Les nouveaux usages du cloud

Depuis cinq ans, le cloud a largement pénétré les esprits des professionnels de l’audiovisuel, mais encore assez peu les usages. Sa progression reste particulièrement lente dans la filière cinéma et TV comparée à d’autres. Il croît principalement au rythme d’usages inédits liés à ses capacités de calcul et de stockage quasi illimitées, ainsi qu’au partage des médias et à l’exposition des données qu’il permet. Inventaire de quelques-unes de ses nouvelles tendances et applications.*
CLOUD.jpg

 

On l’oublie souvent, mais une des applications du cloud computing les plus anciennes au sein de la filière audiovisuelle et cinéma réside dans l’utilisation de « fermes » de rendus 3D en vue du calcul de rendu des effets visuels numériques de séquences d’effets spéciaux numériques ou d’animation, particulièrement gourmandes en traitement de données. Depuis près d’une dizaine d’années, des spécialistes du domaine, comme Autodesk, proposent même régulièrement cette possibilité en parallèle de leur outil d’édition.

 

Ce qui est plus récent, en revanche, est l’intérêt que portent des acteurs incontournables du cloud computing comme Google à cet usage, avec des offres de services particulièrement accessibles, performantes, qui permettent à des studios de toute taille de limiter la prise de risque sur des projets ambitieux en accédant ponctuellement à des moyens de calcul très performants.

 

À cet égard, l’expérience de Imagine In Network, en tant que jeune spécialiste de l’intégration des offres de services de Google Cloud Platform à destination des studios 3D, est intéressante. Depuis deux ans ce prestataire propose de dimensionner, paramétrer et intégrer les « machines virtuelles » de rendu 3D proposé par la firme de Mountain View.

 

Pour son fondateur Fabien Illide : « Le rendu en images de synthèse dans le cloud est devenu au moins aussi performant vis-à-vis de l’acquisition de machines en interne… avec la flexibilité en plus. Il est possible de louer des fermes de calcul hautes performances, dont chaque unité est équipée de processeurs à 64 cœurs (au lieu de 32 cœurs jusqu’ici) et 416 gigabits de RAM. De même, Google a noué un partenariat avec Intel, afin de rendre disponible dans son offre de calcul dans le cloud la dernière génération de processeurs Intel Skylake équipés de puissances de calcul augmentées et qui peuvent s’adosser à des capacités graphiques allant jusqu’à huit cartes Tesla K80 par machine. » Avec de telles configurations, il est notamment possible de réduire le nombre de licences utilisées et d’optimiser ses temps de rendu 3D.

 

Les solutions pour interfacer ces fermes de rendu dans le cloud avec sa propre infrastructure informatique se simplifient également. Un studio de VFX ou d’animation a deux workflows possibles à sa disposition : soit il a des besoins de rendus réalisables à partir de logiciels courants comme 3DS, Cinema4D… auquel cas, il peut gérer ses rendus via un service standard comme Zync, commercialisé également par Google ; soit, pour un studio disposant d’outils de compositing « maison » ou de nombreux plugins en surcouche de logiciels du marché, il lui est possible de configurer une extension dans le cloud de son réseau local. Cela, de sorte qu’à partir de chaque poste de travail, il est possible de voir les « machines virtuelles » de rendu dans le cloud fonctionner à l’intérieur de son outil de gestion des rendus 3D. C’est ce dernier type de configuration sur mesure que Imagine In Network a installé en 2016 chez Fix Studio, qui utilise désormais régulièrement les ressources de la plate-forme cloud Google.

 

Dorénavant, il est également possible, grâce à des solutions du type cloud hybride comme celle proposée par Avere, d’installer un système de cache dans le cloud directement lié via une passerelle matérielle aux stations de travail du studio. Ainsi, les stations de travail vont utiliser, à la moindre opération 3D, cette mémoire-cache pour calculer des textures ; les médias en cours de calcul resteront stockés dans le cloud de manière transparence pour l’infographiste. En outre, Avere a mis au point un principe de transit sécurisé des données qui permet à un studio de calculer le rendu d’une scène 3D entièrement dans le cloud, tout en autorisant la lecture des fichiers définitifs uniquement sur les stations de travail du studio.

 

D’après les premières constatations de Imagine In Network, hormis la première salve d’envoi des fichiers dans le cloud, les temps de latence de ce genre de workflow sont tout à fait acceptables dans le cas de figure où l’on utilise 200 fermes de rendus dans le cloud, via une connexion Internet à 100 Mbit/s. Il est notable aussi de constater que cette solution de cloud hybride est labellisée par les studios hollywoodiens MPAA et a été utilisée récemment par le studio MPC qui a réalisé les nombreux effets visuels numériques de la nouvelle adaptation en long-métrage de Disney du « Livre de la jungle ». Afin de satisfaire aux exigences de sécurisation de Disney, Google n’a pas hésité à garantir que tous ses composants en datacenter étaient identifiés (sic).

 

 

Stocker ses médias de production dans le cloud

Avec le calcul des rendus 3D, le stockage des médias est l’usage le plus emblématique du cloud aujourd’hui. Par essence même, le concept de cloud réside dans cette promesse, plus théorique que réelle, qui consiste à proposer des espaces de stockage illimités dont les prix seraient exactement proportionnels au volume de médias que l’on sauvegarde.

 

Cependant, dans la pratique depuis quelques années, maintenant que les offres de stockage dans le cloud existent, de nombreux acteurs de la filière audiovisuelle ont fait l’amère expérience d’une note mensuelle salée de services cloud, pour ne pas avoir suffisamment optimisé leurs services entre les différentes offres de stockage qui varient fortement selon le niveau de disponibilité des médias souhaité. De même, si le cloud permet le contrôle et le transfert des fichiers et métadonnées selon des règles simples à l’intérieur d’une même plate-forme cloud, bien des acteurs de la filière ont déjà entrevu l’écueil à long terme qui réside dans l’absence de règles standards pour migrer ses médias et données d’un fournisseur cloud à un autre.

 

Pour éviter ces écueils, Julien Gachot, fondateur de la société Ivory, a décidé d’adopter une démarche pragmatique en s’appuyant en priorité sur des solutions techniques ouvertes sur le cloud et qui répondent aux contraintes des métiers audiovisuels. « Tout le monde veut faire du cloud, mais chacun va en faire un usage différent, souligne-t-il. Les premières questions à se poser consistent à savoir quelles sont les données critiques de mon entreprise audiovisuelle que je souhaite garder sur mes propres infrastructures ou dans un cloud privé. Quelles sont celles que j’accepte de placer dans un cloud public ? De même, pour des raisons liées à la disponibilité des applications en ligne, l’entreprise doit arbitrer dans le choix des services métiers qu’elle va opérer dans le cloud ou sur ses propres infrastructures ».

 

D’ailleurs, l’externalisation de certaines tâches au sein de ressources virtualisées ne signifie pas systématiquement qu’il faille les installer au sein de plates-formes cloud génériques comme AWS ou Azure. Certains professionnels de la gestion des workflows TV, comme Arkena, Ericson ou BCE, préfèrent nouer des partenariats au cas par cas avec des acteurs, présents dans le cloud ou pas, qui proposent avant tout des services virtualisés totalement adaptés aux besoins des opérateurs de la filière audiovisuelle.

 

Quelles applications métier dans le cloud ?

Au cœur de cette analyse qui traverse actuellement l’esprit des chefs d’entreprise de la filière audiovisuelle, il est en particulier important pour chacun de se recentrer sur ces métiers de base et d’identifier ce qui, dans les tâches quotidiennes réalisées autour des programmes audiovisuels, peut être « cloudifié ».

 

On pense notamment à toutes les opérations autour du stockage de sauvegarde, au partage des médias, à leur transcodage et à la mise à disposition des fichiers en vue de leur distribution en OTT qui sont la base aujourd’hui des stratégies de migration des acteurs vers des plates-formes cloud. Un incontournable du cloud lui-même, comme Amazon en 2016, indique d’ailleurs le mouvement en rachetant en 2016 la société Elementals spécialisée dans l’encodage, afin d’intégrer la brique transcodage à son offre.

 

En fait, la vitesse de pénétration du cloud dans la filière audiovisuelle est le plus souvent directement liée à l’avantage, en termes d’usage, engendré par une nouvelle application qui va s’avérer disruptive par rapport au mode de fonctionnement existant. Muriel Bellac, fondatrice de Videomenthe, l’a particulièrement bien compris. Elle compte notamment sur les possibilités collaboratives offertes par son portail d’applications en ligne de mise en conformité des fichiers « Prêts à Diffuser », ainsi que sur l’émergence de nouvelles demandes comme la mise en conformité dès l’upload sur serveur des fichiers émanant de reportages réalisés à l’aide d’un smartphone.

 

« En outre, cela tient aussi au fait que la technologie cloud touche tous les maillons de la chaîne technique de production et de distribution audiovisuelle et à ce titre nécessite une forte coordination des moyens techniques et financiers pour faire migrer tous les maillons d’une infrastructure et des applications avec cohérence », ajoute Muriel Bellac.

 

Le stockage média dans le cloud : entre PRA et cloud hybride

Une autre tendance clé depuis plusieurs mois est l’utilisation des plates-formes cloud comme des ressources informatiques externes permettant de déborder, lors des pics de charge de ses capacités informatiques internes, sans avoir besoin d’investir lourdement dans des infrastructures supplémentaires. Cette tendance débouche aussi sur un usage du cloud computing en tant qu’outil de réplication à grande échelle de ses médias, synchronisés ou pas, en vue d’assurer un Plan de Reprise d’Activité (PRA).

 

Là où jusqu’à présent, à la suite d’une panne importante de son infrastructure interne, une chaîne de télévision reprenait à partir des médias stockés sur une infrastructure physique de secours installée dans ses locaux, dans un datacenter ou chez un prestataire spécialisé, on voit émerger des stratégies de PRA à partir des médias provenant d’un site distant dans le cloud.

 

Un tel choix nécessite de se poser quelques questions stratégiques au préalable, du type : quels médias vont être redondés sur ces sites multiples ? Quels médias vont être en priorité opérés sur des infrastructures gérées en interne ou dans un cloud privé et quelles copies de ces médias vont être déportées dans le cloud public ? Avec quel niveau de sécurité et de disponibilité des médias ? Ces différentes ressources vont-elles être synchronisées via des API ?

 

Ces questions doivent en particulier être tranchées à l’aune des questions de sécurité, de la taille de l’entreprise concernée et de la souplesse offerte dans la gestion des données qui sont devenues une des valeurs centrales de toute société de production ou postproduction audiovisuelle.

 

Comme l’explique Antoine Patte, Sales Director au sein de la société Scality, spécialisée dans le stockage volumétrique : « Quand on est une entreprise audiovisuelle d’une certaine taille, on peut avoir intérêt, sur le plan de la fluidité organisationnelle entre filiales, à utiliser le cloud comme une redondance pour effectuer facilement son PRA, mais aussi synchroniser l’ensemble des fichiers et leurs métadonnées entre les différents sites et métiers de l’entreprise. Les solutions du type cloud hybride et stockage en mode objet permettent alors de disposer de passerelles entre l’ensemble des protocoles de gestion des fichiers et données. »

 

Dans ce contexte, le protocole S3 d’AWS est devenu un standard de fait pour assurer la continuité des métadonnées au sein de workflows complexes. C’est le choix qu’a fait par exemple l’agence de presse internationale Bloomberg Media spécialisée dans l’information financière. Elle a synchronisé l’ensemble de ses rédactions TV sur la planète via une infrastructure cloud, couplant cloud privé et cloud public avec le stockage objet sécurisé de dernière génération de Scality. L’enjeu principal était de rendre pérennes et exploitables les nombreuses métadonnées générées par les quelque 1 700 journalistes de la chaîne répartis dans 120 pays.

 

Pour Loïc Barbou, du cabinet d’ingénierie Triskel en charge de l’ingénierie de ce projet de transformation numérique chez Bloomberg Media, « l’implémentation d’une telle plate-forme globale dans le cloud a demandé un gros travail de mise à plat de l’interaction des systèmes de stockage entre eux. Il a notamment fallu créer une fédération des services émanant du cloud et exposer des passerelles entre le protocole de gestion de fichiers de Microsoft SMB, le Network File System et le S3 utilisé dans le cloud, afin de faire fonctionner correctement l’ensemble des éléments de l’infrastructure ».

 

À l’occasion de ce projet, Scality a pu implémenter certaines fonctions nouvelles qui pérennisent les médias et métadonnées comme le versioning des objets stockés qui garantit que chaque opération dans le bucket de S3 est identifiée par un marqueur alors que les métadonnées et l’horodatage restent inchangés. Ainsi, pour récupérer un objet dans sa bonne version il suffit de demander le nom de l’objet et son marqueur de version par une simple requête Get. De même, Scality dans sa version 7, offre la possibilité d’utiliser le protocole WORM (Write Once Read Many), bien pratique pour vérifier la conformité d’un objet stocké, puisqu’il permet aux utilisateurs de n’écrire qu’une fois la donnée sans pouvoir réécrire dessus ou la supprimer.

 

Amazon localise des serveurs en France

Cet exemple de Scality, qui propose des services de stockage dans le cloud évolués et sécurisés en se basant sur le protocole S3, n’est pas un cas isolé. Comme l’énonce Antoine Patte : « Du fait de la facilité qu’il procure dans la gestion des données associées aux contenus et dans le versioning, le protocole S3 est devenu un standard de fait sur le marché. Il permet de concevoir des applications de plus en plus complexes autour de contenus qu’elles valorisent de manière puissante. Un écosystème très dynamique se met en place autour de ce protocole qui va peu à peu déferler sur l’ensemble des filières industrielles. » Et il n’y a pas de raison pour que la vague Amazon ne s’accentue pas dans l’hexagone comme ailleurs dans le monde, car la multinationale va installer un datacenter d’ici la fin 2017 sur le sol français.

 

D’une manière générale, le cloud permet de migrer vers des systèmes de stockage beaucoup plus pro-actifs qu’auparavant avec une capacité à générer des micro-services à forte valeur ajoutée autour de l’extraction et de l’enrichissement des métadonnées, afin de mieux exposer les médias sur différents réseaux sociaux par exemple. Dans ce registre, une jeune entreprise nantaise, Clever Cloud, propose un environnement de développement facilitant la conception d’applications sur mesure compatibles avec l’API de AWS.

 

À la manière d’un PaaS (Platform as a Service), Clever Cloud propose une véritable boîte à outil destinée aux développeurs qui voudraient concevoir un service en ligne reposant sur le protocole S3, tout en n’étant pas contraints de stocker leurs médias sur les serveurs d’Amazon. Le PaaS a déjà attiré de grands éditeurs TV comme France Télévisions qui fait héberger par Clever Cloud l’application pour smartphones conçue autour de la série Cut. Dans un tel cas, l’intérêt était de pouvoir supporter des pics de charge importants pour cette série qui draine un large public sur les réseaux sociaux avec 100 000 fans sur Facebook et autant sur Snapchat.

 

Le cloud à la base des outils de travail collaboratifs

Parmi ces micro-services que le cloud fait émerger, les services en ligne de partage collaboratif des médias en cours de production ou de postproduction sont aussi légion. Pour n’en citer qu’un, Bubblz fait partie de ces jeunes pousses qui se sont appuyées sur les ressources d’AWS pour proposer un moteur de workflow en mode SaaS abordable et customisable qui séduit peu à peu les acteurs des industries créatives. Bubblz se présente comme un assistant de production numérique destiné à faciliter le quotidien des chefs de projets qui ont à l’occasion de chaque production des process de validation souvent répétés à mettre en place en interne et avec leurs clients.

 

Exemple : dans le domaine de la communication corporate où l’usage des clips vidéo se démultiplie, un studio de production spécialisé dans les films de voyage comme Clapnclip.com est en mesure de concevoir en moins de trois heures, via Bubblz, des workflows intégrant près d’une vingtaine d’étapes de validation. Clapnclip peut ainsi multiplier les projets en simultané, dont certains tournages se déroulent à l’étranger, en ne laissant jamais de place à l’improvisation. Bubblz est, du coup, devenu un élément central du modèle d’affaires du process de gestion des productions de ce studio agile.

 

France Télévisions, de son côté, utilise Bubblz pour gérer les workflows des clips vidéo de promotion des émissions du groupe destinés à être affichés sur les réseaux sociaux. Le groupe public est intéressé par les possibilités de partage et de validation simples entre les différents services du groupe concernés par ces auto-promotions. Fort de ces premiers succès et expériences, Bubblz va proposer des workflows préconfigurés pour chaque métier, sachant que les prix du service Bubblz sont proportionnels au volume de stockage utilisé, au nombre d’utilisateurs et au nombre de workflows mis en place.

 

Le triumvirat : big data, cloud et monétisation des contenus

Concernant la gestion des données associées aux médias et la monétisation des contenus audiovisuels, là aussi les experts les plus en pointe sur ces sujets recommandent le plus grand pragmatisme.

 

Pour Julien Gachot : « Que ce soit pour un producteur audiovisuel ou une chaîne de télévision, un big data installé dans le cloud ne devient intéressant que dans la mesure où celui-ci dispose de milliers de contenus à valoriser et d’une base de clients au minimum de plusieurs dizaines de milliers de personnes qui feront des micro-usages de ces contenus. Mais, pour la plupart des producteurs TV ou cinéma qui ont entre 1 000 et 2 000 programmes TV à monétiser et trois à quatre clients par pays (distributeurs, chaînes TV ou plates-formes OTT), un bon MAM et un CRM ouvert aux autres applications métier vers l’extérieur est suffisant. »

 

C’est pourquoi aussi Ivory préfère s’appuyer sur un MAM orienté « métier », mais ouvert et évolutif comme celui conçu par Cantemo pour accompagner ses clients. Ainsi, Cantemo propose aujourd’hui une nouvelle plate-forme hébergée dans le cloud, baptisée Iconik, qui permet de partager et exposer des contenus audiovisuels et leurs données associées en se reposant sur des solutions techniques de mise à jour dynamique des droits de validation ou de modification, y compris en situation de mobilité. Iconik peut également être connectée directement à des services de reconnaissance d’images à l’intérieur des vidéos comme Amazon Rekognition, Google Vision ou son équivalent chez Azure.

 

En intégrant ainsi ces outils émergents très puissants qui font appel au « machine learning », Cantemo propose aux utilisateurs de MAM d’enrichir aisément leur catalogue de métadonnées pertinentes qui serviront à mieux exposer les vidéos sur les moteurs de recherche ou via les algorithmes de recommandation des plates-formes SVOD.

 

Comme l’explique Julien Gachot : « Les métiers liés à la documentation et à l’indexation des contenus audiovisuels risquent d’évoluer fortement ces prochaines années sous l’effet d’outils big data aussi puissants que ceux proposés par les acteurs du cloud. Là où les documentalistes entraient manuellement toutes les métadonnées éditoriales liées à une vidéo, dorénavant ces métadonnées vont être générées automatiquement et le documentaliste n’aura plus comme tâche que de vérifier que ce thésaurus de mots-clés générés automatiquement par la machine suit la cohérence de la stratégie sémantique de l’éditeur du contenu. »

 

Le cloud pénètre l’archivage patrimonial

La simplicité d’usage du cloud est aussi en train de faire basculer le paradigme de la sauvegarde patrimoniale qui paraissait pourtant inamovible dans la filière audiovisuelle et cinéma. Beaucoup d’acteurs de la filière en effet semblent avoir fait le tour de la question concernant le LTO et sa complexité intrinsèque dès lors qu’on opère de multiples « librairies » et jongle entre de multiples générations de cartouches. De ce point de vue, le stockage à long terme sur disques durs, qu’il soit opéré sur des infrastructures internes ou dans le cloud, est suffisamment simple et peu coûteux désormais pour que l’usage se développe plus vite que l’achat de supports d’archivage sur bandes ou disques magnéto-optiques.

 

Comme l’explique Julien Gachot : « Les niveaux de prix et de sécurité du stockage sur disque, qu’il soit dans le cloud ou pas, sont devenus comparables à ceux du LTO, y compris sur le long terme, de sorte qu’on est en train de sortir peu à peu d’une décennie d’archivage sur cartouches LTO. »

 

Il faut dire que les trois grands acteurs du cloud, Amazon, Azure et surtout Google, ne mégotent pas sur la sécurisation des médias. Dans le cas de l’offre de stockage « froid » de Google par exemple, chaque lot de fichiers est redondé trois fois dans trois lieux différents. En outre, dans ce genre d’offre, les volumes d’archivage se présentent avec la même simplicité que dans une arborescence du type NAS, de sorte qu’il est possible de garder ses habitudes en matière d’organisation des fichiers.

 

Dès lors, même s’il reste encore de nombreux freins, en termes de protection et de confidentialité des données, à l’archivage long terme des vidéos dans le cloud d’acteurs internationaux régis par les lois américaines, à l’heure où les entreprises audiovisuelles sont souvent éclatées entre plusieurs sites distants et font appel à de nombreuses ressources externes à l’entreprise, disposer de ces médias froids dans le cloud offre une souplesse d’usage qui risque là aussi de faire la différence.

 

Cloud et chaînes OTT font bon ménage

Au bout de la chaîne de valeur audiovisuelle, la distribution des vidéos sur des plates-formes OTT est aussi un domaine qui a connu un véritable essor ces derniers temps grâce à l’usage du cloud computing. On ne compte plus en effet les services en ligne qui promettent de monter une chaîne OTT, linéaire ou à la demande (VOD Factory, Hubee, Kinow, IreplayTV…), en un temps record et avec des moyens financiers raisonnables.

 

Dans ce registre, même des acteurs français traditionnels de l’univers broadcast comme Chyro et Intellique sont en train de se repositionner conjointement pour proposer cet automne une offre commune d’intégration d’une chaîne complète de télévision reposant sur une plate-forme cloud. La promesse de cette joint-venture est que tous les éléments d’une chaîne linéaire de l’automation au stockage puissent être mis en place en quelques jours, et qu’il suffit ensuite d’interfacer le play-out avec une plate-forme de distribution OTT comme DVMR, Arkena ou Pixagility.

 

Ces dernières années, grâce au cloud, on a vu aussi grossir rapidement une nouvelle typologie de distributeurs, disposant à la fois d’une forte compétence technique et webmarketing. Alchimie est de ceux-là, capable d’exposer les catalogues des producteurs sur les différentes plates-formes OTT premium qui ont pris leur envol avec l’émergence du cloud computing.

 

Alchimie, qui a son siège à Paris, compte aujourd’hui plus de 150 experts en France, en Allemagne, au Royaume-Uni et en Australie, qui gèrent notamment les catalogues de producteurs comme OnlyTV ou Millimages. Pour Millimages, Alchimie a mis en place une plate-forme de programmes à la demande complète, baptisée Okidoki, visible sur AppleTV, Android TV et récemment sur la télévision connectée. Alchimie, qui dispose de ses propres ressources en matière d’encodage, pousse ensuite les contenus vers une trentaine d’opérateurs télécom dans le monde, via une cinquantaine d’interconnexions et CDN. Suivant au pied de la lettre le modèle économique de l’OTT et du cloud, Alchimie se rémunère principalement via le principe évolutif du partage de revenus.

 

Pour Raphael Porte : « Si le cloud computing a permis d’engendrer l’essor de nombreuses offres TV en OTT qui s’adressent à des audiences plus ciblées, le mix entre revenus issus de l’abonnement pour des contenus payants et revenus issus de la publicité pour des contenus gratuits demeure le même qu’auparavant, surtout si on aide les producteurs à s’adresser directement à leur public sur les nouvelles plates-formes à la demande. »

 

 

* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #23, p.42-45Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.


Articles connexes