La quinzième édition de l’Euro, la compétition phare de l’Union des associations européennes de football (UEFA), a été la plus filmée de l’histoire. Ainsi, pour les matches du premier tour et jusqu’aux quarts de finale, pas moins de 46 caméras, dont 36 dédiées au jeu, furent déployées dans chacun des dix stades de la compétition.
Le dispositif standard de prise de vues comprenait, entre autres, sept caméras portables, deux steadicams, un système de travelling aérien (Spidercam), deux minicaméras dans les filets, deux têtes de caméras remote sur potence derrière les buts, huit caméras slow motion (loupes de 25 à 200 i/s) et deux systèmes ultra slow motion (Superloupes HD+) dont la vitesse de capture pouvait atteindre 500 i/s.
Ce dispositif était piloté par l’un ou l’autre des cinq réalisateurs recrutés pour l’occasion : l’Allemand Knut Fleischmann, le Britannique Jamie Oakford et trois Français, dont François Lanaud, qui, en 2012, avait réalisé la finale. Ses homologues de Canal +, Jean-Jacques Amsellem et Laurent Lachand, ont eux aussi fait leurs preuves. Le premier compte quatre participations au Mondial et une à l’Euro, tandis que le second renoue avec les opérations multilatérales, après avoir déjà œuvré à ce niveau lors de la Coupe du monde de 2002 en Corée du Sud et au Japon.
Cinq prestataires reconnus
De la même manière, UEFA HB, l’opérateur hôte, s’est appuyé pour l’occasion sur le savoir-faire et les moyens de cinq prestataires audiovisuels reconnus, qui tournèrent chacun sur deux sites. Ainsi, ceux de Lille et Lens ont été attribués au belge Outside Broadcast (groupe Euromedia), Paris et Saint-Denis à Euromedia France, Nice et Marseille au britannique Telegenic, Lyon et Saint-Etienne à AMP Visual TV, Bordeaux et Toulouse au suédois Mediatec.
Chaque prestataire a fourni deux cars : l’un pour la production multilatérale, l’autre pour les services unilatéraux et l’habillage des écrans géants dans les stades (fantertainment), auquel furent dédiées trois caméras. Ce dernier mobile a également pu servir de secours au premier.
AMP Visual TV et Telegenic, qui travaillaient avec des équipements Sony HDC 4300, ont également été mis à contribution pour les huit matches (match d’ouverture, quarts de finale, demi-finales et finale) en 4K, mobilisant trois équipes et filmés par 15 caméras, dont trois (la caméra hélico, le Spidercam et un steadicam) furent mutualisées avec la production traditionnelle en HD 16/9. Outre la mise en œuvre de sept serveurs XT3 d’EVS et un habillage réalisé par l’italien Deltatre.
Ainsi, en additionnant les deux dispositifs (multilatéral et 4K), pas moins de 57 caméras au total ont quadrillé le terrain pour le match inaugural et les quarts de finale, 58 pour les demi-finales et 60 pour la finale. À l’exclusion des caméras unilatérales, des caméras ENG d’UEFA HB et des sept caméras par but du système Hawk-Eye, qui permettaient, en moins d’une seconde, à l’arbitre central, de savoir si le ballon avait ou non franchi la ligne.
Cette technologie de conception anglaise, inaugurée lors du Mondial de 2014 au Brésil et déjà en service dans plusieurs championnats nationaux (Angleterre, Allemagne, Italie), a été déployée pour la première fois sur l’Euro et a équipé les dix stades de la compétition.
En revanche, UEFA HB ne fut pas partie prenante dans la diffusion des matches sur écran géant dans les fan-zones, ces espaces ouverts susceptibles d’accueillir entre 10 000 et 100 000 spectateurs dans les villes hôtes, à l’exception d’une beauty shot installée sur le Champ-de-Mars, à Paris, et mise à la disposition des ayants droit.
D’autre part, UEFA HB a délégué la conception et l’implémentation des graphiques (look & feel et animations), y compris le révélateur de hors-jeu, à Deltatre. La société italienne a assuré également le traitement informatique des données collectées sur les stades pour proposer des statistiques de niveau trois (vitesses, distances parcourues, nombre de tirs au but ou de passes…), produites à l’aide du système de tracking temps réel Tracab (ChyronHego). Conçu à l’origine par le suédois Hego, lequel a fusionné en 2013 avec l’américain Chyron, celui-ci est utilisé depuis la saison 2005/2006 pour les compétitions de l’UEFA.
En outre, Deltatre était en charge de l’ensemble de la solution multimédia basée sur son player Diva, qui diffusait vers les plates-formes « second écran » les contenus multi-angles (jusqu’à quarante-cinq) générés par le système C-Cast d’EVS, dont le déploiement fut confié pour l’occasion à la société italienne.
Cinq équipes de production
À l’identique des prestataires audiovisuels, cinq équipes de production furent affectées aux opérations multilatérales et firent chacune la navette entre deux stades. Sur site, chaque TV compound occupait un espace moyen de 6 000 mètres carrés, transformant les dix stades de la compétition en un gigantesque barnum télévisé, d’une surface cumulée de 50 000 à 70 000 mètres carrés, où travaillaient la plupart des 1 900 collaborateurs éphémères d’UEFA HB.
Chaque stade disposait ainsi, pour les unilatérales, d’une douzaine de studios ou plates-formes de présentation ou d’interview, et de sept positions de stand-up sur la pelouse, le tout entièrement ou partiellement équipé. En outre, pour les diffuseurs qui souhaitaient enrichir le signal international avec leurs propres images, une quarantaine de caméras privatives pouvaient prendre place sur la pelouse et dans la tribune principale.
Sur site encore, toutes les unités commentateurs étaient des consoles Lawo de la dernière génération. Pour le match inaugural France-Roumanie, 85 positions commentateurs en étaient équipées, et 130 pour la finale. D’autre part, dix positions en moyenne étaient munies de caméras (comcams), fournies par TV Skyline.
De son côté, le Centre international de radio-télévision (en anglais, IBC), installé dans les pavillons du Parc des expositions de la porte de Versailles, au sud de Paris, abritait les locaux de l’opérateur hôte et de ses différents fournisseurs, et hébergeait plusieurs dizaines de diffuseurs sur quelque 17 000 mètres carrés de surfaces utiles.
En 2012, l’édition organisée conjointement par la Pologne et l’Ukraine avait totalisé 1 500 heures de contenus et 48 290 clips avaient été délivrés durant le mois de compétition. Cette année, les prévisions portaient sur un volume global de production, programmes additionnels, signaux isos et matériel brut (rushes) inclus, de quelque 3 500 heures, grâce au changement de format (24 équipes étaient en lice, contre 16 en 2012) et à l’augmentation mécanique des matches (51, contre 41) et du nombre d’équipes ENG (43, contre 18).
Ces dernières ont braqué l’œil de leurs caméras sur les angles morts de l’Euro (entraînements, conférences de presse, animations diverses dans les villes hôtes…). Pour une plus grande syndication de contenus. Vingt-quatre furent ainsi détachées auprès des 552 acteurs de la compétition (hors encadrement technique et corps arbitral), trois filmèrent ses coulisses, cinq s’attachèrent aux aspects culturels, deux furent dédiées au fantertainment, une travailla pour UEFA.com et les réseaux sociaux, trois tournèrent au bénéfice de McDonald’s et les cinq dernières à celui des autres sponsors internationaux de l’Euro.
L’anglais ES Broadcast (Londres/Watford) a fourni des caméscopes Panasonic P2 à celles qui suivirent à la trace les vingt-quatre équipes finalistes. Les autres étaient dotées de la nouvelle caméra d’épaule Arri Amira.
Côté audio, l’enregistrement des commentaires et la production du son Dolby E 5.1 surround firent appel à des micros Schoeps et à la nouvelle matrice numérique de Lawo.
824 signaux, 3 494 circuits vidéo…
UEFA HB a produit onze signaux multilatéraux par match, plus quatre signaux de caméras isolées (16m gauche, 16m droite, caméra en hauteur derrière le but de gauche, caméra dans la tribune opposée) qui servirent à alimenter les unilatérales, et à gérer le fantertainment. Ces seize signaux, auxquels s’ajouta épisodiquement un signal 4K, étaient ramenés à l’IBC. En revanche, celui de la caméra VIP resta sur site.
Sur l’ensemble du tournoi, l’opérateur hôte a livré un total de 824 signaux (16 feeds x 51 matches + 8 signaux 4K). Par ailleurs, 3 494 circuits vidéo, multilatéraux et unilatéraux confondus, étaient disponibles à l’IBC durant la compétition, parmi lesquels 50 circuits VandA (vidéo et audio) au total étaient mis en œuvre simultanément un jour de match. Seize à dix-sept ont été utilisés par l’opérateur hôte et 33 à 34 pour les besoins des chaînes partenaires. Un jour sans match, huit circuits permanents et huit retours ont relié chaque stade à l’IBC.
Afin de sécuriser le lien avec celui-ci, plusieurs boucles redondantes passaient dans les dix villes hôtes, où par ailleurs deux points de présence (PoPs) étaient installés, et des solutions de secours par satellite (une station SNG sur site pour le Live stadium feed (LSF) et une autre pour les matches en 4K, plus un back-up hors site en cas de mauvais temps) étaient mises en place.
Pour le satellite, le standard de compression utilisé fut le Jpeg 2000. En revanche, toutes les liaisons fibre étaient en mode transparent. La technologie de multiplexage optique (DWDM) fut systématiquement utilisée afin d’optimiser la bande passante nécessaire aux débits requis. Lesquels furent les plus élevés jamais mis en œuvre pour un événement sportif en Europe, avec 2 x 100 Gbps (1,5 Gbps par circuit) par stade pour l’ensemble des services (vidéo, IP, téléphonie…), dont 80% pour le transport de l’image, et par deux routes distinctes (rouge et bleue), l’une étant le back-up de l’autre.
Orange, un partenaire précieux
Partenaire de l’événement pour les télécommunications, Orange, qui a mobilisé plus de 800 ingénieurs et experts, a fourni l’infrastructure fibre pour les circuits de contribution entre les stades et l’IBC. La longueur totale du réseau mis en œuvre pour l’occasion mesurait plus de 70 000 km, soit près de deux fois le tour de la Terre. Les connexions fibre les plus longues furent celles entre Bordeaux/Nice et l’IBC (1700 km).
L’opérateur national a couvert également tous les besoins des populations concernées (membres de l’organisation, journalistes, photographes…) et tous les besoins corporate de l’UEFA, grâce à une grosse utilisation du « Numéris » (RNIS) afin de pouvoir synchroniser les commentaires avec l’image, l’installation de quelque 22 000 prises IP, la mise en place d’une solution complète dans chaque stade, comprenant une MTR (Main Telco Room), où arrivaient les fibres des opérateurs, et un routeur pour faire le lien avec les équipements actifs (switches 24 ou 48 ports et bornes wifi) déployés dans les zones de presse, les espaces VIP, etc. ; et, enfin, la fourniture de terminaux (iPhones, tablettes…) et d’abonnements mobiles.
D’autre part, les stades de l’Euro étant pour la plupart préfibrés, Orange a utilisé l’infrastructure existante, quitte à placer dans le switch ou dans le routeur un petit module SFP pour un traitement soit en multimode, soit en monomode.
De son côté, l’Union européenne de radio-télévision (UER) avait en charge les stations SNG sur site et à l’IBC, ainsi que la transmission des signaux vers l’extérieur, par route verte et jaune vers l’Europe, par route verte vers l’ensemble Asie/Océanie et les Amériques. Enfin, Lawo a fourni les équipements d’adaptation (V_4 et VSM) pour le compte de l’UER.
Plus de 120 diffuseurs au total ont retransmis l’événement dans plus de 200 pays et territoires. Autant dire que l’audience de l’Euro a largement dépassé les frontières du vieil hémisphère. En 2012, le tournoi avait rassemblé un public cumulé de 1,9 milliard de téléspectateurs. Quant à la finale Espagne-Italie, elle avait été suivie en direct par 299 millions de fans dans le monde.
D’ores et déjà on sait, qu’en France, M6, qui diffusait le match en clair, a atteint, dimanche 10 juillet, son record historique d’audience lors de la finale France–Portugal avec près de 21 millions de téléspectateurs, sans toutefois battre le record établi en 2006 par TF1 (plus de 22 millions) à l’occasion d’un autre Portugal-France, en demi-finale.