La Sony F65 Mini & mimi, à La Femis

Le département image de la CST, toujours à l’affût des nouveautés technologiques révolutionnaires dans le monde de la fiction, avait remarqué la première présentation de la F65 Mini au micro salon de l’AFC. Depuis, de nombreuses améliorations ont été apportées au couple caméra/optique. Il était temps de lui consacrer une présentation plus exhaustive pour le public averti des professionnels de l’image. La réunion a eu lieu en partenariat avec Panavision France.*
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La genèse du projet de la F65 Mini

L’idée a germé dans la tête de Patrick Leplat , directeur d’exploitation et marketing technique de Panavision, quand les nouvelles optiques Panavision Primo 70 mm sont arrivées entre ses mains. Il était ébahi devant leurs qualités. Il a donc réfléchi à la meilleure caméra qui puisse les mettre en valeur. La Sony F65 possède le capteur le plus défini du marché (8K), sur une petite surface (capteur S35 mm) avec pour conséquence, la réduction de la taille des pixels. Idée : associer les deux, oui, mais les montures (optique et caméra) ne correspondent pas, et changer la monture de la caméra va entraîner beaucoup d’autres modifications. Son équipe lui dit qu’il est fou… Ce n’est pas pour lui déplaire.

Patrick explique son choix ainsi : « Le capteur et le traitement colorimétrique de la Sony F65 sont très en avance. La F65 est la caméra la plus définie avec la gestion de couleurs la plus avancée ; les Primo 70 mm sont les optiques les plus définies avec le bokeh le plus doux. »

Selon Patrick Leplat, une confusion est couramment faite entre définition et contraste. Des optiques très définies comme les Zeiss Master Prime sont aussi très contrastées avec un bokeh très dur et une perte de point rapide ; elles encouragent donc l’association de ces deux notions.

Pour éclairer sa démonstration, Patrick Leplat s’appuie sur les mathématiques où il est courant d’utiliser deux extrêmes pour expliquer quelque chose : en ce qui concerne l’image, on prend par exemple un capteur qui tend vers zéro avec deux pixels et un contraste maximum sur chacun, noir et blanc donc. Si on ajoute une infinité de pixels, le contraste devient très doux.

Conclusion, avec moins de définition, on contraste plus l’image ; à contrario, on l’adoucit avec une plus grande définition. Si on désire atténuer la trop grande définition des capteurs avec une optique douce, le nombre de pixels dans l’image reste toujours identique, la définition du capteur est filtrée par l’optique utilisée. On obtient une représentation différente des flous et des contrastes. Avec un capteur très défini et une optique peu définie, on adoucit l’image, il ne faut pas oublier que chaque élément, capteur et optique interviennent dans la notion de douceur et de profondeur « bokeh ».

Il est important de rappeler les notions de taille des pixels par rapport à la taille du capteur. On peut rencontrer des grands capteurs avec relativement peu de pixels, ils seront donc plus gros. En revanche, une caméra comme la Sony F65 possède un capteur relativement petit (S35 mm 24,7 x 13,1 mm, 20 millions de pixels), ce qui laisse supposer que ces derniers sont petits. Sur la pellicule 35 mm, la taille des grains (que l’on peut rapprocher des pixels en numérique) était variable et aléatoire, et produisait une image de cercle ronde et douce.

Or, Patrick s’est aperçu que des petits pixels en grand nombre reproduisent, si on filme un cercle, une représentation de ce cercle plus fidèle, ronde et douce, et non pas en escalier comme avec des gros pixels ; une reproduction, in fine, qui se rapproche de celle de la pellicule 35 mm, douce et ronde. Le fait d’avoir des petits pixels, génère un petit cercle de confusion qui donne un bokeh avec de la profondeur.

La taille du pixel intervient donc sur la profondeur de champ et la forme du bokeh qui devient plus ronde et plus douce. La taille du capteur n’est donc pas le seul facteur qui modifie la qualité des flous et des profondeurs de l’image. Par exemple, au Micro-salon, des images tournées en Red Epic Dragon (taille du capteur : 30,7 x 15,8 mm, 19 millions de pixels) et des images tournées en Sony F65 avec des optiques Panavision Primo 70 mm étaient très différentes ; sur les secondes, la profondeur de champ et le bokeh étaient plus prononcés.

 

Projection des images

Pour illustrer tous ces dires, l’assistance a pu regarder des images projetées en 4K. L’effet est assez saisissant dans les premiers rangs. En effet, on a l’impression de voir des images tournées en relief tant le sujet se détache du reste de l’image, mais en douceur, sans rupture trop brusque de la limite entre le net et le flou. Il reste une matière très intéressante dans les arrière-plans, même à pleine ouverture. Le rendu sur les visages et les peaux est doux et flatteur malgré la grande définition. Cela illustre parfaitement le fait que l’œil humain capte des sensations différentes, même si la définition des images excède ses possibilités. Il est possible de retrouver de telles images avec un procédé de prise de vue en relief où les deux images sont superposées même décalage, donc sans sensation de relief, la définition est multipliée par deux.

Une plus grande définition introduit donc une plus grande profondeur dans l’image. Ici nous avons vu des images réalisées avec la caméra et les optiques les plus définies.

 

La réalisation du projet

Une fois exposés les raisons, les motivations et les résultats, il est intéressant de connaître le cheminement technique. Il est important de préciser qu’il s’agit d’une collaboration entre Panavision France et Sony Monde.

En mai 2015, Patrick Leplat rencontre les dirigeants de Sony pour leur exposer son projet ; un accord de développement entre les deux parties est alors signé. Sony développe alors un soft spécial pour les modifications envisagées afin que la caméra puisse être utilisée sans erreurs avec celles-ci. Les modifications sont les suivantes : l’obturateur mécanique et les différents filtres ont été ôtés. Du coup, il fallait repositionner le capteur avec une précision de 5 microns ; la pièce permettant d’y procéder a été la plus difficile à mettre au point.

Pour ce faire, Patrick Leplat a utilisé le logiciel Solidworks, un scanner et une imprimante 3D pour fabriquer les prototypes. Une étude de contrainte mécanique et de déformation à la chaleur a été réalisée. Un alliage métallique et un traitement spécifique ont été utilisés. La cote de tirage optique des Primo 70 mm est de 40 mm. Sur le capteur, vient se positionner une pièce ronde aimantée (le plug) qui permet de fixer les filtres (OLPF, IR cut, Neutre, Filtre Sony) à la demande. Ils ne sont donc plus pilotés par la caméra, mais sont amovibles, comme sur l’Alexa. La suppression de l’obturateur entraîne quelques avantages : réduction de poids, de bruit, de salissure du capteur par les poussières et un nettoyage plus facile.

Pour continuer sur l’allègement, Panavision a créé une pièce de distribution d’alimentation qui vient se greffer sur le côté de la caméra. Elle est branchée sur le convertisseur 12V/24V interne de la F65. Les Primo 70 mm possèdent une motorisation interne. Panavision a passé des accords de développements et d’échanges de protocoles avec C-Motion. Donc, les moteurs et les fils ont disparu grâce à une petite borne implantée dans la caméra qui contient l’émission HF et l’électronique de commande des moteurs qui relie donc les optiques à la commande de point, diaph, zoom.

En tout, la caméra est allégée d’environ 2 à 2,5 kg, elle est amincie et plus compacte. L’enregistreur peut être déporté avec une connexion par fibre sur l’arrière ou sur le côté. Cette cure d’amaigrissement lui vaut son nom de F65 Mini.

 

La vie de la caméra

Depuis sa mise au point, elle a donc été présentée en avant-première au Micro-salon. Sony US en a entendu parler par Panavision US. Panavision France leur a prêté une caméra qui a été exposée au salon Ciné Gear et la bande démo réalisée à Paris devient la bande démo de Sony USA pour la F65.

Une jolie petite histoire qui illustre l’esprit de créativité et d’invention des techniciens français.

 

* Cet article est paru pour la première fois dans Mediakwest #18, pp.30-32. Soyez parmi les premiers à lire nos articles en vous abonnant à notre magazine version papier ici