TV et Internet : la révolution de l’information

Jamais l’information n’aura autant fait la Une des médias. Longtemps considérée comme la partie la plus austère des grilles de programmes, l’information est sous le feu des projecteurs. Plongée au cœur de la révolution de l’information. *
France2Primaires_OK.jpg

 

Plusieurs événements auront contribué à réveiller un marché français de l’information qui ronronnait depuis quelques années. Le premier, c’est le lancement de la chaîne d’information publique France Info à la rentrée 2016, et qui a provoqué une vague de réactions de la part de tout le marché des chaînes d’info. Le deuxième ; c’est le lancement de Quotidien sur TMC qui a redonné un coup de fouet aux émissions de décryptage de l’info, à la frontière du divertissement. Le dernier, c’est l’incursion de M6 sur le marché encombré et codifié de l’information politique avec son émission « Ambitions Intimes », un concept pur et dur d’infotainment. À quelques mois de l’élection présidentielle, tous les grands groupes médias ont décidé de muscler leur programmation et de s’affronter sur un terrain pourtant réputé peu rémunérateur en recettes publicitaires et avare en fortes audiences.

 

Chaises musicales et canapés

La vraie surprise de la rentrée 2016, était sans aucun doute l’arrivée de France Info : avec un concept de plateau ouvert sur la rédaction alors que, jusqu’à présent, les chaînes privilégiaient les présentateurs troncs et les mouvements de caméra limités. Grâce à des décors et un mobilier chaleureux, dans les tons pastels, des espaces ouverts sur des zones alternant écrans d’ordinateurs, salle de rédaction, tables design, écrans TV et canapés, France Info offre aux journalistes un espace de déplacement qui leur permet de rester debout, de marcher, de s’appuyer contre les bureaux.

En quelques minutes, la nouvelle chaîne d’information publique ringuardisait les couleurs criardes et les cadrages serrés des concurrentes. Un design tellement innovant que, dans les semaines qui suivirent, BFM, LCI et iTélé mirent à l’antenne, non pas de nouveaux journalistes, mais des canapés flambant neuf censés apporter une dose de modernité dans le traitement de l’information.

L’utilisation, parfois à outrance, d’une steadicam a aussi permis à France Info de créer une dynamique autour de ses journalistes, une sensation de mouvement qui anime la diffusion de l’information. Tout ça pour se faire une place dans le classement mensuel des audiences.

 

L’audience, le nerf de la guerre

Certes, les deux dernières années ont été riches en actualité, trop souvent dramatique. Ce qui a eu pour conséquence de faire exploser les audiences des chaînes d’information en continu. Le premier à y avoir cru, c’est Alain Weill qui, avec BFM TV, a réussi à imposer l’information comme un genre phare de la TNT. Pas étonnant que sa chaîne caracole en tête des audiences des chaînes d’info.

Pourtant, ce n’est pas l’offre qui manque : les JT des chaînes historiques en clair, France 24, Euronews, les chaînes étrangères comme BBC Worldwide, CNN ou Fox News. Et comme si cela ne suffisait pas, deux nouvelles chaînes sont apparues en France sur la TNT en 2016 : LCI, qui est passée en clair, et France Info.

BFM garde le leadership en termes d’audiences et profite de l’épuisante grève qui a touché iTélé dont l’audience s’est écroulée en octobre et novembre. De son côté LCI pourrait bien remporter son pari d’atteindre les 1 % de PDA (part d’audience) plus vite que prévu.

Quant à la petite nouvelle du service public, son audience n’est pas mesurée, mais il semblerait qu’après un départ plutôt encourageant lié à l’effet curiosité, elle se soit stabilisée.

Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, déclarait  a la fin de l’année 2016 lors d’une audition à l’Assemblée nationale : « Nous avons démarré à 0,3 % de part d’audience. On trouve ça super bien. » Et jouant à fond sur les synergies, France 2 a utilisé le plateau de sa nouvelle chaîne pour les deux soirées électorales de la Primaire des Républicains, consciente de l’impact positif apporté par sa mise en scène innovante.

 

La TV c’est bien, mais Internet c’est mieux

Même si la télévision demeure l’écran de diffusion principal, les chaînes d’information mènent une bataille féroce sur Internet afin de capter le public le plus large. L’enjeu est à la fois publicitaire, mais aussi d’audience, car les plus jeunes, souvent rétifs à l’information, passent plus de temps sur Internet que devant le petit écran. Et là les chaînes d’information en continu doivent affronter la concurrence des sites des journaux et des radios.

Le classement établi par l’ACPM révèle que pour l’information classique disponible sur les sites Internet, les grandes marques de journaux devancent largement les chaînes d’information : Le Figaro et Le Monde dépassent le million de visiteurs uniques par jour, quand France Info, qui bénéficie pourtant de l’historique de la radio et BFM TV en sont à peine à 500 000 visiteurs quotidiens. Mais les pure players de l’information ont vite compris que la bataille se jouait aussi sur l’image et la vidéo, ce que ne peuvent pas vraiment faire les sites des journaux. En s’appuyant sur ses applications pour tablettes et smartphones, BFM renverse la tendance sur son site mobile et devance Le Monde et Le Figaro.

 

Des disrupteurs en embuscade

Signe des temps, la généralisation de la vidéo sur tous les écrans, mais également la simplification des moyens de captation, ouvrent des perspectives éditoriales nouvelles. BFM Paris, récemment lancée, en a fait une de ses priorités : les journalistes pourront filmer avec leur téléphone portable.

Au-delà de cette approche anecdotique, on assiste par ailleurs à l’arrivée de nouveaux players qui cherchent à révolutionner le monde de l’information. Aux États-Unis, Buzzfeed et Viceland ont réussi à imposer leur vision du traitement de l’actualité. En France, Spicee développe de nouvelles narrations autour de l’information et du documentaire.

Et il y a aussi des concepts qui naissent directement sur Facebook et qui tentent de s’imposer dans les grilles des programmes comme Brutus, dont les jeunes programmes sont repris par France 24 et maintenant Free, mais aussi Brut, une plate-forme créée par Renaud Le Van Kim, le producteur des émissions de France 5 : C Politique, C Polémique et C dans l’Air. Moyens techniques limités, décors naturels, ces nouveaux acteurs de l’info privilégient les points de vue à la forme, espérant entraîner dans leur sillage les « millennials » qui délaissent les chaînes d’information traditionnelles.

 

Les chaînes d’info… info ou intox ?

Avec la multiplication des sites et des plates-formes qui diffusent de l’information, au fur et à mesure que les réseaux sociaux inondent le marché des news en temps réel, on assiste à l’inéluctable montée en puissance des géants de l’Internet. Selon le cabinet d’études Pew Research Center, 44 % des Américains et 40 % des Français s’informent sur Facebook. Une information sans filtre qui a facilité l’incroyable développement des « fake news », ces fausses nouvelles qui envahissent Internet et qui peuvent avoir des effets totalement incontrôlables.

Si on ajoute à cette tendance celle des « bots », ces robots conversationnels qui sont capables de délivrer de l’information personnalisée en permanence, à l’instar de ce que fait Facebook sur Messenger, on peut presque regretter l’époque pas si lointaine des bons vieux journaux télévisés d’Yves Mourousi et de Roger Gicquel.

 

*Article paru pour la première fois dans Mediakwest #20, p.82-83. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.