En tant que co-fondateur, Jon Tatooles est passé par de nombreux postes, dont celui de directeur général, puis aujourd’hui directeur du développement. Il répond à nos questions sur le nouveau Scorpio, mais aussi sur la stratégie globale de Sound-Devices matérialisée récemment par l’ouverture vers de nouveaux marchés avec la gamme des MixPre (3, 6 et 10), mais aussi l’acquisition d’Audio-Limited, le spécialiste anglais de la HF…
Mediakwest : Concrètement, en quoi consiste votre rôle actuel ?
Jon Tatooles : Aujourd’hui, je passe le plus clair de mon temps sur la stratégie globale en observant de nouveaux marchés et en réfléchissant sur de nouvelles catégories de produits. Notre acquisition d’Audio Limited, par exemple, est le résultat de ce travail. En parallèle, je reste en contact avec nos clients, sur le terrain. Je leur montre comment fonctionnent nos produits, mais j’apprends également beaucoup à leur contact. La relation directe avec les utilisateurs finaux est capitale pour nous.
M. : À propos de Scorpio, il s’agit visiblement d’un produit haut de gamme, qui devrait séduire le marché du cinéma, mais pas uniquement…
J. T. : Scorpio a certainement la capacité, en termes d’entrées/sorties et de qualité de son, pour exceller sur le marché de l’enregistrement musique, ainsi que la souplesse d’une console numérique moderne. Son encombrement et son poids réduits en font également un équipement intéressant pour certaines applications broadcast. Il est doté en plus d’une section enregistrement multipiste complète incluant le time-code. On le verra sans aucun doute sur le tournage de séries ou de reality shows.
M. : À propos de la section préampli, est-elle héritée de la Série 6 ou des MixPre ou est-ce un design entièrement original ?
J. T. : Les préamplificateurs du Scorpio ont fait l’objet d’un développement spécifique. Nous avons conçu un préampli doté d’une grande réserve de gain qui sublime vraiment les micros qui y sont connectés. Le préampli n’est plus une limitation. Après l’étage analogique, il y a l’étage numérique qui utilise des composants de dernières générations de façon à optimiser la performance et la plage de dynamique. Mais, faire cohabiter des signaux bas niveau à proximité d’autant de puissance de processing numérique n’est pas une mince affaire et le design de la carte mère a été une phase critique de la conception. Nous sommes d’ailleurs très impatients d’entendre ce que nos clients vont dire de ces nouveaux préamplis…
M. : Est-ce que le Scorpio est un « Cantar killer » ?
J. T. : Nous ne pensons pas en ces termes. Nous croyons simplement que nous offrons un produit très compétitif avec beaucoup de potentiel…
M. : À propos d’Aaton et du Cantar, nous avons appris la disparition de Jean-Pierre Beauviala. Avez-vous eu l’occasion de le croiser ?
J. T. : J’ai rencontré Jean-Pierre pour la première fois en 2005 aux studios Sony en Californie. Il présentait à l’époque le X1 et moi le 744T. C’était un gentleman et un visionnaire. Sa disparition est une perte pour l’ensemble du monde de la production.
M. : Est-ce que vous pensez que le futur de l’enregistreur repose forcément sur plus d’intégration des systèmes sans fils ?
J. T. : Dès qu’il y a un bénéfice utilisateur, il n’y a pas à hésiter. L’intégration du sans fil dans un mixeur n’est d’ailleurs pas une idée nouvelle. Je me souviens que Sennheiser l’avait déjà proposée dès le début des années 90, mais c’était un produit trop en avance sur son temps et les avantages n’étaient pas évidents à l’époque. Au fur et à mesure des évolutions technologiques, je pense que nous allons voir de plus en plus de fonctionnalités intégrées dans les outils de production. Rappelez-vous qu’il n’y a pas si longtemps, enregistreurs et mixeurs portables étaient des produits séparés et l’ingénieur du son devait porter les deux.
M. : J’ai noté sur le Scorpio la présence d’un port Com Return et d’un port casque en TA5…
J. T. : Scorpio intègre effectivement des possibilités de gestion d’intercom sophistiquées. Les circuits PL, ou « Private Line », sont importants sur de nombreux projets. Le port casque en TA5 permet très simplement de connecter un micro/casque directement au mixeur. On peut ensuite assigner le micro du combiné aussi bien vers les sorties que vers les bus…
M. : La résolution numérique est en augmentation sur tous les enregistreurs récents (MixPre, Zoom F6 et maintenant jusqu’à 64 bits pour le Scorpio !) Est-ce que cela signifie que l’ingénieur du son de terrain n’a plus à se soucier du réglage de gain d’entrée ?
J. T. : Je ne peux parler des performances des produits d’autres constructeurs, mais en tout cas, le design des préamplis et des convertisseurs utilisés dans les MixPre et le Scorpio signifie effectivement que sur ces machines, essayer de se rapprocher du 0dbFS n’est plus incontournable. La plage dynamique est maintenue, même si le signal est enregistré à un niveau beaucoup plus bas. Dans la plupart des cas, un enregistrement produit à un niveau de -30 ou -40 dB, voire en-dessous, donnera des résultats sans compromis. Comme mentionné plus tôt, la qualité des circuits analogiques présents dans le préampli est cruciale pour atteindre ce niveau de performance.
M. : Que pensez-vous d’un standard qui permettrait de transmettre en postproduction l’automation des faders de volume effectuée sur le terrain ?
J. T. : Sound Devices est en discussion avec les développeurs de stations audio depuis plusieurs années afin d’obtenir que leurs systèmes prennent en compte les informations de faders générées par les outils de production audio. Mais du côté des enregistreurs, on n’en est encore qu’aux balbutiements. Dès qu’il y aura un accord autour d’un standard, nous étudierons sûrement son implémentation dans nos produits.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #32, p.34/35. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.