Annoncée mi-décembre dans une relative discrétion, la suspension de la politique régionale en faveur du cinéma et de l'audiovisuel fait déjà l'objet d'une pétition.
C’est un coup dur et peut-être les prémices d’une redistribution des cartes à l’échelon national sur le dossier des politiques d’aides à la production cinématographique et audiovisuelle. Sur son site, www.franche-comte.fr, la région annonce officiellement qu’elle (suspend) en 2013 « sa politique en faveur de l’aide à la production cinématographique et audiovisuelle ». En cause, des restrictions budgétaires, un recentrage politico-économique et un retour sur investissement visiblement pas à la hauteur des attentes.
Après la commission, la région touche au fonds
En 2011, la région avait modifié les conditions d’octroi de financement à la structure jusqu’alors en charge de l’accueil des tournages, soit l’IRIMM (Institut Régional de l’Image et du Multimédia), entraînant ainsi sa disparition de facto du réseau des commissions du film chapeauté par Film France.
Sur le site du Conseil régional, on précise cependant que cette suspension n’obère en rien les autres actions culturelles du territoire : la région « restera particulièrement attentive au développement d’une politique de diffusion diversifiée et équilibrée sur le territoire régional, notamment grâce aux festivals. L’effort en matière d’équipement numérique des salles de cinéma indépendantes et de proximité sera également poursuivi ».
Et Jean Auvillain, directeur de cabinet de la présidente de Région, Marie-Marguerite Dufay, de préciser sur le site de Films en Bretagne (www.filmsenbretagne.com), les raisons d’une telle décision : « Nos priorités vont à la formation et aux transports. Et depuis quelques années, nous nous interrogeons sur l’impact de ces aides, sur les retombées en termes d’économie et d’image. Nous faisons le constat que cette politique reste marginale. Ces soutiens étaient surtout destinés à accueillir des longs métrages de fiction, mais il n’y en a pas eu tant que ça. Dans le domaine culturel, nos efforts sont concentrés sur la Cité des Arts qui va réunir début 2013 le Conservatoire régional de musique et le Fonds régional d’art contemporain ».
Un fonds en baisse constante
En 2009, la région affichait 395 000 € de crédits engagés (chiffres CICLIC) soit, déjà, une baisse de 16 % par rapport à 2008, pour ce fonds créé en 1994. Selon la même étude, menée sur les conventions 2011 et publiée en 2012, la région affichait 268 834 € (hors CNC) pour le Titre I (création, production cinéma et audiovisuel, accueil de tournages) et 650 800 € pour le Titre II (éducation à l’image), soit un net basculement des priorités.
Certes, la Franche-Comté ne fait pas partie des territoires les plus prisés pour les tournages, qu’il s’agisse de cinéma ou d’audiovisuel, loin derrière l’Île-de-France ou la région PACA.
Pour autant, l’actualité prouve l’ironie de la chose : en effet, sort en salles le 9 janvier Comme un lion, second long métrage de Samuel Collardey, soutenu et tourné en partie en région. Et le prix Louis-Delluc du premier film 2012 a été attribué à Louise Wimmer, de Cyril Mennegun.
Avec la disparition d’une politique de soutien, c’est toute une filière déjà largement fragilisée qui risque de péricliter. Parmi les premières réactions à cette annonce, il convient de noter la pétition lancée par l’APARR.
Une pétition en ligne
Initiée par l’APARR (Association des Producteurs Audiovisuels Rhin-Rhône), cette pétition dénonce «plusieurs années d’incohérence politique à l’égard du secteur du cinéma et de l’audiovisuel » et prédit «un impact catastrophique pour la création cinématographique et audiovisuelle de la région : raréfaction des tournages et donc de l’activité économique générée par ces derniers (embauche de techniciens en région, retombées économiques sur les lieux de restauration et d’hébergement), diminution drastique des projets en lien avec la région faute de financement, exil ou reconversion des techniciens, auteurs et producteurs de Franche-Comté. Aucune action d’accompagnement, aucun dispositif de soutien ne vient palier à » (sic) « cette suppression. En somme, la Région Franche-Comté abandonne à leur sort, sans la moindre explication, les structures de production régionales et les techniciens, comédiens, auteurs et réalisateurs qui dépendent de près ou de loin du fonds d’aide ».
Une nouvelle commission au sein de FilmFrance ?
Parce que la nature a horreur du vide, l’association Franche-Comté Cinéma, dirigée par Bertrand Picault (www.franche-comte-cinema.fr/), poursuit le travail d’accueil de tournages, même si, admet-on, « son nouveau fonctionnement ne lui permet pas de répondre aux mêmes attentes que les autres bureaux d’accueil de France même si ses missions en restent très proches : repérages, casting, facilitateur de démarches logistiques et administratives. » Elle travaille actuellement à sa réintégration au sein du réseau FilmFrance…
La crainte d’un effet « dominos » de la part des régions les moins « attractives » en termes de tournages n’est pas qu’un spectre brandi pour faire peur ; moins d’argent sous-entend moins d’intérêt de la part des producteurs, donc moins de tournage, etc. Ce cercle vicieux est également à mettre en perspective avec des collectivités qui doivent assumer de plus en plus de charges financières et, de fait, prioriser leurs politiques. Au risque de faire passer à la trappe une part importante du versant culturel de leur action…