Le champ de bataille des codecs ! (Extrait du compte rendu IBC 2018)

Les codecs vidéo étaient un des sujets centraux de cet IBC avec l’arrivée de nouveaux prétendants, dont l’AV1 faisait figure d’épouvantail face à l’HEVC (High Efficiency Video Coding). C’est même la première fois, nous semble-t-il, qu’une nouvelle famille de codecs vient concurrencer à ce point un standard promu par le groupe Mpeg et l’ITU.
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Il faut dire qu’en matière d’adoption de codec, là où jusqu’à présent les standards de la filière audiovisuelle étaient pilotés par quelques acteurs bien organisés, le standard HEVC est parti en ordre dispersé depuis cinq ans, avec des détenteurs de licences fragmentés qui n’ont pas encore, pour plus de la moitié d’entre eux, fait valoir leurs royalties sur ce standard.

Côté AV1, parmi les plus puissants acteurs actuels du numérique font partie du consortium Alliance Openmedia (BBC R&D est membre, mais aussi Google, Amazon, Netflix, IBM, Cisco, Mozilla…) qui pousse l’adoption du standard AV1.

L’AV1 dispose en outre d’un net avantage en se présentant d’emblée libre de droits. Ses spécifications, qui s’appuient largement sur le codec VP9 conçu par Google et promu par l’Alliance pour l’Open Media, ont été finalisées en juin 2018.

 

 

HEVC et AV1 : les vases communicants

Du coup, on assiste depuis deux ans à un phénomène de vases communicants. Le sondage réalisé chaque année par Bitmovin auprès des développeurs du secteur tendrait à montrer que l’AV1 progresse depuis 2017 et surtout en 2018 alors que le HEVC perd des utilisateurs. Selon cette étude, AV1 compte en 2018 près de 30 % de développeurs volontiers utilisateurs, tandis que l’année précédente ils n’étaient que 14 %.

Dans le même temps, si le niveau d’adoption du HEVC reste plus élevé, 36 % en 2018, la tendance est à la décroissance du nombre d’utilisateurs déclarés parmi les développeurs selon cette même étude annuelle.

Ainsi donc, sur beaucoup de stands du salon IBC 2018, comme celui d’Ateme, on pouvait voir fonctionner les deux codecs en 4K, HDR 10 et HFR (100 Megabits/s) côte-à-côte au sein des solutions d’encodage Titan de la marque. Il était d’ailleurs bien difficile, même sur de grand écrans de 50 pouces, de distinguer la qualité entre ces deux codecs chacun irréprochable.

Seul bémol évoqué sur l’IBC : le fait qu’à ce stade l’AV1, s’il représente une alternative crédible et plus économique au HEVC, engendre un process d’encodage plus complexe pour atteindre le même niveau de performance que le HEVC.

Sur son espace de démonstration, Ateme montrait également, sur des iPads, la rétrocompatibilité possible entre le Dolby Vision et le HDR10.

Par ailleurs, le spécialiste français des codecs broadband montrait plusieurs nouveaux produits intéressants comme un algorithme, le Content Adaptive Streaming, qui utilise le Machine Learning pour améliorer la qualité vidéo et réduire la bande passante – sans impact opérationnel – dans les flux hors ligne et en direct.

Ateme continue aussi d’étendre ses micro-services Titan dans le cloud au sein d’environnements virtualisés comme le système d’orchestration open source Kubernetes qui permet d’automatiser le déploiement des applications conteneurisées dans le cloud. Ateme a notamment intégré ce genre de solution récemment chez Comcast qui dispose de 20 000 assets que le groupe média voulait héberger dans le cloud, afin de réaliser des transcodages centralisés.

 

 

De nombreuses démos AV1

Ainsi, même si HEVC continue de dominer le marché avec des démonstrations de la part des grands acteurs industriels du marché broadcast, un peu partout parmi les acteurs des solutions techniques destinées à l’OTT on pouvait voir, sur cet IBC 2018, une grande quantité de démonstrations d’encodage en AV1 alors même que ce codec n’en est qu’au tout début de l’implémentation de ce standard.

L’éditeur autrichien Bitmovin, qui a fondé une partie de son succès sur une technique de pré-encodage qui privilégie la qualité d’encodage à la rapidité du process au sein des fermes de calcul de flux vidéo, était un des plus fervents défenseurs de l’AV1 lors de cet IBC. Bitmovin annonçait même avec assurance un gain qualitatif de 30 % vis-à-vis du HEVC.

Rappelons que Bitmovin utilise une technique qui consiste à spliter les vidéos dans des chunks et à encoder ces segments de vidéo simultanément au travers de multiples instances de calcul. Avec cette approche, une vidéo peut être encodée avec une vitesse supérieure à 100x le temps réel et permet d’atteindre le temps réel pour l’ensemble des codecs de dernière génération.

Bitmovin montrait également sur IBC la V8 de son player de streaming intégrant également une architecture de calcul modulaire, chaque module (sous-titres, DRM, intégration des publicités…) pouvant être additionné ou soustrait sur chaque player suivant les besoins.

Ce principe permet la réduction du temps de chargement qui est un des facteurs majeurs d’abandon d’une vidéo par les internautes quand le temps de buffering est trop long au départ. Selon Bitmovin, avec une bande passante d’environ 1,5 Mbit/s, une telle configuration modulaire permet de gagner jusqu’à 900 ms par rapport à son player précédent.

Dans la droite ligne de cette recherche de performance, Bitmovin a également déplacé dans l’API de son player les fonctionnalités d’ajouts publicitaires. Cette fonctionnalité donne également plus de souplesse aux développeurs pour paramétrer leurs insertions publicitaires. À noter enfin que les solutions d’encodage de Bitmovin fonctionnent aussi bien sur un cloud public que privé.

Côté HEVC, cet IBC fût surtout l’occasion de voir des usages de ce codec dans le cadre de liaisons de contribution comme c’était le cas chez Vitec qui couple ses solutions matérielles avec le codec pour fournir un résultat plus performant. La BBC, elle, au travers de son pôle R&D, jouait la carte de l’open source en proposant Turing, un ensemble logiciel d’encodage HEVC montant allègrement jusqu’au 4K HLG… ce qui n’empêche pas le groupe britannique de se pencher aussi sur l’AV1 ou le VVC.

 

 

Les codecs challengers

Autre challenger à l’HEVC, le VVC (Versatile Video Coding) proposé par Joint Video Exploration Team (JVET), un regroupement entre l’ISO/IEC Mpeg et ITU-VCEG Group destiné à explorer l’après HEVC. JVET a commencé son travail en avril 2018.

Autre nouvel entrant dans l’univers devenu très concurrentiel des codecs : le XVC promu par le suédois Divideon. Son codec XVC codec est un dérivé du HEVC et du VCEG, mais avec un coût de licence unique et raisonnable. XVC (2.0) a été lancé en juillet 2018 et annonce environ 20 % de gains en comparaison du HEVC et 10 % par rapport à l’AV1.

En outre, le XVC fonctionne par le biais de modules indépendants les uns des autres. Le codec XVC fonctionne d’ores et déjà avec un décodeur logiciel, ce qui signifie qu’en théorie il est possible de le déployer sur une grande variété de plates-formes, mobiles en particulier.

 

 

Extrait de notre compte-rendu de l’IBC 2018 paru pour la première fois dans Mediakwest #29, p.36/77. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.