Antoine de Clermont Tonnerre
Peut-on revenir sur votre carrière, justement exceptionnelle ?
J’ai, d’abord, été chargé de diriger l’éclatement de l’ancienne ORTF, qui était la grande organisation de la télévision publique en 1974. J’étais alors, Directeur d’un Cabinet, celui d’un Secrétaire d’Etat chargé de cette mission et dirigé par André Rossi. Ensuite, je suis devenu très proche de Monsieur Raymond Barre, qui était Premier ministre. J’ai été son Conseiller quand il était à Matignon.
En 1979, étant devenu un spécialiste de la communication, j’ai été nommé Président de Société Française de Production (SFP). C’est un peu à ce moment, que ma vie a changé et, j’ai alors approché le métier que j’exerce aujourd’hui…Je peux dire que le film Le Retour de Martin Guerre de Daniel Vigne s’est fait un peu grâce à moi. Je pense sincèrement que le film ne se serait pas fait si la SFP n’avait pas décidé de le mettre en chantier à l’époque. Il en est de même pour le film de Robert Hossein, Les Misérables. Je peux dire que ces deux expériences cinématographiques ont été à l’origine de ma vie de producteur.
C’est en 1981, que j’ai quitté la SFP pour entrer dans le secteur privé et devenir Président d’un groupe : Les Editions Mondiales, deuxième groupe de presse française après Hachette. En 1986, ce groupe a racheté une société de cinéma : Les Films Ariane et, j’ai alors décidé de quitter la presse et l’imprimerie. Je ne me réveillais pas la nuit sur la presse, mais sur l’audiovisuel. Il faut toujours faire les choses qui vous réveillent la nuit… Avec l’accord de mon actionnaire, j’ai passé la présidence de ce groupe à mon adjoint de l’époque afin de me concentrer sur l’audiovisuel dont la dimension était internationale.
Aux Films Ariane, j’ai eu la chance de rencontrer un homme extraordinaire qui était Alexandre Mnouchkine, qui m’a enseigné la production de terrain. Il a été mon maître dans ce domaine et nous avons produit des films importants comme Cinéma Paradiso, réalisé par Giuseppe Tornatore, et avec Philippe Noiret et Jaques Perrin, Vanille Fraise de Gérard Oury, à titre d’exemples. Finalement, en 1992, nous avons décidé avec ma femme de créer une société de production, MACT ce qui signifie Martine et Antoine de Clermont-Tonnerre. Et depuis 1992, nous sommes ici dans ce bureau et heureux de faire nos films.
Comment définissez-vous MACT productions ?
Une des particularités de notre société est que nous sommes très international. MACT a aujourd’hui une réputation établie à l’étranger. Il est plus difficile d’être indépendant que de se trouver à la tête d’un groupe, mais cela correspond à un choix qui nous paraît plus agréable, très simplement. MACT travaille en production propre ou en coproduction avec l’étranger. Nous avons collaboré avec de grands auteurs français et étrangers. Et nous avons maintenant un bon réseau de partenaires en Europe, particulièrement avec l’Allemagne, le Portugal, la Belgique, l’Italie et Israël.
Vous arrive-t-il de travailler avec des réalisateurs, sur plusieurs projets dans le temps ?
Oui, par exemple, Eugène Green. Mon épouse suit son travail. Nous avons une relation de constance avec certains réalisateurs. Quand cela s’est bien passé, nous sommes heureux de retravailler ensemble et de nous revoir.
Quels types de formats développez-vous au sein de MACT ?
Uniquement des longs métrages de cinéma. Il nous est arrivé des faire des courts métrages mais avec l’idée que ce premier format aiderait le réalisateur à passer au long métrage. Par exemple, ma fille a fait un court métrage et à notre grande joie, il a été sélectionné au Festival de Clermont-Ferrand et à celui de Tribeca. C’est son premier film en tant que réalisatrice et, cette distinction est un vrai bonheur. De façon générale, il plus facile d’exporter un long métrage cinématographique qu’une fiction de télévision.
Comment fonctionnez-vous par rapport aux scénarios que vous choisissez ?
En majorité, les metteurs en scène ou nos partenaires étrangers viennent nous voir. Il nous arrive parfois d’initier et de lancer des projets dont nous avons l’idée. Je crois qu’il faut toujours partir avec un metteur en scène. C’est très dangereux, surtout en France, d’acheter les droits d’un livre sans avoir le metteur en scène qui a envie de s’investir dans la réalisation…Vous pouvez rester deux ans, sans suite. Les metteurs en scène en France sont souvent aussi des auteurs. Et le marché français est différent de celui aux Etats-Unis; il est nettement plus facile de trouver un metteur en scène aux Etats- Unis, qui a envie de travailler sur le scénario d’un autre…
Au niveau de la production déléguée et exécutive, faites-vous appels aux mécanismes de soutiens français ?
Absolument et le système français est très bien organisé, c’est une chance. Pour notre développement, nous n’avons jamais utilisé le système de MEDIA de l’Union européenne mais surtout l’aide du CNC et de la Procirep.
Quel est le meilleur moment pour vous dans les étapes de la vie d’un film, vos joies de producteur en fait ?
Bien entendu, quand un film obtient une récompense, ce moment-là est exceptionnel, comme l’Ours d’Or avec Central do Brasil de Walter Salles ou l’Oscar pour Cinéma Paradiso. J’avoue que mon premier critère est très égoïste, il faut que le film me plaise à moi. J’aime beaucoup lorsque partis d’un rêve commun avec l’auteur-réalisateur, le résultat final correspond à ce dont nous avons rêvé. Faire le constat que nous ne nous sommes pas trompés en cours de route, est une vraie satisfaction. Après, l’adhésion du public est une satisfaction réelle de plus. Le premier film que nous avons produit chez MACT Chacun pour toi de Jean-Michel Ribes, n’a pas marché en salles mais a eu une carrière ensuite…Les critères de succès en salles ne sont pas les seuls, il y a différentes opportunités de vie pour un film.
A suivre…