Minicaméras: une autre façon de filmer le sport

L’engouement du grand public pour les vidéos tournées à l’aide de caméras embarquées met en lumière la nécessité, pour les chaînes et leurs prestataires, d’amener le spectateur au plus près de l’action. 
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Champion olympique de descente à Sotchi en 2014, l’autrichien Matthias Mayer restera également le premier skieur à avoir filmé en direct sa propre course, lors des Mondiaux de Schladming en 2013, grâce à la RiCam, un ensemble caméra-émetteur-batterie de 64 grammes fixé sur le bandeau de ses lunettes et fabriqué par l’allemand Riedel. 

Dans le ski, comme dans d’autres disciplines, surtout les sports extrêmes, les caméras embarquées sont à la mode. Ainsi, en février dernier, lors des championnats du monde de cyclisme sur piste à Saint-Quentin-en-Yvelines, HBS, l’opérateur hôte, a inauguré, en accord avec l’Union cycliste internationale (UCI) et en partenariat avec les anglais Broadcast RF (racheté depuis par le groupe Euro Media) et Videosys, une caméra embarquée sur les vélos, après un test réalisé avec l’équipe de France et un ultime essai au siège de l’UCI, à Aigle (Suisse), en janvier.

“En quatre semaines à peine, nous avons réussi à abaisser le poids de l’ensemble de 300 à 220 grammes, voire 202 grammes, pour le pack caméra-émetteur, en intégrant certains connecteurs au boîtier caméra et en perdant du poids sur la batterie et les fixations, qui étaient en plastique », explique Julien Bertin, producteur exécutif chez HBS. « Néanmoins, nous avons conservé certains éléments en aluminium de peur que la forte chaleur dégagée par l’émetteur (Cobham Solo7 HD Nano) ne fasse fondre celles-ci. » Compte tenu de la taille de la caméra, fixée sur la tige de la selle, les réglages étaient effectués via un Remote Control Panel (RCP) virtuel sur un écran d’ordinateur. Par ailleurs, un système AJA FS2 permettait d’ajuster la correction colorimétrique sur les treize autres sources du dispositif. Au final, quatre minicaméras de direct, embarquées sur autant de vélos, furent utilisées sur cinq épreuves, dont le kiring.

 

Du prototype au phénomène généralisé

Sur route également, le cyclisme s’ouvre à ce type de captation. Cette année, comme en 2014, des images enregistrées la veille et tournées à l’aide de huit GoPro sont venues enrichir les retransmissions du Tour de France. Deux autres minicaméras, gérées par Euro Media, prestataire de la Grande Boucle, ont même été utilisées en direct, dans les rues d’Utrecht (Pays-Bas), sur les quelques kilomètres du départ fictif de la deuxième étape.

L’an passé, un premier test sur la course des femmes, dans l’étape finale des Champs-Elysées, avait déraillé en raison d’un problème de multiplexage. « Un décrochage HF sur la minicaméra risquait de perturber la liaison de la moto image qui lui servait de relais », éclaire Nicolas Bladou, responsable Euro Media de la HF sur le Tour. « Aussi, pendant le direct, avons-nous décidé de changer de configuration. »

De son côté, Jean-Maurice Ooghe préfère s’attarder sur les perspectives nouvelles révélées par la géolocalisation des coureurs. « Quand on se rendra compte qu’un coureur équipé d’une caméra est devant Contador, par exemple, on pourra déclencher la caméra à distance depuis l’avion et on aura à ce moment-là l’image de l’Espagnol, filmé par le vélo qui le précède », se félicite le réalisateur de la Grande Boucle. Pour l’heure, cependant, ce futur n’est qu’hypothétique et dépendra beaucoup de l’évolution des systèmes HF, notamment vers des fréquences bilatérales qui soient en mesure de fonctionner dans les deux sens afin de limiter leur nombre.

D’autant qu’à terme, selon certaines discussions en cours à l’UCI, les caméras embarquées pourraient être généralisées avec des remontées d’images en masse, à l’instar des catamarans engagés dans les régates de la Coupe de l’America ou encore des monoplaces qui disputent le championnat du monde de F1.

Ainsi, à chaque Grand Prix, la FOM (Formula One Management), qui a joué un rôle de pionnier, déploie son propre dispositif, dont des systèmes remote montés sur rotule, lesquels permettent à distance de télécommander un mouvement, par exemple un panoramique, au moment où une voiture en double une autre. Cinquante-quatre minicaméras étaient ainsi embarquées sur les vingt au départ du dernier Grand Prix de Monaco.

D’autres compétitions de sports mécaniques profitent également de ce type d’outil, à l’instar du championnat du monde des rallyes (WRC). « Avec AMP Visual TV comme prestataire, nous avons réalisé une première mondiale lors des trois dernières éditions du rallye de France, en Alsace, en ne faisant appel qu’à des moyens HF et des caméras embarquées pour couvrir l’intégralité des spéciales en direct», rappelle François-Charles Bideaux, directeur du pôle de production sport de Canal+.

De son côté, l’escrime a inauguré la Maskcam, fixée sur le masque du tireur, lors de la Coupe du monde des clubs à Levallois-Perret en 2001. 

D’un poids total de 380 g avec l’émetteur HF (Cobham Solo7), la dernière version, développée en collaboration avec Videosys, offre un angle de prise de vue beaucoup plus large grâce à une définition full HD.

 

 

Plusieurs problématiques à résoudre

Quel que soit le sport, l’objectif est le même : immerger le spectateur dans l’action, sinon dans l’intimité du cockpit ou du vestiaire, comme au rugby, selon un concept qui rappelle un peu celui de la téléréalité.

Pour ce faire, plusieurs problématiques sont à résoudre du côté des broadcasters et de leurs prestataires. « D’abord, la miniaturisation de l’équipement ; ensuite, la transmission HF parce que nous faisons du direct ; enfin, la qualité de l’image, qui doit être égale à celle des autres sources du dispositif », énumère François-Charles Bideaux.

Sur le premier point, le sport automobile, notamment, a ouvert la voie à la réduction de la taille des équipements et de leur consommation. « Cela nous permet d’avoir des systèmes embarqués à grosse capacité », confirme Stéphane Alessandri, responsable de la HF chez AMP Visual TV, avant de développer : « Aujourd’hui, on installe dans les voitures quatre caméras qu’on commute synchro et on arrive à mélanger images et datas (température du moteur…) en s’interfaçant sur le can bus du véhicule. »

Question latence, la transmission est plus ou moins transparente selon le cas. Ainsi, sur le Tour de France, le délai pour les caméras embarquées sera le même que pour les motos image actuellement. « Dans le meilleur des cas, ce délai est de deux secondes. C’est un très gros handicap au niveau de la réalisation », déplore Jean-Maurice Ooghe. « C’est pourquoi je dis souvent aux techniciens qu’au-delà de 2,5 secondes de latence, je rends mon tablier. »

Encore marginale dans le sport et plutôt limitée à des épreuves du type triathlon ou marathon, la transmission d’images sans relais HF, directement via des encodeurs mobiles et les réseaux 3G/4G, constitue une alternative portée par des sociétés comme Aviwest. Néanmoins, « le problème est qu’on est ici dépendant d’un réseau extérieur qu’on ne maîtrise pas et dont le nombre d’utilisateurs influe sur la fiabilité, outre qu’on a du mal à égaliser les délais entre plusieurs caméras », tempère Stéphane Alessandri.

De même, il est impératif pour les broadcasters et leurs prestataires d’en finir avec ces images de caméras embarquées qui mettent le foie au bord des lèvres. « Jusqu’à présent, les capteurs CMOS n’offraient que des solutions à rolling shut- ter très sensibles aux vibrations », convient Patrick Rojewski, directeur technique chez Horus “Pour notre part, nous avons choisi de développer nos produits autour de capteurs utilisant la technologie global shutter afin de régler définitivement les défauts des caméras grand public. “

Outre le poids de la caméra, l’autre contrainte est d’embarquer l’énergie nécessaire pour des tournages de longue durée. « L’autonomie dépend de la capacité de la batterie externe, donc de son poids et de son volume », enchaîne le responsable. « On peut compter sur un minimum de quatre heures pour une 2,5 Ah. »

 

Un oeil au coeur de l’action

« Pour nous, la problématique du direct, c’est de pouvoir entrer dans l’aire de jeu, sans porter at- teinte ni à la sécurité des acteurs ni à l’intégrité de la compétition », explique de son côté François-Charles Bideaux. Et de constater que si le rugby est entré dans l’ère de la modernité avec l’arbitrage vidéo, la sonorisation des arbitres et, maintenant, la Ref’Cam, le football, lui, met son veto à l’utilisation de tout matériel de captation dans l’espace de jeu.

L’engouement du grand public pour les images les plus folles, abondamment partagées sur les réseaux sociaux, va-t-il changer la donne ? « Aujourd’hui, un jeune sportif qui fait du skate ou du snowboard accroche une GoPro à son casque et, en la reliant à son téléphone portable, il est en direct. Comme lui, des milliers d’autres vont ainsi se mettre en scène et, forcément, les chaînes devront intégrer cette manière de voir le sport », analyse le représentant de Canal +.

Dans les années 1990, David Hill, producteur à Fox Sports, fut l’un des premiers à tester des minicaméras sur des sportifs, notamment des joueurs de hockey sur glace, dont l’équipement, comme celui des footballeurs US, est propice à ce type d’expérience, sans risque pour la sécurité des acteurs.

De son côté, en mars 2013, dans le sillage de Fox Sports Australia qui l’utilisait déjà dans le Super 15, Canal+ a innové sur le Top 14 de rugby grâce à la Ref’Cam, une caméra à l’origine fixée par une sangle sur la tête de l’arbitre et aujourd’hui sur un harnais, avec l’optique placée dans le col de son maillot et l’émetteur dans le dos. Cette solution mono CCD full HD 1920 x 1080, d’un poids de 150 g, a été développée par l’américain BSI, reconnu pour ses prestations, entre autres, dans le championnat de la Nascar, et intégrée par Euro Media, avec une exclusivité sur la France. Contrairement à d’autres systèmes, une télécommande dans le car-régie permet de régler la colorimétrie et le diaphragme en permanence. Ainsi l’étalonnage s’effectue-t-il à l’instar d’une caméra classique.

Par ailleurs, Canal+ suit de près le développe- ment des tee-shirts connectés, comme celui conçu par l’espagnol First V1sion, une start-up de Barcelone associée à Telefonica. Ici, le sportif porte sur la poitrine une caméra puce full HD directement intégrée à sa tenue, dans laquelle est par ailleurs insérée une batterie d’une autonomie de 90 minutes, modulable selon le sport. S’ajoutent un chip Intel Edison dans le dos et des capteurs biométriques qui permettent en temps réel de mesurer le rythme cardiaque et d’autres données physiologiques (température corporelle…). Le tout pour un poids de 370 g. La transmission, sans latence ou presque (2 ms), fait appel à un système wi-fi, dont la portée est d’une centaine de mètres en champ libre. Après avoir, entre autres, été testé en février 2015 par les arbitres du « clasico » Barça – Real Madrid en Euroleague de basket-ball, « nous attendons de voir l’efficacité du système de transmission dans une enceinte garnie de 40 000 spectateurs et la qualité de l’image en direct », prévient François-Charles Bideaux.

Si certains constructeurs proposent de simples systèmes de caméras embarquées, d’autres développent des solutions intégrées avec émetteur HF. Ainsi, GoPro s’est associé avec l’anglais Vislink pour la mise au point des systèmes HeroCast et HeroCast BacPac, présentés comme les plus petits et les plus légers émetteurs sans fil COFDM HD du marché. Compatibles avec les caméscopes maison Hero3+ et Hero4, ces deux solutions bénéficient d’un codec H264 et d’une absence de latence ou presque. Leur lancement a permis à la marque américaine de nouer cette année des partenariats avec la National Hockey League (NHL), l’espagnol Dorna Sports pour les Grands Prix moto et le consortium Velon pour le Tour de France et d’autres courses cyclistes.

 

Les constructeurs au rendez-vous

De son côté, un autre américain, Marshall Electronics, qui intervient dans les courses et les sports de ballon, propose une minicaméra de 50 g avec différentes focales et des rigs pour les fixer. Son compatriote Garmin, très présent dans la voile et les sports extrêmes avec ses caméras VIRB, a développé des solutions commandées par GPS, qui associent datas et vidéos. Autre constructeur américain : Immersive Media a mis au point la Hex camera, d’un poids de 170 g sans l’optique, qui permet un panoramique complet de 360 degrés. Enfin, l’autrichien Indiecam, présent dans le sport automobile, mise avant tout sur la qualité de l’image avec sa solution GS2K et un système permettant de faire de la 3D. 

 

 


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