Il a choisi les chemins de traverse pour concevoir des images. À la recherche de solutions innovantes et bon marché, il réinvente à tout bout de champ la postproduction. Il illustre bien cette génération de geeks passionnés et chaleureux qui mettent les mains dans les pixels, défrichant constamment de nouvelles idées pour créer des formes d’expression originales. Emmanuel Pampuri, également auteur d’un blog à succès, a, au sein de sa société de postproduction Les Machineurs, été le premier et unique beta testeur en France (6 dans le monde) de la caméra Blackmagic Cinema. Un entretien pour découvrir les grandes lignes du produit.
Mediakwest : Dans quel contexte avez-vous testé la caméra Blackmagic Cinema?
Emmanuel Pampuri : Plutôt que faire un simple test, nous avons voulu tourner dans des conditions réelles, et pour cela j’ai proposé à un réalisateur, Jon Bensimhon, de l’utiliser pour réaliser le trailer de son projet de long-métrage qui se nomme Urban. Il s’est entouré d’une équipe technique complète, dont le directeur de la photographie Xavier Doleans, qui est très talentueux et aussi curieux que moi des nouvelles caméras. L’ambiance du film est très sombre, cela nous a permis de tester la caméra dans les basses lumières, avec un tournage de deux jours qui s’est fait principalement de nuit en décor naturel en intérieur et extérieur.
Il y avait très peu d’éclairage, nous avons vraiment voulu voir, sans jeu de mot, comment la caméra se comportait en basse lumière. Nous avions un ou deux KinoFlo en lumière fluo pour certains plans mais tout s’est quasiment tourné en lumière naturelle.
Quels choix avez-vous fait sur les optiques ?
Nous avons tourné majoritairement avec des optiques Canon EF dont un zoom 10/22 mm. La difficulté est de trouver des optiques très courtes focales. La caméra possède un crop factor de 2.3, donc les courtes focales que nous utilisons traditionnellement deviennent des optiques de focale standard ! Il faut se tourner vers des modèles Tokina 11/16 mm ou Sigma 8/16 mm pour avoir vraiment des grands angles. Le nouveau modèle de la caméra présentée à IBC, Micro 4/3 est une bonne idée car le facteur est de 2 sur le m43. Il y a un très faible tirage optique, on peut donc adapter un nombre beaucoup plus important d’optiques dont des modèles utilisés couramment avec des caméras Super 16.
Des optiques Super 16 pour une caméra qui enregistre en 2,5K n’est-ce pas un non sens ?
En fait nous vivons une époque pleine de paradoxes. Les réalisateurs, les chefs opérateurs veulent « casser » la définition. Toutes les nouvelles caméras ou DSLR permettent de capter les images avec de très bonnes résolutions. De l’autre côté, les optiques « vintage » ont la côte, et le prix de l’occasion grimpe. Une série Zeiss standard des années 70/80 qui ouvre à 2.1 est passée de 10 000 euros à 20 000 euros en quelques mois. Pour ceux qui veulent des optiques récentes dans un bon rapport qualité/prix, ils peuvent se tourner vers les optiques Canon. La caméra micro 4/3 offre une connexion passive avec les optiques, donc pour les optiques qui n’ont pas d’iris manuel il est impossible de changer le diaphragme.
Les réglages de caméra Blackmagic sont accessibles depuis un écran tactile, quel est votre feedback ?
L’écran tactile est extrêmement efficace, c’est vraiment l’un des points forts de la caméra. L’interface graphique est très intuitive, elle a été bien pensée, tant sur la taille des boutons tactiles qui sont très lisibles que sur la gestion de toutes les fonctions. Les polices sont très lisibles. Un petit bémol, l’écran est brillant, ce qui est gênant en pleine lumière.
Quelle approche avez-vous eu vis à vis du produit en termes d’ergonomie ?
Ce qui me paraissait problématique avant de tester la caméra était sa prise en main. En fait il faut accessoiriser la caméra pour vraiment l’utiliser confortablement. Les utilisateurs de DSLR en ont l’habitude et beaucoup de fabricants ont conçu des dispositifs qui vont aider la prise de vue avec la caméra. Cartoni France nous a prêté un rig Shape. Ce constructeur a imaginé un rig qui se monte sans vis et sans clef. Il existe deux modèles pour la caméra Blackmagic : une version pour avoir l’écran devant, proche des yeux de l’opérateur et une autre avec l’écran plus loin pour placer un viseur électronique sur le côté. Sinon Blackmagic propose des poignées pour tenir la caméra à bout de bras, qui se placent sur les côtés de celle-ci. De toute façon c’est une caméra qui a besoin d’un support du fait du réglage via l’écran tactile, que ce soit un rig ou un pied léger.
Comment avez-vous géré les rushes ?
Toute la puissance de Blackmagic se résume dans la simplicité de la gestion des fichiers et leur qualité d’exploitation. Nous avons testé deux formats, le RAW avec le codec Cinema DNG et le ProRes (Gamma cinéma ou REC709). Le Cinema DNG est un codec développé par Adobe et qui est libre de droit. Nous l’avons débayerisé et importé dans le Resolve V 9. Ce codec est géré nativement dans la dernière version de Adobe Premiere CS6. La qualité des images est incroyable, nous avons une matière à modeler qui est très riche, y compris dans les conditions de lumière très difficiles. Lorsqu’on importe les fichiers Cinema DNG on a une suite d’images fixes DNG qui ont un vrai piqué. Je reste encore totalement admiratif du rapport qualité prix de la caméra. Dans le cadre du projet, nous avons fait un montage sur Final Cut en ProRes, fait un export XML et importé dans le Resolve.
Quelle est la cible des utilisateurs pour cette caméra ?
Je pense que l’une des cibles possible, ce sont tous ceux qui se sont frottés à la prise de vue avec un reflex et qui ont envie d’évoluer. La caméra peut être utilisée pour différents marchés, que ce soit pour de la fiction TV ou cinéma, ou pour des programmes courts, comme des clips, des courts-métrages. Toutefois la caméra Blackmagic est une caméra exigeante. Il ne s’agit pas d’un produit tout automatique, il faut donc une certaine expérience de l’image.