« Nous avons, en ce moment, beaucoup d’échéances pour essayer de pérenniser la diversité culturelle, dans les mois mais aussi les années qui viennent. Dans cette perspective et dans le cadre des Rencontres de Dijon, nous sommes très heureux d’avoir signé l’accord Canal+ avec l’ensemble de la filière, en présence du ministre de la Culture, Franck Riester… Il s’agit d’un sujet sur lequel nous étions évidemment très mobilisés puisqu’il s’agit ici de l’engagement de Canal+ pour les quatre prochaines années, un engagement significatif qui avoisine 150 millions d’euros par an…», détaille Mathieu Debusschère.
On connaît l’importance de Canal+ dans le financement de la diversité du cinéma français et européen. Nous avons énormément travaillé avec l’ensemble des parties prenantes, dans un climat très responsable pour parvenir à cet accord. C’est notamment grâce à la mobilisation, à la connaissance du sujet de Franck Riester que cette signature a eu lieu à Dijon et et nous en sommes très heureux. Cela nous a pris beaucoup de temps lors de la préparation de ces Rencontres et a conditionné beaucoup de nos débats…», souligne le délégué génral.
“Il y avait aussi, ce qui était tout l’enjeu du débat du jeudi matin, la problématique de la relation avec les plates-formes…
Nous nous sommes souvent posé la question de savoir : Est-on contre, est-on pour Netflix ? Nous l’avions déjà dit l’an dernier, nous n’avons pas à être contre ou pour Netflix, nous avons des cinéastes qui travaillent avec Netflix, qui considèrent que Netflix est une formidable opportunité créative pour eux. La seule question à se poser est : Quel prix est-on prêt à payer pour travailler avec ces nouveaux acteurs ? L’ensemble des membres de notre conseil d’administration essaie de sensibiliser les producteurs et les créateurs indépendants aux conséquences que peuvent avoir un certain nombre de contreparties contractuelles qui sont attendues, exigées, pour le dire plus clairement, par Netflix, Amazon… ».
De ce point de vue, Mathieu Debusschère distingue deux problématiques en interaction : le droit moral et la transparence.
« La première problématique est que nous défendons le droit d’auteur à l’échelle européenne. Nous défendons le principe de rémunération proportionnelle pour les auteurs dans le cadre de la révision de la directive du droit d’auteur. Bien évidemment, nous sommes pleinement mobilisés avec tous les cinéastes européens en ce sens. »
« On constate pourtant, à l’intérieur de nos propres frontières hexagonales, dans le pays du droit d’auteur, le pays de Voltaire et de Beaumarchais, dans lequel existe la SACD qui est l’une des plus puissantes sociétés d’auteurs en Europe, que le droit d’auteur n’est pas toujours respecté. En particulier le droit moral, cette capacité que l’auteur a de pouvoir décider d’un commun accord avec le producteur de ce qui il y aura ou il n’y aura pas dans le film. Cette capacité qu’a l’auteur de pouvoir bloquer une œuvre s’il considère qu’elle va à l’encontre de son droit moral, c’est-à-dire de ce qu’il a désiré faire de son film. Pour nous, ce droit moral est vraiment une condition de la diversité culturelle.»
« Si l’on commence à travailler avec des plates-formes américaines qui sont assez peu habituées à se conformer à des spécificités locales, il nous faut être exigeants sur un certain nombre de points, en particulier le principe du droit moral. Nous constatons aujourd’hui que beaucoup de contrats qui sont actuellement signés par des créateurs indépendants nient ce droit moral. Nous pensons juste qu’il doit y avoir une responsabilisation de la filière pour que de tels contrats ne puissent plus être signés. La garantie de pouvoir obtenir un droit moral passe par une union, à l’instar de ce qu’ont fait les Danois il y a quelques jours, les scénaristes danois en particulier. Il faut impérativement conditionner l’accès à notre bassin de talents et spectateurs au respect d’un certain nombre de valeurs fondamentales, dont le droit moral fait partie en premier lieu. »
… « Puis le deuxième point au cœur de cette relation contractuelle avec les plates-formes est aussi lié au droit moral : c’est la problématique de transparence. Il n’y a aucune ou très peu de transparence sur les données qui remontent de l’exploitation des œuvres de nos cinéastes européens. C’est problématique parce que, quand on parle et qu’on défend la rémunération proportionnelle, on s’interroge alors sur une proportionalité par rapport à quoi ? … il faut bien avoir des données pour « proportionnaliser » la rémunération. Il est donc impératif pour nous de défendre le droit moral et la transparence à l’échelle européenne et à l’intérieur même de nos frontières. »
Mathieu Debusschère revient ensuite sur la loi audiovisuelle qui va être menée par le gouvernement, une « formidable opportunité » qui pose aussi bien des questions. Le délégué général de L’ARP, à l’écoute de tous les arguments, affirme néanmoins avec fermeté le positionnement de la Société civile des Auteurs Réalisateurs Producteurs… Puis il conclut sur la célébration des 30 ans de L’ARP, « une organisation qui pense l’avenir » !
Découvrez le détail de ses propos en regardant l’interview vidéo…