Comment voyez-vous l’orientation du marché du stockage en 2017 ?
On assiste à un découplage entre les applications logicielles qui gèrent les médias audiovisuels et les capacités informatiques qui hébergent ces médias, lesquelles peuvent être tantôt on-premise, dans un cloud privé ou public suivant les usages et les budgets. Le marché des médias audiovisuels est en train d’accepter l’idée que le stockage de forte capacité va se faire de plus en plus souvent sur des ordinateurs traditionnels, qu’ils soient dans le cloud ou sur leurs propres infrastructures, mais avec des fonctions logicielles communes.
Ce phénomène était déjà en marche depuis une dizaine d’années parmi les grands acteurs de l’Internet. Mais, aujourd’hui, c’est l’audiovisuel qui se retrouve au cœur d’une économie très tendue et qui doit gérer une grosse volumétrie de données. La filière a compris l’intérêt financier d’avoir des solutions software décorrélées de l’impératif d’investissement dans le matériel.
En considérant les solutions logicielles comme un niveau d’abstraction du hardware, il est possible de faire évoluer les capacités de stockage à son rythme et selon le modèle économique de son entreprise, sans être contraint par le calendrier de mises à jour des « appliances » traditionnelles du marché.
L’autre avantage de cette approche est de ne pas avoir à se soucier des problèmes de migration de données. Sans compter que, de la sorte, il est possible de profiter des évolutions rapides des performances des matériels informatiques communs à toute l’industrie.
Que représente la filière média dans votre activité et quelle est votre stratégie sur ce marché ?
Les acteurs des médias et de l’audiovisuel représentent entre 15 et 20 % de notre activité. C’est donc important. Dans le monde des médias, on constate une plus forte persistance des workflows basés fichiers, car les workflows métiers y sont complexes et prégnants.
C’est pourquoi, à Scality, nous continuons d’investir dans la technologie de stockage en mode fichier en parallèle de la technologie « objet », car plus de la moitié de nos clients utilisent encore une technologie de stockage basée sur le fichier. Nous voulons les accompagner dans cette transformation.
Nous sommes parmi les seuls sur ce marché à proposer une technologie de stockage en mode distribué, développée nativement pour communiquer aussi bien avec des modules de stockage objet que fichier, quelle que soit la volumétrie en jeu. Nous constatons d’ailleurs que nos chantiers dans la filière audiovisuelle sont souvent la mise en place d’une solution de back-up secondaire à côté d’appliances plus traditionnelles, comme celles d’IBM ou d’Oracle.
Vous lancez à IBC un concept nouveau en open source. La démarche est assez rare. Pour quelle raison une telle stratégie ?
Ces derniers temps, de nombreux clients nous ont dit : « Je ne vais pas mettre tous mes œufs dans le même cloud pour des questions de fonctionnalités et de prix. Est-ce que vous pourriez développer une couche logicielle au-dessus des principales offres cloud du marché, afin de pouvoir garder une vue fédérée de l’ensemble des données, quelle que soit l’offre cloud utilisée ? » C’est ce questionnement qui nous a décidés de lancer Zenko (www.zenko.io).
Comme je le dis souvent, Zenko est le GPS des données dans un monde devenu multi-cloud. Cet outil logiciel permettra aux structures importantes de fédérer l’ensemble de leurs comptes individuels que les différents services internes ont pu ouvrir chez Amazon, Google ou Azure. Ce qu’on appelle communément le Shadow IT.
Zenko est en mesure également de fédérer les métadonnées associées aux médias, afin d’enclencher des processus intelligents de gestion du cycle de vie de la donnée. Cela va permettre, entre autres, d’optimiser les typologies de stockage suivant que le média est « chaud » ou « froid » au sein de son cycle de vie.
L’originalité de notre solution logicielle repose aussi sur le fait qu’il est possible de cacher le cloud qui héberge les données, de sorte que les décisions puissent être prises de manière indépendante de telle ou telle offre cloud, mais mues uniquement par des impératifs liés au cycle de vie des médias.
Pour concevoir notre offre Ring, nous avons dû développer des champs de métadonnées communs aux différentes offres cloud et concevoir des champs spécifiques. Avec le framework Zenko, nous réutilisons d’une nouvelle manière ce savoir-faire dans la gestion de bases de données distribuées. L’utilisateur peut intervenir directement sur ses données dans le cloud sans devoir utiliser une « passerelle » propriétaire entre le stockage en mode fichier sur ses serveurs et le stockage objet dans le cloud.
C’est aussi cette approche multi-cloud ouverte qui nous permet de proposer aujourd’hui un soft en open source. Nous souhaitons, par ce biais, avoir le maximum de retours du marché en attendant de lancer une version Entreprise en janvier 2018. D’ores et déjà des acteurs importants de la filière, comme Bloomberg TV, ont manifesté le désir d’implémenter Zenko dans leur dispositif de stockage, afin de pouvoir disposer simultanément de deux fournisseurs cloud.
* Extrait de notre Cahier des tendances IBC 2017 paru pour la première fois dans Mediakwest #24, p. 35-76. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.