Le point sur la politique culturelle européenne avec Pascal Rogard (ITW WebTV – Rencontres de Dijon)

Directeur général de la SACD, Pascal ROGARD représente une personnalité forte du paysage audiovisuel français et, chaque année, ses interventions en tant que modérateur pendant les Rencontres cinématographiques de Dijon sont très attendues. À l’occasion des dernières rencontres, il a animé la table ronde « Comment éviter le culturexit ? », un débat destiné à faire le point sur l’Europe de la culture et sur nos attentes vis-à-vis de sa réglementation. Dans son interview vidéo, il fait le point sur ce débat et présente les grandes priorités de la SACD pour 2017…
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Quels modèles doit-on réinventer pour une Europe de la Culture garante de la diversité et adaptée au contexte numérique ? Comment concilier une Europe culturelle de la diversité et une Europe numérique puissante et compétitive ? Telles sont quelques-unes des questions que se sont posées l’audience et les intervenants de ce débat.

La culture européenne semble aujourd’hui, dans l’esprit de beaucoup, avant tout un tissu économique à préserver. Le numérique, sa tendance à renforcer les positions dominantes des acteurs puissants du Net, à uniformiser l’offre, en préférant répondre à la demande des consommateurs plutôt que de proposer des créations différentes, a participé, voire favorisé, à réduire la culture européenne à un secteur économique comme un autre.

L’articulation des politiques culturelles européennes, autour d’une logique presque exclusivement économique, prédomine actuellement, ce d’autant plus qu’elle représente un secteur porteur et compétitif pour l’Union européenne, avec quelque 540 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel.

L’ambition d’une échelle européenne pour mener des politiques culturelles paraît cependant, à l’ère numérique et des géants du Net, la seule légitime : « L’Acte II de l’exception culturelle à l’ère numérique doit être un Acte II européen, faute de quoi il sera voué à l’échec », soulignait Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, dans son discours prononcé le 27 septembre dernier.

Si la culture nous apparaît comme essentielle à la refondation du projet européen, quels sont aujourd’hui les axes à privilégier et les mesures proposées ?

Le temps accéléré du numérique et la lenteur du processus législatif européen interdisent à la politique culturelle européenne de s’égarer (trop) longtemps. Les chantiers à venir, encore trop nombreux et urgents, doivent davantage prendre en compte les auteurs qui nourrissent la diversité culturelle et s’articuler autour des priorités suivantes : encourager le développement des acteurs européens qui financent et éditorialisent le cinéma européen ; insérer les géants mondiaux du Net dans la fiscalité et l’économie de la création et lutter contre le piratage.

 

Rappel des principales mesures de politique culturelle européenne de 2016

Le 25 mai 2016, la Commission européenne publie sa proposition de révision de la Directive « Services de Médias Audiovisuels », qui prévoit des dispositions d’objectifs d’intérêt général, notamment relatives à l’exposition des œuvres européennes (avec un quota minimal d’exposition) et à la contribution dans la production cinématographique européenne des Services de médias audiovisuels.

Sur ces deux points précis, la proposition de révision abandonne la notion du « pays d’origine », pour adopter celle de « pays de destination », c’est-à-dire qu’elle permet désormais aux États membres d’imposer des contributions au financement de la création à l’ensemble des services de vidéo à la demande qui ciblent leur territoire, même lorsqu’ils sont implantés dans un autre État membre.

D’autre part, elle intègre désormais dans le champ d’application les plates-formes de partage de vidéos, obligeant les éditeurs (si leur chiffre d’affaires annuel net est supérieur à 10 millions d’euros) de contribuer financièrement à la production d’œuvres européennes et d’avoir, dans leurs catalogues, un minimum obligatoire de 20% d’œuvres européennes.

« En modernisant enfin les règles de financement de la création par les plates-formes, tout en préservant les principes fondamentaux, la Commission offre une vision rassurante de l’Europe […], surtout elle souhaite enfin privilégier la vertu du financement de la création. Elle appréhende autrement les acteurs mondialisés qui se sont spécialisés dans l’évasion fiscale culturelle, et dans une forme de phobie administrative. »

Le 14 septembre 2016, la Commission a publié son « Paquet droit d’auteur », dont les propositions se déclinent en cinq textes (une communication, deux directives et deux règlements).Ce « paquet » est équivoque : engageant, voire constructif dans ses intentions, mais imprécis, voire inadapté et potentiellement déstabilisant pour l’écosystème du secteur, dans ses dispositifs.

La Commission européenne semble avoir abandonné son projet de licence paneuropéenne et aborde l’enjeu du partage de la valeur entre créateurs et les intermédiaires qui mettent massivement en ligne des œuvres. Elle témoigne aussi d’une certaine ambition avec des initiatives ciblées en termes de circulation des œuvres (aux moyens néanmoins limités).

Certaines dispositions, telles que l’extension du principe du pays d’origine au numérique, demandent à être précisées, discutées et analysées afin de mesurer si ces solutions ne fragilisent pas les principes fondamentaux sur lesquels reposent l’écosystème du secteur, comme la légitimité du principe de l’exclusivité territoriale.

Ces textes prévoient aussi des mesures d’accompagnement, via des dispositifs non législatifs, dont le volet Media d’Europe Creative, qui célébrait en 2016 son 25e anniversaire.

 

Synthèse de la note préparatoire au débat accessible ici

 

INTÉGRALITÉ DE L’INTERVIEW À DÉCOUVRIR EN VIDÉO…