« Missions » accomplies pour Empreinte Digitale

La série "Missions", qui rencontre un succès critique (prix de la découverte Série Mania et prix de la critique lors du MIP Drama Screenings), est diffusée depuis juin sur OCS et sera disponible en replay jusqu'au 31 décembre. Making of d’une production ambitieuse et aboutie malgré un budget limité...*
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Empreinte Digitale et son producteur des fictions, Henri Debeurme, n’en sont pas à leur premier coup. Pourtant avec Missions, le pari était osé. Qui miserait sur une série de science-fiction made in France sans un petit sourire aux lèvres, ou un a priori un peu hostile. Peut-on faire des séries de genre dans l’Hexagone et dépasser la parodie ou la comédie ? À cette question souvent posée, Missions répond par l’affirmative ; et pourtant rien n’était joué d’avance.

« Au début c’est une histoire de copains de lycée qui travaillent plus ou moins ensemble depuis pas mal d’années et qui ont une envie de faire une série dans l’espace avec de l’humour », explique Henri Debeurme, co-auteur. Un pitch et une bible finissent par convaincre OCS de se lancer dans l’aventure. Il faut dire que la chaîne d’Orange a déjà collaboré à plusieurs reprises avec la société de production, la confiance est donc déjà établie.

Mais assez rapidement, aux cours de séances d’écritures, les deux autres co-auteurs, Ami Cohen et surtout Julien Lacombe (le réalisateur), convainquent Henri d’aller vers une autre voie et se lancent dans l’écriture d’une véritable série SF.

« Nous n’avons rien dit à OCS avant la lecture finale de nos scénarios. Nous étions un peu tendus au moment du verdict. Boris Duschenay d’OCS nous a regardés et nous a dit : « C’est pas très drôle votre histoire, mais j’adore ! »

« Et c’est là que tout a réellement commencé », poursuit le producteur. Afin de définitivement achever de convaincre la chaîne, l’équipe s’était alloué les services d’Olivier Junquet pour participer à la réalisation des effets et au montage du pilote destiné principalement à montrer combien les décors, costumes et rendus visuels seraient crédibles.

 

Le pitch

La première mission habitée vers Mars, financée par un milliardaire philanthrope et l’ESA, est en approche de la planète rouge après dix mois de voyage. À bord, scientifiques, astronautes de haut niveau et une jeune psy chargée de superviser la sécurité mentale de cette mission historique. Mais, à quelques heures de lancer la plus attendue procédure d’atterrissage de tous les temps, une autre mission, portée par une gigantesque multinationale de l’informatique et la Nasa conjointes, dotée d’un vaisseau à propulsion plasma plus moderne et plus rapide, leur est passé devant, avant de perdre le contact. Ceux qui pensaient être les premiers à marcher sur Mars deviennent donc malgré eux une mission de sauvetage de leurs concurrents.

L’histoire est servie par une bonne qualité technique et un bon casting (dirigé par Lan Hoang Xuan). La série fonctionne et donne assurément envie d’aller jusqu’au bout. Quelques petits défauts apparaissent ici et là néanmoins, avec par exemple quelques personnages de méchants un peu trop radicaux d’entrée de jeu, comme c’est souvent le cas dans les formats inférieurs à 52 minutes.

« OCS nous a demandé de réaliser dix épisodes de 26 minutes. Je pense que nous aurions pu faire plus long sans aucun problème, ce qui aurait permis d’installer un peu mieux quelques personnages secondaires. Mais Henri assume clairement le côté direct et efficace », explique Julien Lacombe qui signe avec Missions sa première réalisation de série.

 

Un financement bien réparti et un tournage en région

Le financement global de Missions est d’un million et demi d’euros. OCS apporte environ la moitié de la somme. Le CNC intervient à deux niveaux. Avec le compte de soutien automatique (Cosip) bien entendu, mais aussi via le fonds nouvelles technologies en production. La Région Nouvelle-Aquitaine, mais aussi le département de la Charente-Maritime et la Région Centre, bouclent à elles trois le budget.

« Nous avons tourné au total 27 jours. Quelques jours à proximité de Tours pour la séquence censée se dérouler dans les années 60 en Russie, cinq jours au Maroc, un jour dans les Alpes et même une journée dans les bureaux d’Empreinte Digitale. Mais le décor principal du vaisseau a été exploité quant à lui durant près de trois semaines à La Rochelle », poursuit le réalisateur.

 

Les studios TSF à La Rochelle

Une série qui se déroule sur Mars implique nécessairement de sérieux décors afin de conserver la part de crédibilité nécessaire. Nicolas Flipo, le chef décorateur de Missions, disposait de 450 000 euros de budget (pour les constructions, mais aussi pour l’ensemble des postes de dépenses liées aux décors et accessoires). Cette somme, qui constitue tout de même près d’un tiers du financement total, pouvait sembler dérisoire compte tenu de l’ampleur de la tâche.

Julien Lacombe est reconnaissant envers ses collaborateurs : « Toute l’équipe s’est montrée particulièrement innovante afin de pouvoir rester dans cette économie. Christophe Calcus, qui a conçu notamment les casques et les maquettes, a lui aussi fait un excellent travail. Je me suis montré particulièrement vigilant sur chaque détail. Avec le chef opérateur, Maxime Cointe, notre choix de caméra s’est porté sur l’Arri Alexa Studio en 2K. Nous avons souhaité travailler avec une optique anamorphique. Cela nous a permis de masquer un peu des éléments de déco moins bien finalisés en travaillant sur de faibles profondeurs de champ. Panavision a fait un bel effort en mettant à notre disposition des objectifs anamorphiques de la série C. »

La plupart des scènes ont donc été filmées à l’aide de deux caméras Alexa Studio. Pour les incrustations dans les écrans de contrôle et autres moniteurs informatiques apparaissant à l’image, c’est un graphiste 2D, Benjamin Ganteille, qui officiait.

Un judicieux mélange entre maquettes (comme le Rover par exemple) et Full Effects 3D a été établi afin de garantir à la fois des ambiances « les plus réalistes possibles », mais aussi maîtriser la durée des temps de rendus. Des calculs trop importants auraient augmenté le temps de postproduction imparti (six mois au total) et donc le budget. Olivier Junquet n’étant plus disponible au moment de la production de la série, c’est vers la société Reepost que s’est tournée l’équipe pour la fabrication des VFX et de l’étalonnage sur Davinci Resolve.

 

Le public sera-t-il au rendez-vous ?

Au cours de la série, une phrase revient souvent comme un leitmotiv : « Mars est au rendez-vous ». Compte tenu de sa qualité confirmée par les succès critiques déjà rencontrés, il est à parier que le public lui aussi sera au rendez-vous. Mais cela passera assurément par une reprise de la série sur une chaîne de la TNT et une commercialisation à l’internationale. Pour la distribution, c’est AB qui prend les choses en main.

« Nous avons tourné intégralement en français, mais avons également largement intégré des langues étrangères. L’anglais et le russe notamment. Cela facilite l’aspect international de la série. Mais pour nous la langue française s’imposait ; il n’était pas question de tourner en anglais. Je pense que les séries ont tout à gagner à être filmées dans la langue du pays de production », conclut Henri Debeurme.

Quoi qu’il en soit, la Saison 2 est déjà en cours d’écriture. Comme dans la plupart des cas, OCS signe pour deux saisons minimum, et comme le soulignait le producteur : « Pour amortir le coût de fabrication de tels décors, il faut au minimum deux saisons ». À suivre donc, et avec plaisir… 

 

À propos d’Empreinte Digitale et des auteurs de Missions

• En 2003, Raphaël et Benjamin Rocher créent Empreinte Digitale.

• La société produit des films de cinéma, des émissions et séries TV et des documentaires. Il y a quelques années, Henri Debeurme les rejoint pour prendre en charge la production des fictions films et séries.

• Formé à l’ESRA en 1996, Julien Lacombe est, quant à lui, réalisateur de nombreux courts métrages avant de passer à la publicité. Bien qu’ayant participé à l’écriture de plusieurs projets de séries, Missions est sa première réalisation dans le genre.

• En plus de préparer la Saison 2 (toujours avec ses co-auteurs Ami Cohen et Henri Debeurme), il travaille sur un projet de long métrage.

• Ami Cohen est auteur, mais aussi réalisateur de séries et de publicités. Il a notamment signé Les Impitchables pour Syfy.

 

 

* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #22, p.46-47Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur totalité.