Rencontre autour du lancement de la gamme Lectrosonics D Squared

Il y a quelques mois, à  l’occasion du lancement de la gamme HF numérique D Squared de Lectrosonics, nous avons rencontré Philippe Sadoughi, directeur de JBK Marketing et importateur officiel de la marque depuis bientôt un an. L’occasion de faire le point sur l’offre de ce constructeur américain leader sur son marché, mais encore relativement peu connu dans l’Hexagone.
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J’ai découvert, pour ma part, les produits Lectrosonics il y a une bonne quinzaine d’années, en travaillant sur une production franco-canadienne qui fournissait son propre matériel. À l’époque, les récepteurs portables étaient plutôt imposants, gourmands en piles et la connectique mini-XLR présente sur les émetteurs me paraissait moins sophistiquée que celle que nous connaissions sur les produits européens. J’avais malgré tout été frappé par la robustesse de la fabrication, la qualité de son, et la portée HF de ses liaisons. La marque a ensuite été importée par Tapages qui a contribué à la populariser, notamment sur les applications de tournage cinéma et TV.

En allant faire un tour sur le site du constructeur américain, j’ai été étonné par l’ampleur du catalogue et la nature des témoignages de clients qui, outre le broadcast et le cinéma, évoluent également en sonorisation, dans le monde du spectacle et de l’institutionnel, des spécialités où EVI Audio vient d’ailleurs épauler JBK.

C’est dans ce contexte qu’intervient le lancement de la gamme D Squared, un système de transmission HF audio entièrement numérique qui comprend le récepteur quatre canaux Dante au format demi-rack DSQD, l’émetteur ceinture DBu et l’émetteur main DHu. Pour quels types d’utilisation et avec quels arguments face à la concurrence ? Le point avec Philippe Sadoughi.

 

 

Mediakwest : Depuis quand JBK Marketing est-il importateur de Lectrosonics en France ?

Philippe Sadoughi : Nous avons finalisé nos accords de représentation pour la France avec Lectrosonics en décembre 2018. Nous assurons l’importation, la distribution et le service après-vente en France pour toute la gamme Lectrosonics.

 

M. : Comment cette nouvelle activité démarre-t-elle ?

P. S. : Très bien. Le travail de fond à effectuer en France reste néanmoins très important car la marque n’est connue que des spécialistes, des connaisseurs et des passionnés du haut de gamme.

 

M. : Un mot sur la position de Lectrosonics aux États-Unis et les spécificités du marché français vs le marché américain ?

P. S. : Aux USA, Lectrosonics a été le premier à s’intéresser au marché professionnel et garde donc une place prépondérante. C’est de loin le standard incontesté dans le broadcast, le cinéma, le théâtre, la comédie musicale et l’installation. La marque est réputée pour fournir une portée satisfaisante, même dans des conditions difficiles et des environnements perturbés, notamment grâce à la précision de ses filtres HF. Par exemple, à Broadway Lectrosonics est le premier choix pour les grandes comédies musicales (King Kong, Le Roi Lion, Frozen) où l’on retrouve notamment beaucoup d’émetteurs miniatures SSM Lectrosonics associés à des récepteurs Venue2. Idem dans l’industrie du cinéma californien, autant pour les liaisons HF diverses que pour les enregistreurs miniatures équipés de time code PDR/SPDR utilisés récemment sur Mission Impossible, sans oublier les systèmes IFB très appréciés pour déployer sur le terrain un monitoring casque stable et de bonne qualité.

D’autre part, les produits sont vraiment conçus pour affronter les rigueurs et les conditions environnementales extrêmes que l’on connaît aux USA. On retrouve donc des boîtiers quasi « tout-métal », usinés dans la masse. Tout est « fait maison ». Il faut noter aussi qu’outre Atlantique, les puissances utilisables peuvent atteindre 100 voire 250 mW moyennant une licence, alors qu’en Europe nous sommes limités à 50 mW.

Par contre, nos environnements HF sont plus denses en Europe, avec davantage de fréquences et d’appareils sur de plus faibles distances, et c’est justement les performances de réjection des liaisons Lectrosonics qui commencent à séduire les utilisateurs en France. Dans certains pays voisins comme le Royaume-Uni, cette réputation est déjà en place depuis un grand nombre d’années. En France, la marque a déjà de fervents adeptes, mais un gros travail de communication reste à faire…

 

M. : Comment cette nouvelle gamme D Squared se singularise-t-elle ?

P. S. : La nouvelle série 100 % digitale D Squared représente chez Lectrosonics la quatrième génération de produits basée sur une architecture numérique. Elle bénéficie donc de l’expérience acquise depuis 2001, année de la présentation de la première liaison numérique par Lectrosonics ; puis la technologie Digital Hybrid. Ces nouveaux systèmes sont compatibles avec la gamme Duet sortie en début d’année et rétro-compatibles avec les liaisons Digital Hybrid. En mode numérique, ils permettent une transmission de 20 Hz à 20 kHz avec une latence ultra réduite (1 ms en numérique).

Le récepteur quatre canaux est particulièrement compact puisqu’il n’occupe qu’une demi-largeur de rack sur 1U. Il est doté de sorties analogiques et Dante. Son système de distribution de signal d’antenne sans perte intégré permet de ne déployer que deux antennes pour les quatre récepteurs, tandis que le chaînage vers un deuxième châssis est prévu. Enfin, la possibilité d’encryptage AES256 CTR permet d’assurer la confidentialité des transmissions.

 

M. : Parmi les freins à la banalisation de la HF numérique auxquels les différents constructeurs se trouvent confrontés, on peut citer : la température de fonctionnement souvent élevée, la portée et l’autonomie souvent plus faible qu’en analogique ou encore la latence. Où se situe D Squared sur ces points ?

P. S. : En mode full digital, la gamme D Squared bénéficie d’une latence très faible (1,4 ms de Analog In à Analog Out + délai du réseau Dante). Après, la forte consommation du numérique est incontournable, mais Lectrosonics a mis au point de nouveaux circuits à très faible consommation et haut rendement, ce qui diminue la déperdition thermique. Ainsi, l’émetteur ceinture DBu et l’émetteur main DHu ont tous deux une autonomie de 3h30 sur pile alcaline et 7 heures sur pile lithium ; et ce, calés sur 50 mW de puissance d’émission.

 

M. : Un mot sur la technologie de diffusion et le codec utilisé ?

P. S. : Il s’agit d’une technologie « maison » dont nous ne divulguons pas pour l’instant les détails.

 

M. : À propos d’éventuels développements futurs de la gamme D Squared, est-ce qu’un récepteur portable est prévu ?

P. S. : Dans la gamme d’IEM Duet System, le récepteur pocket numérique stéréo/deux canaux M2R existe déjà, mais je ne peux pas encore avancer de date précise…

 

M. : L’ergonomie du récepteur, architecturée autour d’un écran couleur de taille respectable, semble avoir été travaillée. Quid de celle des émetteurs qui ont la réputation de demander un temps d’apprentissage ?

P. S. : Évidemment, sur l’émetteur miniature SSM, l’écran est petit et les segments sont grands afin de garder une bonne lisibilité. Vu le type d’utilisation du produit et afin d’éviter tout déréglage accidentel, il faut passer par une combinaison de touches pour entrer dans le menu configuration. Par contre, sur les nouveaux émetteurs numériques, l’écran est plus grand et on entre très simplement dans la configuration via la touche Menu, mais nous conservons des segments de grande taille pour une bonne lisibilité car tout le monde n’a pas gardé des yeux d’ados…

 

M. : Quelles sont les utilisations possibles pour cette nouvelle gamme ?

P. S. : Avec ses caractéristiques (qualité audio, faible latence, compatibilité Dante, format compact, large-bande HF 470-614 et grande portée), elle peut séduire de nombreux utilisateurs, notamment dans des applications de roulante cinéma, plateau TV, concert et installation…

 

 

LECTROSONICS : UN CATALOGUE À DÉCOUVRIR

Lectrosonics démarre son activité en 1971 avec, à l’époque, la gamme de systèmes de sono portable Voice Projector, tandis que les premiers produits HF sortent dès 1975, basés d’abord sur une activité OEM qui évoluera progressivement vers des produits originaux. Étant l’un des premiers à investir le marché professionnel de la transmission audio sans fil aux USA, Lectrosonics reste leader aujourd’hui. Historiquement, on doit à la marque son procédé Digital Hybrid breveté en 2007.

Lectrosonics a su également se distinguer en proposant des émetteurs ceintures originaux comme le petit SSM au format briquet Zippo, ou encore le WM complètement étanche. Quasi inconnue en France, la gamme Aspen se destine à l’installation et comprend entre autres des matrices de distribution numérique, des systèmes de mélanges automatiques pour la conférence ou encore des boîtiers de conversion Dante.

Juste avant la gamme D Squared, Lectrosonics a lancé le Duet IEM System, une nouvelle gamme numérique dédiée au monitoring casque. Elle comprend l’émetteur stéréo DCHT pour caméra qui, dans un format portable, permet de déployer un monitoring deux canaux sur une seule porteuse et accepte un signal AES, micro ou ligne en entrée. On y trouve également l’émetteur fixe M2T qui propose quatre canaux format demi-rack et existe en version Dante, ainsi que le récepteur ceinture M2R.

 

 

DIGITAL HYBRID ET MODÉLISATION

Le procédé Digital Hybrid se singularise par la transmission d’un signal numérique sur une porteuse FM Analogique, supprimant ainsi la nécessité du compandeur (procédé qui prévoit une compression à l’émission, puis une expansion à la réception NDLR). Cette technologie améliore la dynamique, le rapport signal/bruit et bande passante, supprime les artefacts dus au compandeur et constitue encore aujourd’hui la spécificité des gammes fixes (sonorisation, plateau, installation) et portables (ENG, cinéma) du constructeur.

« Toute la gamme Digital Hybrid est néanmoins compatible avec la plupart des liaisons analogiques grâce à une modélisation par DSP des principaux compandeurs du marché. On peut ainsi utiliser soit des émetteurs Lectrosonics sur des récepteurs d’autres marques, soit le contraire ; sachant que seul le mode Digital Hybrid pur garantit une transmission aussi fidèle qu’un câble », ajoute Philippe Sadoughi, qui précise : « C’est d’ailleurs le seul système référencé par Smaart pour les mesures acoustiques sans fil. Cette technologie hybride permet d’associer la faible consommation et la grande portée de la modulation de fréquence (FM) analogique avec la linéarité du signal numérique échantillonné en 24 bits/88 KHz. ».

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #33, p.24/25. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.