du coup, on arrive vraiment à intégrer un environnement traditionnel comme les musiciens et ingénieurs du son en ont l’habitude, c’est-à-dire à patcher les différents périphériques et à les intégrer dans la chaîne du système Avid Pro Tools. Nous avons réussi à obtenir cette souplesse.
J.-L. D. : Il s’agit là d’une révolution ! Avant, tout était connecté à la console, tout arrivait sur la console, y compris le Pro Tools. Aujourd’hui, la console est devenue un insert du MTRX, on insère la console dans le MTRX. Cela devient comme un effet qu’on peut « bypasser ». Il s’agit là d’un vrai changement qui fonctionne parfaitement, ce qui n’était pas acquis au départ…
P. L. G. : L’autre intérêt de cette architecture est d’être quasiment du plug-and-play. Si un jour une nouvelle génération de surfaces de contrôle est amenée à remplacer la console Sony Oxford ou à la compléter, l’opération se fera très vite puisqu’il suffira d’une liaison Ethernet. Si on veut plus d’inserts, on pourra toujours évoluer, mais la connexion en Dante offre une grande souplesse pour ajouter des interfaces. C’est le Dante, l’association de Dante et du MTRX, les deux alliés, qui permet aujourd’hui ce genre de choses, ce qui est relativement récent.
En dehors des effets analogiques, des plug-ins sont-ils utilisés ?
D. C. : Oui, bien sûr. Nombreux sont ceux à venir travailler ici avec leur session de Pro Tools, les free-lances ont déjà leurs plug-ins. Beaucoup de jeunes générations n’ont pas du tout la culture de travailler avec la console ou les autres ports et périphériques existants, même si, quand ils les découvrent « en vrai », ils ont parfois envie de les essayer ! Toutefois, la plupart des jeunes faisant tout dans le Pro Tools, il convient de leur permettre de rester dans leur univers. Au besoin, nous bardons donc de plug-ins les machines. Personnellement, je ne m’en sers pas, c’est vraiment une question de souplesse. L’intégration est une super réussite puisqu’on peut rester complètement dans la boîte avec des plug-ins, travailler à l’ancienne avec la console et les périphériques. Toutes les situations sont modulables et fonctionnent, pas besoin de changer un set up, de tout débrancher, de remettre des choses en place, de recâbler, bref tout est fluide ! On « load » et on travaille comme on a envie.
Au point de vue acoustique et monitoring, comment avez-vous travaillé la conception ?
D.C. : L’adaptation de tout ce qui touche à l’Atmos a été effectuée par Fred Echelard. Lequel est passé par le DARDT, le fameux Dolby Audio Room Design Tool qui prend en considération la taille exacte de la pièce, le placement des enceintes, leur puissance, etc. Cela, pour être sûr que, au niveau technique, chaque concert puisse diffuser suffisamment de puissance, le bon rendement, afin que, au point de mixage, on ait réellement ce qu’il faut pour délivrer un mix Atmos cohérent. Fred Echelard s’est donc chargé de la partie installation et acoustique, mesure, etc. et Dominique Schmit (de chez Dolby) de toute la partie alignements. Une étape de validation pour être sûr que, si on place l’enceinte comme ça, elle rend très bien dans le DARDT. Tout ce qui est intégration des enceintes a exigé un gros travail parce que, initialement, il n’y avait ni les wide surround, ni les side, et les arrières n’étaient pas là, ils étaient plus sur le côté. Il a fallu tout transformer.
Était-ce déjà du Genelec sur l’existant ?
J.-L. D. : Sur l’arrière, tout à fait, nous sommes restés sur le Genelec. En façade, c’est du Kinoshita originalement « designé » par Tom Hidley. C’est une cabine Tom Hidley, autrement dit le volume de la cabine est en fait doublé. Ce n’est pas le 16, on n’arrive pas sur le mur, nous avons vraiment un volume doublé. Au prix du mètre carré actuel, ce sont des choses qu’on voit de moins en moins. La réponse d’un promoteur à qui on annoncerait aujourd’hui qu’on va prendre « la moitié simplement de surface qu’on utilisera », serait : « Non, pas possible ! ».
Combien de temps a demandé l’installation d’Atmos ?
J.-L. D. : L’installation physique a pris quelque deux à trois semaines : pose et intégration des enceintes, des coupes pour la partie acoustique, etc. Et vous, c’était une bonne semaine, mais je crois que vous aviez travaillé en amont pour intégrer, faire les set up, etc. ?
P. L. G. : Une grosse partie du set up a tout de même été conçue sur place, mais les machines avaient été préparées en atelier chez CTM Solutions. Tout le travail de grille a pris deux jours. Comme c’est quelque chose de nouveau, forcément des mises au point à faire furent nécessaires.
D. C. : La livraison de chantier eu lieu un vendredi, le lundi suivant j’attaquais des mix en Atmos sans problème aucun, tout était intégré avec la console. Nous avons même dû faire des prises de voix et des raccords qui n’étaient pas prévus sur l’album, repasser dans une situation plus standard console-micro, etc. et tout a immédiatement fonctionné. À ma grande surprise d’ailleurs ! Je pensais essuyer les plâtres, mais tout a été extrêmement fluide. C’est rare ! Merci aux équipes de CTM Solutions, des vrais professionnels du secteur et un partenaire digne de confiance que je recommande.
Depuis combien de temps collaborez-vous avec CTM ?
J.-L. D. : Nous nous connaissons très bien avec Philippe. Je sais qu’il est très compétent et connaît bien toutes ces nouvelles technologies. Et puis CTM est une boîte sérieuse !
P. L. G. : Il me tenait vraiment à cœur de travailler sur ce projet dans le sens où justement mes premiers stages, je les ai effectués à la Plaine-Saint-Denis. La boucle est bouclée !
Comment faut-il appréhender une séance lorsqu’on mixe en Atmos ? Est-ce du temps en plus ?
D. C. : Ma première semaine de mixages en Atmos m’a extrêmement fatigué. Mais je crois que c’est normal, déjà parce que l’outil est nouveau et que du son arrive de tous les côtés. Cela fatigue peut-être plus, on a moins l’habitude que d’être focalisé sur le classique. Enfin, c’est sûr, j’étais épuisé ! Après, très vite, j’ai pris le coup de main. C’est juste un environnement, une profondeur, un relief différents, de nouveaux espaces à gérer. In fine, plutôt excitant et amusant ! Des jouets en plus !
Quels sont vos projets pour la rentrée ?
D. C. : Nous avons en vue plusieurs musiques urbaines et de variétés avec Warner qui doit délivrer beaucoup de ses contenus et de ses productions actuelles en Atmos et qui a aussi un gros catalogue à produire. Et puis, nous avons aussi des signatures, notamment le Eddy Mitchell que nous venons de finir comme déjà dit. Nous allons très vite le mixer en Atmos. Nous nous disons en outre que cette cabine peut aussi s’adapter à de la postproduction. D’où cette solution de tout travailler dans la boîte, dans le Pro Tools, comme en ont l’habitude les professionnels de la postprod. Nous disposons d’une projection vidéo sur grand écran. Le studio est extrêmement adapté à mixer en Atmos des séries, des musiques de film, des programmes pour la télévision.
J.-L. D. : Pour la partie vidéo, on peut aussi bien l’envoyer sur le vidéoprojecteur que sur les écrans. En fait, dans la cabine, il y a la possibilité d’avoir l’image. Il y a une cabine juste derrière, donc on a un retour vidéo également. Nous sommes typiquement sur ce qu’on intègre en postprod en broadcast, avec cartes vidéo, des interfaces 4K Blackmagic. On peut supporter tous les formats.
Y-a-t-il un surcoût dans le mixage, le valorisez-vous ?
D. C. : Encore une fois, nous en sommes au tout début. C’est pourquoi nous essayons de maintenir des prix qui n’effraient pas trop les maisons de disques. Forcément, c’est une cabine, donc il y a un coût et un ingénieur à payer. Nous tentons pour le moment de ne pas dépasser un surcoût Atmos fixé entre 600 et 1 000 euros par titre. Mais tout est variable, si les albums viennent d’être produits et qu’on nous fournit des éléments extrêmement bien préparés, c’est-à-dire si on met à plat toutes les pistes qu’on nous donne et qu’elles sont traitées, qu’on retrouve le mix stéréo, l’Atmos est assez rapide. Si on en fait ainsi quatre ou cinq dans la journée, le coût du titre diminue drastiquement. Mais si on veut faire un mix Atmos beaucoup plus créatif avec les artistes en mode production, comme quand on produit un disque ou un mix stéréo, et passer toute une journée sur un titre, le coût augmente indubitablement. Il n’y a pas vraiment de modèle mis en place, tout dépend de la volonté des maisons de disques, lesquelles n’ont pas encore vraiment un retour sur investissement évident. Raison pour laquelle il convient de ne pas grever leurs budgets.
En termes de mixage, travailler avec l’Atmos prend-il un peu plus de temps ?
D. C. : Cela dépend. C’est tellement créatif, si « open » ! Quand on écoute les titres déjà sortis, on voit bien qu’il y a des mix Atmos qui vont respecter énormément la stéréo, juste élargir un petit peu plus. D’autres seront beaucoup plus créatifs, feront des mouvements, le mix créé sera complètement différent. Il n’y a pas de règle. C’est vraiment lié au type de réalisation, pas du tout au style, mais vraiment à la volonté. À l’écoute de différents titres que Dolby nous a apportés, on s’est rendu compte que sur certaines anciennes productions c’était pertinent, avec des voix à l’arrière qui se baladaient, sur d’autres un peu moins perceptible.
C’est pourquoi, lorsqu’on produit des mix en Atmos, il est important qu’une partie de l’équipe de production artistique, s’il s’agit de productions actuelles, soit présente. Si c’est du « back catalogue », il est primordial d’au moins récolter l’avis de la maison de disques ou des ayants droits. L’Atmos est tellement créatif, on peut aller dans des univers si différents, qu’une validation est souhaitable.
Une conclusion ?
Jean-Christophe Perney : Plutôt une remarque. Le marché de la création a besoin d’outils. Pour que ces outils perdurent et soient force de proposition, ils nécessitent des modèles économiques. Les studios de musique de référence ont maintenant besoin de modèles qui leur permettent de renouveler leurs équipements, d’innover et de faire vivre leurs créatifs et la communauté qui gravite autour. Les changements technologiques sont une chance qu’il ne faut pas gâcher. Généralement, quand les technologies ne bougent pas, apparaît un phénomène d’absorption lié à la concurrence et à l’usage qui fait que, à plus ou moins long terme, le prix de vente ne permet pas de payer le retour sur investissement. Souvent un changement, en tout cas pour quelques années, permet à différentes sociétés d’en vivre et de retrouver des niveaux de prestations permettant à l’écosystème d’exister.
Sinon, on a pu voir qu’à un moment ou un autre, c’est même au détriment des producteurs et de la qualité et de la création de leurs programmes. Il ne s’agit pas que d’outils, mais aussi de l’expérience des hommes qui œuvreront derrière les surfaces. S’il n’y a pas assez de studios, il n’y aura plus assez d’ingénieurs du son d’expérience. C’est une chance pour le marché de pouvoir redonner de la valeur. C’est valable pour tous les secteurs de la musique et du marché postproduction en général qui est dans la même situation. L’arrivée sur le marché des plates-formes et de nouveaux modes de productions et de consommation représente aussi une véritable opportunité…
Chez CTM nous innovons en permanence, c’est dans notre ADN, nous sommes ravis d’avoir pu accompagner le mythique studio Guillaume Tell dans son évolution, une véritable collaboration qui ne serait pas possible sans de bons produits. Encore merci à Dolby Avid et Genelec d’avoir répondu présents pour relever ces nouveaux challenges.
CTM Solutions est le bon partenaire pour ce type d’intégration car nous avons énormément d’expériences et de polyvalence pour répondre aux différentes demandes du marché sur la postproduction en termes d’équipements techniques associant l’audio, la vidéo et l’informatique où nous avons toutes les compétences réunies. Un grand merci aux équipes de CTM pour leurs engagements sur ce beau projet en particulier à Philippe Legourdiol, Arthur Loichot et Pierre Leberrigaud, ingénieur commercial et chef de projet.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #43, p. 96-100.