Le big data de comScore (ex-Rentrak)

Il y a tout juste un an, Rentrak, principalement connu en France pour son rôle dans la mesure de la fréquentation des cinémas, fusionnait avec comScore qui analyse l'audience d'Internet, notamment celle des programmes audiovisuels sur les supports en ligne. Quels changements en perspective ?
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Le cinéma, un habitué du big data

Collecter et analyser de très grandes quantités de données est une activité qu’on peut qualifier de routinière pour l’ex-Rentrak : en élargissant progressivement son périmètre (Brésil, Chine…) et en rachetant des concurrents (en particulier Nielsen EDI, la filiale cinéma de Nielsen, en 1999), Rentrak avait déjà atteint, bien avant sa fusion avec comScore, un niveau de couverture exceptionnel : 125 000 écrans (25 000 cinémas) dans 64 pays, soit environ 85 % du box office mondial.

Eric Marti, directeur général de comScore en France, précise que si sa société « collecte à la fois les recettes et les entrées dans la plupart de ces pays (57 sur 64), elle ne mesure que l’un des deux indicateurs dans les sept territoires restants : les recettes dans six pays anglo-saxons (dont les USA et la Grande-Bretagne) et les entrées en France.

ComScore s’efforce de changer les habitudes : quand l’observation du marché est fondée uniquement sur le box office, une stagnation ou une baisse des entrées peut être masquée par l’augmentation du prix du billet (c’est le cas en ce moment aux USA). En ce qui concerne la France, le CNC dispose des chiffres de recettes grâce aux bordereaux, mais il en tire principalement des analyses macroéconomiques.

Quoi qu’il en soit, l’activité de mesure de l’audience des salles que gère comScore (désormais) relève clairement du big data : même si la collecte des données en provenance des 125 000 salles est encore loin de pouvoir se faire en appuyant sur un seul bouton, comScore est capable d’une très grande réactivité : les chiffres du box office et des entrées peuvent être actualisés heure par heure.

En dehors de la mesure de la fréquentation et du box office, comScore mène pour le cinéma des études par sondage en sortie de salle afin d’évaluer la satisfaction des spectateurs à l’égard des films (une offre baptisée Post Trak).

Et la société a lancé récemment aux États-Unis une nouvelle offre qui rencontre un grand succès auprès des studios. Elle consiste à analyser le trafic qu’un film suscite sur Internet pendant les douze mois qui précèdent sa sortie (échos sur le tournage, sur les acteurs, visualisation des bandes-annonces…) dans le but de prévoir ses résultats en salle. Cette offre, dénommée PreAct, doit bénéficier rapidement de l’alliance comScore-Rentrak.

ComScore présentera une autre offre innovante au prochain congrès des exploitants de Deauville (26 au 29 septembre) : Insight, un outil logiciel permettant aux exploitants de consulter en temps réel les indicateurs clé de leur activité. Plus d’informations sur cet outil dans ces colonnes d’ici quelques semaines.

 

Évolution des méthodes d’analyse de l’audience du cinéma

Pour Eric Marti, « le big data est en train de changer fondamentalement la façon dont sont menées les études quantitatives : les observations fondées sur des échantillons réduits de spectateurs vont être de moins en moins pratiquées. On cherche désormais à s’appuyer sur les panels les plus larges possible ».

« Cela ne change rien à nos méthodes d’étude de la fréquentation ou du box office puisque nous travaillons déjà depuis longtemps sur des échantillons de salles très importants, mais cela impacte d’autres types d’études comme PreAct ». On peut préciser qu’un panel très large est d’autant plus nécessaire pour observer les usages sur Internet que ces derniers sont très hétéroclites.

Plus les échantillons sont importants, plus les données collectées sont nombreuses et variées et plus leur décryptage est complexe. Conséquence, qui va avoir selon Eric Marti un fort impact sur le métier de comScore : « Nous serons de plus en plus souvent amenés à assister les professionnels dans l’analyse des données statistiques que nous leur fournissons. »

Les équipes de comScore sont déjà préparées à ce rôle. En France, Rentrak a, par exemple, commencé, avant la fusion, à fournir aux distributeurs des analyses relatives à l’influence des dates de sortie sur les résultats des films et à assister le Scare (Syndicat des cinémas art et essai) dans l’analyse de la fréquentation des salles classées. « Mais il n’est pas question pour comScore d’aller jusqu’au stade de la recommandation », précise Eric Marti.

 

Grand chamboulement dans la mesure d’audience télévisuelle

La mesure d’audience du cinéma change, mais celle de la télévision est en pleine révolution et c’est sur elle que repose l’essentiel de l’économie des prestataires comme comScore. En 2015, sur les 544 milliards de dollars investis dans la publicité à l’échelle mondiale, 38 % sont allés à la télévision, contre seulement 0,3 % pour le cinéma (source : ZenithOptimedia).

La télévision (hertzienne, par câble ou par satellite) est de loin le premier média publicitaire, mais son audience se fragmente de plus en plus. Internet, qui permet notamment de consommer les programmes télévisuels à la carte (en replay), la grignote progressivement.

Nielsen, le grand leader de l’analyse de l’audience télévisuelle, n’a réagi que récemment à cette nouvelle donne : jusqu’à l’an dernier, son dispositif de mesure reposait sur un panel de 20 000 foyers qui sous-estimait la part de la consommation des programmes en ligne.

ComScore et Rentrak se sont alliés pour proposer une offre alternative qui ne manque pas d’atouts, notamment aux États-Unis (premier marché publicitaire au monde et donc marché crucial pour la mesure d’audience). Dans la corbeille de mariage, Rentrak a apporté les 35 millions de foyers américains dont elle mesure la consommation télévisuelle par câble ou par satellite (grâce à un logiciel implanté dans les décodeurs). De son côté, comScore est venu avec l’impressionnant cheptel d’équipements digitaux (160 millions d’ordinateurs, 95 millions de tablettes, 120 millions d’écrans VOD) dont elle analyse les usages.

Nielsen a lancé sa nouvelle offre début 2016. Son panel est passé de 20 000 à 40 000 foyers et la société a travaillé avec les opérateurs du câble, du satellite et les fabricants d’équipements numériques pour que son propre logiciel de suivi soit implanté le plus largement possible dans les télévisions digitales, tablettes, smartphones, décodeurs…

La bataille du big data télévisuel ne fait que commencer !