La Confédération africaine de football (CAF) gère les plus grandes compétitions du continent africain. L’organisation a confié à Lagardère le dépôt de ses droits audiovisuels dans le monde entier en exclusivité. Un partenaire majeur et stratégique donc, car comme le précise Hedi Hamel, conseiller communication du président de la CAF en charge de la TV et des médias : « La télévision est un pourvoyeur de fonds et un incroyable outil de développement et de promotion du football. »
Ensemble, ils organisent la couverture télévisée des compétitions majeures. Parmi elles, la CAN et la CHAN opposent des équipes nationales, alors que La Coupe des Confédérations ou la Ligue des Champions voient s’affronter les meilleurs clubs africains.
Un marché broadcast africain en construction
Produire en Afrique, c’est faire face à une hétérogénéité de l’accès au matériel et des savoir-faire broadcast en fonction des zones géographiques. Le choix des prestataires est primordial pour s’assurer des images. Certains pays disposent de leurs propres moyens de captation, tandis que d’autres sont davantage, voire totalement, dépendants de producteurs extérieurs. En fonction, ce sont donc des solutions adaptées qui doivent être fournies sur place.
La CAF et Lagardère ont défini un cahier des charges de six à douze caméras selon les repreneurs et l’importance des matchs. La CAF fait alors appel à plusieurs prestataires, portugais, sud-africains et français avec AMP Visual TV.
Trouver des techniciens qualifiés locaux est parfois peu aisé, mais certains, comme AMP Visual TV, ont mis en place des programmes de formation qui permettent d’employer « 80 % d’exploitants locaux pour 20 % français », selon Guillaume Tallard, le directeur de la Division Afrique d’AMP Visual TV.
« Principalement des opérateurs de prises de vue ou des réalisateurs », mais les opérateurs d’habillage graphique manquent et viennent souvent du vieux continent avec les générateurs d’habillage. Des frais de déplacement et d’immobilisation conséquents qui viennent impacter les factures.
Par ailleurs, sur un marché africain où il existe une telle différence de niveaux de compétence entre les régions, le risque majeur est que celle-ci soit visible à l’antenne avec, par exemple, des habillages graphiques pas totalement identiques.
Le mediacenter au cœur du dispositif
Les équipes du prestataire français ont donc mis en place une solution d’enrichissement à distance directement intégrée à son mediacenter situé à Paris. En mutualisant l’habillage de tous ses matchs, la CAF, en plus de faire des économies, peut garder la main plus aisément sur la cohérence éditoriale et artistique de ses programmes. Un contrôle qualité est ainsi effectué par ses équipes avant la mise à disposition aux repreneurs.
Les signaux Clean des matchs sont envoyés au Serte et récupérés aux Studios 107 (Plaine-Saint-Denis) par deux fibres sécurisées, puis adressés à leur tour au mediacenter (Paris XVe) par fibre noire. Les programmes sont alors habillés sur des postes Chyron Hyper X selon la chartre graphique de la CAF. Le réalisateur en Afrique peut donner ses ordres grâce à une piste audio dédiée avec le signal clean.
« Sept postes d’habillage peuvent fonctionner en même temps, soit autant de matchs à réaliser en simultané », se réjouit Philippe Guiblet, le directeur technique du mediacenter. Une fois habillé, le signal est repris en cabine speak dans laquelle sont effectués les commentaires anglais, français et parfois arabe. Le signal est alors renvoyé au Serte et mis à disposition des repreneurs africains et européens.
Si l’enrichissement est fait à des milliers de kilomètres de la réalisation principale, la manière de travailler ressemble presque à celle d’un car-régie. « En embeddant les ordres de réalisation avec le signal clean, on travaille dans le même tempo », signale Philippe Guiblet. « Le temps de latence de réception/transmission n’interfère en rien ».
Au mediacenter, une matrice d’ordre permet à la control room « qualité » de la CAF d’échanger avec les opérateurs d’habillage et les postes commentateurs. Un technicien est dédié au routage du mapping audio. Un chef-opérateur son s’assure du mix final.
Si les workflows à distance se confondent aux process classiques, une des différences notables est la productivité associée. Car là où un opérateur envoyé sur un match en Afrique ne pouvait espérer être disponible pour le match suivant que le lendemain, cette solution permet aux opérateurs et à la CAF d’enchaîner les matchs dans un process bien huilé. Il n’est donc pas rare, pour un opérateur ou un commentateur, d’enrichir plusieurs programmes lors d’une même journée de travail.
Un football africain tourné vers l’avenir
Hedi Hamel se réjouit : « Nous sommes ravis de cette opportunité et de la qualité des équipements qui répondent aux toutes dernières normes de contrôle qualité à Paris ». Car, pour la CAF, qualité et image de marque vont de pair dans la recherche et le maintien des sponsors et annonceurs. « Nous nous devons de répondre aux standards internationaux et accompagner le passage en HD sur certaines régions africaines ».
De nombreux défis attendent donc l’organisation panafricaine de football en pleine réorganisation depuis mars 2017 avec l’élection à la présidence de M. Hamad prenant la place de son prédécesseur qui l’occupait depuis 29 ans. Son conseiller n’hésite pas à le décrire comme « hyperconnecté et fervent de nouvelles technologies ». Il y a fort à parier donc que le football africain va encore étoffer sa médiatisation.
* Article paru pour la première fois dans Mediakwest #24, p. 92. Abonnez-vous à Mediakwest (5 nos/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.