Les mesures d’aides pour reconstruire le secteur audiovisuel

Fermeture des salles de cinéma et de spectacle, arrêt des tournages, auteurs sans travail, techniciens sans missions, baisse des recettes publicitaires des chaînes de télévision : depuis début mars, le secteur du cinéma et de la télévision vit un véritable cauchemar.
Parc de salles de cinéma en Europe.

Face à cette catastrophe économique, les pouvoirs publics ont décidé de procéder en deux temps : d’abord en mettant en place des mesures d’urgence, ensuite en essayant de garder le cap de la nouvelle loi audiovisuelle et de la transposition de la directive européenne SMA (Services de médias audiovisuels).

 

La culture, après le tourisme et l’automobile

Toutefois, les décisions prises par l’État ne donnent pas satisfaction à une grande partie des professionnels qui estiment que ce dernier a privilégié d’autres secteurs, comme le tourisme et l’automobile. Ainsi, dans un communiqué du 14 mai, la SACD écrit : « L’impact est terrible pour les auteurs dont beaucoup ne toucheront plus de revenus pendant plusieurs mois ou connaîtront de lourdes chutes d’activité. Plus généralement, c’est l’ensemble des professionnels et des entreprises de la création, de la culture, de l’audiovisuel, du cinéma et du spectacle vivant qui souffrent et dont l’avenir est incertain (…) Un mois plus tard, la concomitance de l’annonce d’un plan gouvernemental de relance pour le tourisme et l’absence de perspectives d’un plan analogue et massif de relance pour la culture soulève l’incompréhension et inquiète les auteurs. »

Le Panorama des Industries Culturelles et Créatives 2019 réalisé par EY et France Créative nous apprend que le secteur de la culture pèse 91,4 milliards d’euros de recettes en 2018 et concerne 1,3 million de personnes qui ont tiré un revenu direct ou indirect, principal ou ponctuel, d’une activité culturelle ou créative en 2018. À cela il faut ajouter le fait que la France est le premier parc de salles en Europe avec près de 6 000 écrans.

 

Le long chemin de la reprise

Alors que le déconfinement a démarré le 11 mai, la reprise des tournages se fait très lentement et la réouverture des cinémas s’inscrit dans un calendrier long. Dans un entretien accordé au Film français le 22 mai, Franck Riester, le ministre de la Culture précise : « L’objectif est de voir si fin mai-début juin, lors du prochain point, nous pourrons annoncer une ouverture début juillet. C’est ce sur quoi nous travaillons. Si les conditions épidémiologiques le permettent, nous serons prêts pour le faire. Les salles auront les guides sanitaires pour rouvrir, il y aura bien le délai de quatre semaines. Reste le point le plus sensible, celui de l’ouverture dans toute la France en même temps. »

Pendant ce temps, les cinémas sont à l’arrêt, entraînant dans la tourmente toute la profession. Entre temps il a été annoncé que les salles de cinéma pourraient rouvrir à partir du 22 juin.

 

Les dispositifs mis en place par le CNC

Le CNC a mis en place un certain nombre de dispositions afin d’apporter une aide rapide et significative aux professionnels. L’une des décisions les plus commentées a consisté à accorder, à titre exceptionnel, une réduction du délai d’exploitation en salle (normalement d’une durée de quatre mois) pour une diffusion en vidéo à la demande à l’acte ou pour une exploitation en DVD des films déjà sortis à la date du 14 mars dernier. C’est dans ce cadre que plus de 60 films ont déjà bénéficié d’une autorisation de diffusion anticipée en application de l’article 17 de la loi d’urgence du 23 mars 2020.

Mais c’est sur le volet financier que le CNC a été amené à prendre des mesures de sauvegarde du secteur afin d’éviter les faillites en cascade. Ces mesures se déclinent à la fois par un report des paiements à effectuer au profit du CNC et une anticipation d’un certain nombre de versements :

  • suspension du paiement au CNC, par les salles de cinéma, des échéances de mars et avril 2020 de la taxe sur les entrées en salles de spectacles cinématographiques (TSA) ;
  • transmission, sur le site cinedi.com, des déclarations de recettes jusqu’à la semaine cinématographique du mercredi 11 mars au mardi 17 mars afin que les calculs de soutiens générés puissent se poursuivre ;
  • télédéclaration avant le 25 avril de la TSA assise sur les entrées de mars enregistrées jusqu’à la fermeture des établissements. Comme indiqué précédemment, le prélèvement des sommes ainsi déclarées est suspendu ;
  • paiement anticipé par le CNC, dès le début du mois d’avril, des aides financières aux salles Art et Essai (16,5 millions d’euros) et des aides sélectives à la distribution (5,5 millions d’euros) ; versement dès le mois de mai des aides financières aux salles à « programmation difficile » (1,7 million d’euros) ;
  • possibilité ouverte à toute entreprise détentrice d’un compte automatique de soutien auprès du CNC – producteurs, distributeurs, exploitants, éditeurs vidéo, exportateurs – de mobiliser par anticipation, avant même d’être en mesure de développer ses nouveaux projets, 30 % des sommes qui sont inscrites sur ce compte pour faire face à des besoins de trésorerie pressants en lien direct avec les conséquences de l’épidémie, que les mesures générales de l’État (cf. ci-dessous) ne lui permettraient pas de surmonter ;
  • maintien du montant intégral des subventions du CNC aux manifestations, notamment les festivals, annulées pour raisons sanitaires ;
  • abondement par le CNC du fonds de solidarité créé par la SACD permettant de verser une aide d’urgence de 1 500 euros par mois aux auteurs dont l’activité est particulièrement affectée par la crise et qui n’ont pu être éligibles au fonds de solidarité créé par le gouvernement au bénéfice des TPE et indépendants ;
  • abondement par le CNC du fonds de solidarité créé par la Scam permettant de verser une aide d’urgence de 1 500 euros par mois aux auteurs et autrices de documentaires audiovisuels aidés par le CNC dont l’activité est particulièrement affectée par la crise et qui n’ont pu être éligibles au fonds de solidarité créé par le gouvernement au bénéficie des TPE et indépendants ;
  • pour accompagner les industries techniques dans leurs projets d’investissement liés à l’organisation du travail à distance et aux plans de reprise d’activité, lancement d’un appel à projet dédié par le CNC ; au-delà de la période de crise, ces investissements sont destinés à accroître durablement la compétitivité de la filière.

 

Enfin, Franck Riester a annoncé, suite à l’allocution du président de la République du 6 mai dernier, qu’un fonds public d’indemnisation pour garantir les tournages est en train d’être finalisé avec le CNC. Il sera abondé par les régions, cofinancé par les assureurs et éventuellement les banques et le secteur privé, impliqués dans le secteur du cinéma comme les Sofica. Ce fonds pourrait voir le jour le 1er juin et devrait être géré par le CNC et doté d’environ 50 millions d’euros, avec la mise en place d’un plafond d’aide aux producteurs.

 

La SACD défend les auteurs

La SACD se mobilise pour venir en aide aux auteurs durement impactés par la crise du Covid-19 avec la mise en place de deux fonds d’aide.

  • Le Fonds Télévision, Cinéma, Animation, Web : ce fonds créé et géré par la SACD, avec la participation financière du CNC, a pour objet d’attribuer aux auteurs d’œuvres cinématographiques, audiovisuelles et web ne bénéficiant ni d’aides au titre du Fonds de solidarité nationale, ni d’une mesure de chômage partiel supérieure ou égale à 1 500 euros, des aides destinées à leur permettre de faire face à une baisse de leurs revenus liée à la crise sanitaire actuelle.
  • Le Fonds d’Urgence Solidarité : un dispositif mis en place au lendemain des premières mesures de confinement destiné à soutenir les auteurs les plus en difficulté : ceux qui ne bénéficient d’aucun revenu fixe, ni allocation de retraite, ni salaire. La mairie de Paris apporte son soutien à ce fonds : pour les auteurs parisiens, le montant de l’aide peut être doublé.

 

La Scam mobilise un million d’euros pour aider les auteurs et autrices

Les aides de la Scam visent tous les auteurs et autrices de tous les répertoires à travers trois dispositifs :

  • augmentation de son fonds d’aide sociale d’urgence destiné à ses membres en situation de fragilité financière due à une baisse soudaine de leur activité professionnelle, causée par la crise sanitaire. Cette aide prend en compte à la fois la perte de revenus et la situation économique et sociale d’ensemble. Modulable (et non forfaitaire) cette aide préserve l’anonymat de celles et ceux qui en feront la demande ;
  • la Scam crée un fonds de solidarité abondé par le ministère de la Culture via le CNC, permettant de verser une aide d’urgence de 1 500 euros par mois aux auteurs et autrices de documentaires audiovisuels aidés par le CNC dont l’activité est particulièrement affectée par la crise et qui n’ont pu être éligibles au fonds de solidarité créé par le gouvernement au bénéfice des TPE et indépendants ;
  • enfin pour les écrivains et écrivaines, mais aussi pour les photographes ou les illustrateurs et illustratrices ayant un projet de livre, la Scam participe au fonds d’un million d’euros débloqué par le CNL et géré par la Société des gens de lettres.

 

Éviter le pire

Ces mesures sont considérées comme insuffisantes par une partie de la profession qui demande la mise en place d’un plan d’urgence global afin d’éviter une hécatombe de faillites et de licenciements. De nombreuses entreprises de l’audiovisuel et des médias sont des petites structures, donc forcément fragiles et incapables de faire face à une période d’inactivité de plusieurs mois. Même les grands groupes rencontrent des difficultés, à l’image du spécialiste des technologies du cinéma, Ymagis, qui s’est vu refuser par ses banques un prêt garanti par l’État.

Les prochaines semaines s’annoncent donc déterminantes : annonce de la réouverture des salles à une date qui reste à définir, reprise des tournages, nouvelles dispositions d’accompagnement des entreprises les plus touchées, nouveau calendrier pour l’examen du projet de loi audiovisuelle et la transposition de la directive SMA et, enfin, modalités de « réarmement » du CNC pour reprendre les propos du ministre de la Culture.

 

Les adresses utiles

> Le CNC : https://www.cnc.fr/professionnels/actualites/covid-19–informations-du-cnc_1139648

> La SACD : https://www.sacd.fr/fonds-sacd-durgence-covid-19-0

> La Scam : http://www.scam.fr/detail/ArticleId/6485/Covid-19-et-la-Scam#1

> Le ministère de la Culture : https://www.culture.gouv.fr/Aides-demarches/Covid-19-le-ministere-informe/Covid-19-les-dispositions-pour-la-Culture-secteur-par-secteur

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #37, p. 64-66. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.


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