Quelle est l’originalité de votre système ?
Dominique Lescuyer de Savignies : Nous avons créé une société pour ce produit qui se décline en trois versions : une pour le stop-motion, une pour la télévision et une pour le cinéma. Nous n’avons déposé aucun brevet pour l’Arcam car l’idée n’est pas neuve. Ce qui est nouveau c’est que nous proposons un système très opérationnel et facile à prendre en main. Nous nous sommes concentrés sur le bras robotisé pour qu’il soit facile à transporter, à programmer et à utiliser quel que soit le lieu, même le plus confiné.
Pascal Gautier : Il est vrai en revanche que nous sommes les premiers à commercialiser un robot et à le proposer aux directeurs de la photo ou aux superviseurs de VFX. C’est un couteau suisse low cost qui permet d’obtenir des résultats polyvalents et pointus. Vous pouvez vous fournir en haut de gamme chez Marc Roberts et dépenser 300 000 euros dans un système de motion control lourd, complexe à mettre en œuvre et fourni avec trois ingénieurs. Nous sommes sur un marché différent et les seuls sur celui-ci, tous les autres ont un modèle économique fondé sur la prestation de service pour des raisons évidentes de coûts et de complexité technique. D’autres sociétés utilisent des robots industriels comme The Marmalade qui a développé un système pour filmer des plans à très grande vitesse et en mouvement avec des robots Säubli. Je connais bien ces robots tout comme les modèles allemands Kuka utilisés par Bot & Dolly. J’ai aussi longtemps travaillé avec des modèles japonais Fanuc : ils sont très lourds, très dangereux, très difficiles à programmer et ils font du bruit… Bien sûr, le nôtre ne peut pas aller sur le même marché qu’un modèle Stäubli qui parcourt dix mètres à la seconde mais nous arrivons tout de même à faire du ralenti sur deux mètres en une seconde. Notre modèle est léger et silencieux.
D.L.D.S. : le système pèse 30 kg et reste transportable dans des flight-cases standard.
P.G. : Il est également facile à programmer. Nous développons actuellement deux logiciels mais le système optimisé pour le stop-motion fonctionne déjà bien avec Dragon Frame, un logiciel très répandu à 400 $. Il ne nous satisfait pas complètement car il comporte des bugs.
D.L.D.S. : Il a en revanche l’avantage d’être complet et intègre la gestion de tous les réglages caméra. Vous pouvez piloter le robot, le zoom, l’ouverture et la focale.
P.G. : En ce moment, nous nous concentrons sur la version broadcast. Nous avons participé à vingt heures de direct pour le groupe Canal + sur le plateau d’i>Télé. Nous avons été validés par ce groupe pour installer un robot sur leur plateau fin octobre après un ultime test en conditions réelles.
L’envergure de mouvement de votre système est-elle suffisante pour couvrir les besoins d’un plateau télé ?
P.G. : Tout à fait, l’envergure de 2,60 mètres de l’Arcam est sensiblement faible mais rien n’empêche de multiplier les robots. Le projet pour i>Télé comprend jusqu’à six caméras. Notre logiciel peut gérer jusqu’à huit robots sur un plateau et prévoit évidemment de gérer un septième axe pour un futur système monté sur rails.
D.L.D.S. : Il faut également préciser que beaucoup de plateaux aujourd’hui, notamment sur les chaînes du câble, sont très petits. Avec un seul robot, nous pouvons proposer à ces productions des mouvements tout à fait innovants qu’elles ne pourraient pas obtenir avec une grue ou une louma impossible à installer dans ce genre d’espaces confinés.
Qu’en est-il des optiques ? Vous avez des partenariats ?
P.G. : Nous travaillons avec Canon et leurs protocoles pour réaliser des effets de travellings compensés. Avec Fujinon aussi.
D.L.D.S. : Accéder à leurs protocoles est également très important pour développer nos softs.
Votre équipe a-t-elle développé le bras du robot ?
D.L.D.S. : C’est un modèle courant dans l’industrie depuis quelques années, de la marque danoise Universal Robots, qui n’avait aucune application dans les domaines audiovisuels.
P.G. : Ce sont des machines dites « pick and place » de dernière génération conçues pour travailler en collaboration avec une personne. Elles ne nécessitent pas de sécurité particulière et sont utilisées dans toutes sortes d’industries.
D.L.D.S. : Elles servent dans l’industrie électronique, peuvent assister des opérateurs humains et sont prisées dans les laboratoires scientifiques pour leur précision…
Vous travaillez avec des constructeurs de caméras ?
P.G. : En ce moment, nous sommes partenaires de Grass Valley pour proposer un package à la plupart de leurs clients réguliers comme Canal +, Eurosport, beIN… Leur système LDX Compact est très adapté à notre bras dans sa version broadcast car elle reste petite. La LDX Compact avec des optiques Canon pointe à un peu plus de 5 kg, ce qui est largement en dessous de la tolérance de l’Arcam quant au poids du système de prise de vue.
Quelle est la limite ?
D.L.D.S. : Le bras commence à ne plus être à l’aise au-delà de 8 kg. Mais il a très bien fonctionné avec le RED Epic.
P.G. : Mais nous ne sommes pas liés à ces partenaires. TF1, par exemple, ne collabore pas avec Grass Valley, et nous devons donc avoir un discours clair : l’Arcam est pleinement satisfaisante avec des ensembles caméra + optiques de moins de 6 kg. Mais nous ne sommes pas inquiets, la plupart des constructeurs, Sony, Panasonic, Blackmagic… ont développé aujourd’hui des caméras compactes.
D.L.D.S. : Nous avons également fait une vraie découverte au MIFA. Nous ne réalisions pas à quel point l’Arcam répondait aux attentes des réalisateurs de films d’animation en stop-motion.
Vu la taille de votre système, l’animation en volume apparaît même comme un marché a priori majeur…
D.L.D.S. : Tout à fait car nous avons eu un retour très positif sur le plan international alors que nous pensions avant tout nous orienter vers le marché de la télévision.
Nous parlons donc d’un système clef en main ?
P.G. : Tout à fait, matériel, software, maintenance, formation et assistance. La maintenance nécessite de la vigilance et un bon suivi des clients même si le robot possède une garantie de 35 000 heures d’utilisation. Le groupe Canal + reste un partenaire très privilégié pour le développement technique puisqu’il nous permet de réaliser nos tests pour la télévision en conditions réelles. Le montage du système sur rails se fera sans aucun doute avec son aide.
D.L.D.S. : Nous aurions d’ailleurs besoin d’un partenariat de ce type dans le domaine du stop-motion. Un studio avec une bonne réputation qui nous cautionne et nous permette de tester les futures innovations. Nous avons déjà travaillé avec Vivement Lundi qui a réalisé le film officiel du Festival d’Annecy 2014 à l’aide de l’Arcam.
Cela dit, des trois versions du système, c’est le système Arcam TV qui est le plus développé et qui a le plus de clients potentiels aujourd’hui.
Quelle est la fourchette de prix ?
D.L.D.S. : Le système comprend le robot, le pied, avec, dans la nouvelle version, un écran tactile intégré et le rack du software. Le tout tient dans deux flight-cases. On se situe entre 80 et 100 000 euros. Ce prix comprend les garanties, les licences pour le software, l’assistance et la maintenance pour un an. À partir de la deuxième année, le client payera environ 20 % de ce prix initial pour les services de maintenances et les mises à jour du logiciel. Cela avec plusieurs options possibles.
P.G. : Nous comptons aussi développer une activité de prestation mais nous manquons d’expérience sur les tournages. Avec le temps, nous espérons être à même de répondre également à des besoins ponctuels et spécifiques.
D.L.D.S. : Ce sera d’ailleurs inévitable et vital. C’est l’expérience des clients et la qualité de nos échanges avec eux qui vont guider nos futures évolutions techniques.