Une boîte à outils open source permettant de virtualiser la production média, voici ce que propose Cisco. André Surcouf, Distinguished Engineer, nous en dit plus.
Mediakwest : Cette année vous mettez sur le devant de la scène un nouveau concept baptisé vMI qui est censé faire basculer le marché du SDI à l’IP. Qu’est-ce que cela signifie ?
André Surcouf : Tout est parti d’un programme R&D commencé il y a deux ans sur la base d’une question simple. Pourquoi la production broadcast reste-t-elle l’un des rares domaines qui n’a pas encore migré sous IP. L’analyse de Cisco est qu’il ne suffit pas de remplacer les cartes SDI, traditionnellement utilisées, par des cartes équipées de connecteurs SFP (Small Form-factor Pluggable) permettant de recevoir directement un flux IP SMPTE. Nous nous sommes donc attelés dans un premier temps à créer un équivalent software utilisant des cartes réseaux (NICs) totalement standards.
« Nous avons donc développé une boîte à outil open source, baptisée vMI (virtual Media Interface) qui comprend la librairie vMI, la vMI probe ainsi que le vMI pacer. La vMI library permet de faire les conversions entre les frames du monde média et les paquets du monde IP et ce, dans les deux sens. vMI permet non seulement de supporter les standards SMPTE, mais aussi potentiellement tous les formats actuels communément utilisés comme par exemple NDI.
« vMI a été conçu comme un framework ouvert qui peut s’adapter aux différents formats grâce à sa notion de PIN (sortes de connecteurs virtuels d’entrée et de sortie). Afin de couvrir le maximum de formats existants, nous avons travaillé avec notre partenaire Deltacast.
La vMI probe, quant à elle, peut être vue comme un instrument virtuel de mesure et de monitoring du signal IP permettant d’avoir une visualisation de la qualité de service, même dans un contexte de virtualisation dans un datacenter.
Enfin, afin d’assurer la compatibilité avec les équipements SMPTE actuels, nous avons également conçu un troisième outil baptisé vMI Pacer qui permet de reconstituer un vrai signal SMPTE ayant le bon timing.
M. : Pensez-vous que les acteurs industriels du marché broadcast sont convaincus par votre dispositif ?
A. S. : Durant l’IBC 2016, nous avions fait une première démonstration de notre projet. 70 % des visiteurs ne comprenaient pas exactement de quoi nous leur parlions, tandis que 15 % disaient que c’est intéressant et que les 15 % restants étaient d’accord avec nous pour dire que c’était bien l’avenir. Deux ans plus tard, force est de constater que les proportions se sont inversées puisque 70 % des visiteurs nous interrogent sur la disponibilité de solutions virtualisées, 15 % restent encore dubitatifs et 15 % sont soit déjà en train de conduire des expérimentations en vraie grandeur ou bien sur le point de le faire. C’est notamment le cas de certains broadcasters européens ou nord-américains.
« Les acteurs du marché commencent également à comprendre que là où on utilise aujourd’hui des machines physiques dédiées, il va être possible très prochainement de virtualiser l’ensemble des outils de production d’une chaîne live en utilisant les équipements utilisés habituellement dans les datacenters. Un des avantages de la virtualisation étant de pouvoir réaffecter les ressources allouées à la production à d’autres tâches quand elles ne sont plus utilisées.
M. : Pourtant, pendant longtemps on a pensé que la synchronisation des signaux SMPTE à l’aide d’outils purement logiciels n’était pas possible…
A. S. : Pour résoudre ce problème, nous nous sommes appuyés sur DPDK (Data Plane Development Kit), un projet également open source d’Intel, pour développer le vMI pacer, un outil logiciel permettant de reconstituer les écarts entre les paquets tels que définis par le standard SMPTE. Les performances du vMI pacer lui permettent d’égaler, voire même de surpasser celles d’équipements dédiés.
« La librairie vMI depuis peu repose également sur DPDK, ce qui permet d’exploiter la totalité de la capacité des liens physiques (ex : 40Gbps). La disponibilité de la librairie vMI sur Windows, qui est très majoritairement utilisée par les éditeurs d’applications, est le fruit d’une collaboration étroite entre Intel, Microsoft et Cisco. »
Extrait de notre compte-rendu de l’IBC 2018 paru pour la première fois dans Mediakwest #29, p.36/77. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.