L’iPad sur un plateau

La tablette d'Apple a révolutionné bien des applications. Au-delà de son aspect ludique, elle rend un nombre incalculable de services aux professionnels. Et notamment quand il s'agit de tourner. L'imagination des développeurs n'a que peu de limites pour tirer parti de sa qualité d'affichage et de son processeur. Petite revue des meilleures applis.
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Depuis déjà des années, les régisseurs lumière se promènent avec leurs ordinateurs portables pour configurer leurs sets point par point en utilisant Wifi et DMX. Désormais, ils se baladent avec une tablette, tout comme bon nombre de VJ et autres DJ. Pourquoi cet engouement ? Parce que l’iPad ainsi que ses concurrents accèdent aux réseaux sans fil pour contrôler et communiquer avec des périphériques, ont des écrans tactiles qui permettent un pilotage au doigt, et sont suffisamment puissants pour faire tourner de gros programmes. Mieux, l’autonomie permet de tenir une bonne journée de travail. Si les caméras sont en retard en termes de connectivité sans fil, elles seront de plus en plus équipées dans un futur proche. Les modules optionnels pour palier cette lacune sont déjà disponibles. On trouve même des mélangeurs vidéo pilotables par iPad (chez Broadcast Pix par exemple), tout comme des consoles son. Et en furetant un peu partout on trouve une kyrielle d’applications destinées à nous faciliter la vie, voire à remplacer des accessoires jusque là extrêmement couteux. Avec la sortie du « nouvel iPad » avec son écran « plus que Full HD », ce phénomène va s’amplifier. La seule limite actuelle concerne le fait qu’aucune tablette de dispose d’entrées vidéo de qualité, ce qui leur interdit pour l’heure de faire office de moniteur de terrain. On peut contourner ce manque par la liaison Wifi comme avec le Teradek Cube, mais on se trouve alors confronté à un problème de latence qui interdit le pointage en temps réel. Mais pour le reste, il serait déjà dommage de se passer de l’iPad.

Pour clapper, loguer…

L’iPad a quasiment le même aspect qu’un clap de cinéma numérique. Il suffit alors de l’utiliser à cette fin. Les applis dans ce domaine sont plus ou moins complètes et coûteuses. Du simple clap avec indication de temps, de numéro de scène et repères visuels comme Clapperboard Film Slate, à moins de 2 euros, jusqu’à la Rolls du domaine : Movie*slate. Pour une vingtaine d’euros dans ce cas, l’offre est complète avec gestion du Time Code (y compris en y injectant celui d’une caméra par la prise jack), historique, Shot mark, notes diverses, géolocalisation, Logs de tournage exportables vers tous les logiciels de montage… Et la liste est encore longue. Le seul défaut des ces applications concerne le fait que les vrais claps émettent un son très fort (pour une synchro son) alors que l’on est limité ici par le volume assez faible de la tablette. Mais toutes incluent des repères visuels à l’image près.

Pour repérer, préparer

Le but est ici de se servir de la tablette comme une aide à la construction du film. On va donc commencer par les applications qui permettent le repérage avant le tournage, comme Panascout (pour iPhone compatible iPad). Édité par Panavision le programme sait prendre photos et vidéos en ajustant les ratios d’image cinéma (2.40, 1.85…) et en leur associant toutes les métadonnées nécessaires (GPS, date de lever et de coucher de soleil etc). Le tout peut être uploadé à distance sur un serveur Web ou par mail. Assez pratique mais un peu cher pour l’usage (8 euros environ). Plus élaboré et couvrant toutes les principales cameras du marché et les optiques, Artemis HD (24 euros) permet de simuler exactement l’angle de vue et le ratio du matériel de prise de vue qui sera utilisé et de son optique (d’un Alexa, jusqu’à Canon 5D en passant parles Sony EX1 et bien d’autres). Et même si le matériel n’est pas listé, on dispose d’un mode custom autorisant la saisie de ses propres paramètres (taille du capteur…).
Là encore, toutes les métadonnées sont enregistrées et les images peuvent ainsi être exploitées pour storyboarder le tout et ainsi choisir à l’avance quelle focale utiliser.
On pourra aussi se servir en complément de Theodolite , une appli de réalité augmentée qui va indiquer l’intégralité des paramètres de position, d’angle, d’inclinaison mais aussi d’altitude de cap (la liste est longue) afin de repositionner la caméra exactement comme pendant le repérage. On peut bien sûr enregistrer toutes les prises de vue. Un must have pour moins de 3 euros…

Dans la lignée, on trouve aussi Cinemek Storyboard Composer . Dans ce cas, on est nettement plus dans l’art de la narration visuelle/photographique. Grosso modo, on prend des photos, et ensuite on ajoute très facilement toutes les indications nécessaires (mouvement de cameras, interactions, accessoires nécessaires à la prise de vue, dialogues…). Le storyboard se construit alors sous forme de vignettes. C’est extrêmement ludique et efficace d’autant qu’on exporte le tout sous forme de PDF ou de films. Ce qui donne une très bonne idée du résultat final avant tournage. L’application coûte tout de même 24 euros. Plus près du vrai Storyboard graphique façon esquisse, on peut se tourner vers « Storyboards » qui inclut une banque de personnages pour les nuls en dessin. Attention cependant, comme pour beaucoup d’applis iPad, on est trop souvent aiguillé vers l’achat de dessins supplémentaires, ce qui fait monter l’addition finale. À essayer cependant. Et d’ailleurs, si en revanche vous êtes fort en croquis ou que vous aimez la prise de note sans clavier, tournez vous vers Penultimate (79 centimes) qui transforme ni plus ni moins votre iPad en carnet de notes. Terminons par CeltX , qui est une suite logicielle complète pour l’écriture ou la révision de scénario. Que vous soyez devant un ordinateur ou en tournage avec votre iPad, la même interface est disponible et les documents sont partagés sur le cloud et un peu à la manière de Google docs mais avec les outils spécifiques pour le scénariste. Un plugin permet aussi de storyboarder les productions avec des photos. Le tout pour environ 5 euros.

Pour tourner, mesurer, guider

On rentre ici dans le domaine des programmes d’aide directe au tournage. Comme on l’a vu, on ne peut pas utiliser un iPad comme moniteur de contrôle sauf en wifi, mais on peut déjà envoyer des prises de vue fixes depuis les DSLR comme avec DSLR Camera Remote qui contrôle aussi les paramètres de l’appareil. Malgré tout, les applications ne cessent pas de s’étendre en vidéo, comme celle à venir de Redrock avec son microRemote : il s’agit d’un Follow focus piloté directement par iPhone via une grosse molette additionnelle et qui peut être associé au microTape, une sonde laser de mise au point… le tout pour un petit millier d’euros. En attendant sa sortie et celles d’autres produits du genre, on va s’intéresser d’abord à DSLR Filmmaker Toolkit et à l’excellent pCAM . Le premier est, comme son nom l’indique, une boîte à outils pour le tournage avec un clap numérique, calculatrice de profondeur de champs, module de Shot Log avec annotations pendant le tournage, incrémentation automatique des numéros de plan et enfin un simulateur de visée. Le tout pour 6 euros. Seul regret, il s’agit d’une appli iPhone dont le rendu sur iPad n’est pas HD. pCAM est quant elle plus chère (24 euros), mais elle permet d’établir en temps réel toutes les variantes possibles de calcul optique en fonction du matériel utilisé et de la scène tournée (cercle de confusion, profondeur de champs, angle, correction d’exposition en fonction de la position du soleil, calcul d’ouverture… ).
Tous les formats existant et presque toute les caméras sont pris en charge, ce qui en fait l’un des meilleurs programmes de cette sélection. On peut aussi citer le très bon Sun Seeker (4 euros), qui prévoit très précisément quand le soleil va passer devant une fenêtre en visant simplement avec l’iPad le même cadre que celui de la caméra !

De manière plus anecdotique, on ne peut pas parler tournage sans les prises de notes à la volée et autres instructions de montage qui font gagner du temps. Dans ce domaine, nous retenons tout d’abord Cut Notes , 6 euros. Le principe est assez simple. On injecte le Time Code du tournage et on a la possibilité d’appuyer sur une quinzaine de boutons dont les intitulés sont définis par l’utilisateur. Exemple, « plan à remplacer », « bonne prise »… L’appli exporte ensuite la chronologie dans divers formats de marqueurs (donc ceux de Final Cut ou de Media Composer) ce qui permet au monteur de voir directement les instructions et autres remarques sur sa Time-Line. La saisie par le clavier reste bien sûr possible. Dans le même genre mais moins dédié à la production, on trouve Remarks 4 euros . L’idée est ici de s’adresser aux réfractaires du clavier puisqu’on écrit et annote n’importe quel document du bout du doigt, ou au stylet comme sur du papier.

Pour téléprompter

Cette sélection ne serait pas complète si l’on n’évoquait pas l’une des utilisations les plus naturelles de l’iPad sur un plateau de tournage : la possibilité de se substituer à un téléprompteur. Il existe déjà une bonne dizaine de kit de montage disponibles sur le marché (avec glace, bras magique, housse, platine) comme celui-la fabriqué par Datavideo . Les coûts s’étendent de 300 à un peu plus de 1000 euros et sont associés à l’application iPad de votre choix. Cependant, quitte à construire un vrai prompteur, autant se servir des programmes qui supportent les télécommandes. Il peut s’agir de modèles filaires pilotés par le présentateur, ou même d’iPhones (ou autres périphériques iOS) via une connexion Wifi ou Bluetooth. Dans ce cas, c’est l’équipe de réalisation qui ajustera tranquillement le défilement. Parmi les meilleures applis, nous retenons Teleprompt+ for iPad, qui, pour une douzaine d’euros, offre toutes les fonctionnalités évoquées. Moins cher (79 centimes) et sans télécommande mais avec la possibilité d’un enregistrement audio, on trouve aussi Best Prompter ou iCue 4 euros).

Pour le son

Si l’iPad n’a pas d’entrées vidéo, il a bel et bien des entrées audio, ce qui peut le transformer en enregistreur numérique haute qualité, moyennant l’achat d’un simple adaptateur Line/Mic In vers iPad. Vous pouvez vous tourner vers FiRe Field Recoder (pour iPhone), à 5 euros. De plus, tout comme pour le domaine de la lumière, les éditeurs de logiciels audio sont plus en avance qu’en vidéo. On trouve donc déjà ainsi un grand nombre de logiciels qui permettent de contrôler les principales consoles audio (Protools, Cubase etc) pour la bonne et simple raison que le mixage à la volée au doigt est bien plus instinctif et précis que de jouer avec la souris. Dans ce domaine, rendez-vous d’abord avec Proremote, coûteuse (63 euros), mais parfaitement professionnelle et sans faille. AC- 7 Core est une alternative bien moins onéreuse (6 euros) et tout aussi performante : elle prend en charge une dizaine d’applications via le contrôleur midi de l’ordinateur . Ces deux applications arrivent aussi à contrôler Final Cut via quelques bidouillages.

Et aussi :

Avid Studio for Ipad, pour monter sur la tablette avec le même système que sur les autres logiciels de l’éditeur, 4 euros.

Pocket Call Sheet, 5 euros, une feuille de service interactive et partageable directement depuis les tablettes.

AJA Data Calc, pour saisir le codec, la durée de tournage et savoir immédiatement quelle place sera occupée sur le disque dur ou la carte mémoire, gratuit.

vWave-Lite, pour contrôler Color d’Apple, via trois grosses molettes, comme sur un vrai pupitre d’étalonnage. Gratuit.

RealD Professional Stereo3D Calculator, pour calculer tous les réglages des rigs en fonction de la scène à tourner. 89 euros.