Une étape importante vient d’être franchie mardi 26 mars 2024 : dans la foulée du Parlement, le Conseil Européen vient d’adopter l’EMFA, « European Media Freedom Act ».
Expression d’un règlement européen sur l’indépendance et la liberté des médias, ce texte qui sera bientôt adopté par le Conseil Européen et publié au Journal officiel, entrera en vigueur auprès de chaque Etat-membre.
L’EMFA représente un projet communautaire unique et global. Son objectif : protéger la liberté et l’indépendance des médias dans leur fonctionnement, mais son périmètre est aussi valide sur les plateformes en ligne où il imposera notamment une série de mesures de transparence pour préserver leur pluralisme
Des mesures concrètes pour protéger les journalistes et les médias
L’indépendance des journalistes et des médias est au centre des mesures envisagées par l’EMFA. Il sera par exemple interdit aux autorités, quel que soit leur nature, de faire pression sur les journalistes et les rédacteurs en chef pour qu’ils révèlent leurs sources, par exemple en les plaçant en détention, ou en leur infligeant des sanctions.
L’indépendance des médias publics devra aussi être garantie pour éviter qu’ils ne soient utilisés à des fins politiques en leur garantissant par exemple un financement durable et prévisible dans le temps, mais aussi en prévoyant ces financements dans des procédures objectives et transparentes.
Une réglementation également opérationnelle pour les résaux sociaux
La présence des médias indépendants et de sources fiables sur les grandes plateformes en ligne (Facebook, X, Instagram…) posaient jusqu’à présent une série de difficultés dès lors qu’elle dépendait des règles dictées par ces plateformes. Avec l’EMFA, il ne sera plus possible pour les plateformes de restreindre, voire de supprimer arbitrairement le contenu des médias indépendants. Ces derniers devront être également clairement identifiés par les plateformes auprès des utilisateurs et des utilisatrices comme relevant de la presse indépendante et dont les sources sont fiables.
De la transparence sur qui possède quoi ?
Le pluralisme représente une autre thématique centrale de l’EMFA pour préserver l’indépendance et la liberté des médias. Une série de mesure de transparence seront imposées aux médias pour permettre aux citoyens et citoyennes, mais aussi aux régulateurs de monitorer régulièrement le niveau de concentration du marché médiatique. L’ensemble des médias devront fournir les informations nécessaires et faire savoir qui les contrôle et quels intérêts peuvent influencer leur travail. Ces obligations de transparence concerneront aussi les fonds qu’ils perçoivent provenant de la publicité politique et de toutes aides financières d’Etats, y compris de pays tiers. Les Etats membres seront également tenus d’introduire des règles procédurales qui permettent d’évaluer la concentration de leurs médias et le risque sur le pluralisme.
Un rôle de premier plan pour les régulateurs de média
Dans le cadre de l’EMFA, les régulateurs de médias occuperont une place importante à différents niveaux.
Au niveau européen d’abord. Le groupe européen des régulateurs de médias (ERGA) qui est composé par les régulateurs nationaux changera de nom pour devenir le « Board » et se verra attribuer de nouvelles missions.
Sur demande de la Commission ou de sa propre initiative, il devra remettre une série d’avis et de recommandations, notamment sur les mesures mise en œuvre par les plateformes en ligne, ou encore sur la concentration des médias dans les différents Etats-membres, surtout lorsque cette dernière pourrait affecter le bon fonctionnement du marché médiatique. L’EMFA impose que les méthodes de mesure de l’audience respectent les principes de transparence, d’impartialité, d’inclusion, de proportionnalité, de non-discrimination et de vérifiabilité. Sur cette question, le Board aura un rôle à jouer dans l’échange de bonnes pratiques relatives au déploiement des systèmes de mesure de l’audience.
Le Board deviendra également le médiateur pour résoudre les conflits éventuels entre les médias, les plateformes en ligne et les régulateurs. À titre d’exemple, si un média n’est pas satisfait du traitement qui lui est réservé par une plateforme en ligne, il pourra faire appel au Board pour encadrer le dialogue.
Au niveau national enfin, les régulateurs verront leurs missions élargies. Ils devront notamment développer des bases de données nationales sur la propriété des médias et seront responsables de l’évaluation de l’impact de la concentration des médias sur le pluralisme et l’indépendance éditoriale.