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Questions à Cristinel Sirli, manager de Creative Sound

Cinq ans après l’ouverture de son premier auditorium de mixage cinéma homologué Dolby Atmos, le prestataire parisien Creative Sound en crée un second, également implanté sur le site de la rue Frémicourt. Baptisé Atlas et dédié lui aussi au mixage Atmos, il a été conçu comme un alter-ego du premier, à l’exception de la console qui cette fois est une surface de contrôle Avid S6. Mixeur et gérant de Creative Sound, Cristinel Sirli nous décrit le contexte qui a mené à la création de ce deuxième auditorium dédié au format immersif de Dolby.
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C’est en plein mixage de la série Skylanders Academy, saison 3 diffusée sur Netflix que Cristinel Sirli nous accorde quelques instants. L’occasion de faire le point sur l’activité de Creative Sound, ses orientations techniques et de nous donner plus généralement sa vision à propos du format immersif de Dolby et sa place au sein de l’audiovisuel français.

 

Benoît Stefani : Avant de parler de ce nouvel auditorium, juste quelques mots sur l’actualité cinéma chez Creative Sound ?


Cristinel Sirli : Sur 2017-2018, nous avons mixé un total de huit films en Atmos, et c’est la première fois que nous en avons autant. Il s’agit de Money, 50 nuances (plus sombre et plus claire), Pacific Rim : Uprising, Atomic Blonde, Fast and Furious 8, Moi moche et méchant 3, et La Momie. Sinon, parmi les films français, on peut citer Baby phone, Knock, Les Salles Gosses, Le Petit Spirou, Les Aventures de Spirou et Fantasio, Gangsterdam, Un Beau Soleil intérieur, Les Ex, Face au vent, Monsieur Je sais tout et, parmi les films à paraître (à l’heure où nous mettons sous presse NDLR), Gaston Lagaffe, Le Grand Bain, Le Proverbe

 

B. S. : Plus généralement, quels types de productions composent aujourd’hui la clientèle de Creative Sound ?


C. S. : Nous sommes plus que jamais ouverts sur l’international. Au départ, principalement les films des pays de l’Est, et plus récemment des films nordiques et nord-américains. J’ai toujours eu du plaisir à travailler sur des productions internationales et je m’efforce de les attirer, non pas en bradant les prix, mais en offrant une qualité de travail, un savoir-faire technico-artistique particulier, qui va satisfaire nos clients autrement que s’ils faisaient faire le travail à domicile. En ce moment, nous faisons ici, en France, pour le marché international, le mixage de la version originale en anglais d’une production américaine qui sera diffusée sur Netflix.

Sur les productions internationales, suivant les cas, nous réalisons uniquement le mixage, le bruitage et le mixage ou l’ensemble de la postproduction son, excepté la postsynchro, car les acteurs restent dans leur pays d’origine. Il nous arrive ponctuellement d’effectuer des prestations de doublage, mais attention, nous ne sommes pas des spécialistes de cette activité au même titre que Dubbing ou Cinéphase. C’est vraiment un marché à part.

 

B. S. : Après un premier audi Atmos équipé d’une console Harrison MPC5 et d’un monitoring constitué de 45 enceintes JBL, ce deuxième audi propose les mêmes prestations, à l’exception de la console, une Avid S6. Qu’est-ce qui a motivé la création de ce deuxième audi Atmos en 2018, et pourquoi ce choix technique ?

C. S. : La salle était déjà à 50 % construite, sachant que l’isolation et le gros œuvre étaient déjà réalisés, mais elle n’était pas exploitée, donc cela représentait, en termes comptables, une perte d’exploitation et il fallait prendre une décision. J’ai pu convaincre les banques de me financer, ce qui n’était pas possible auparavant. D’autre part, il fallait faire face à la demande croissante pour le mixage Atmos. Entre les productions complètes, les doublages, les mixages, les soucis de planning commençaient à devenir insolubles. Après, en termes d’équipement, mon rêve aurait été de remettre une deuxième console Harrison, mais stratégiquement, il était plus malin de donner le choix aux mixeurs free-lance de travailler soit classiquement sur une console audio, soit directement sur Pro Tools avec une surface de contrôle, sachant qu’aujourd’hui la tendance penche plus vers cette deuxième option.

 

B. S. : Quelle est la vocation de cet auditorium par rapport au premier. Sera-t-il plus utilisé pour le doublage par exemple ?

C. S. : Attention, ce n’est pas un audi low-cost, il coûte quasiment aussi cher que le premier. On retrouve la même acoustique, le même monitoring, le même niveau d’exigence, tout est à l’identique dans le soin des détails. La seule chose qui change, c’est la console qui ici, est une Avid S6 64 faders toutes options qui pilote un ensemble de quatre Pro-Tools HDX3, soit 3 000 pistes virtuelles. Il faut savoir que c’est la plus grosse configuration proposée par Avid actuellement ; après, il faut rajouter une autre S6. Bref, c’est loin d’être un audi au rabais.

 

B. S. : Justement, en termes de budget…


C. S. : La partie console revient à environ 200 000 euros de moins, mais ce nouvel audi est encore plus abouti en termes de finition, de menuiserie ; donc au final, il revient à peine moins cher que l’autre.

 

B. S. : Plus généralement comment cet auditorium Atlas s’insère-t-il dans l’offre que propose Creative Sound aujourd’hui ?

C. S. : Avec cet auditorium, notre but est de laisser les free-lances choisir entre console et surface de contrôle. Les premières visites de mixeurs américains et canadiens sont très encourageantes. J’espère qu’il en sera de même pour les mixeurs français. Pour les petites et moyennes productions, nous proposons alternativement l’audi Kino, plus compact, plus abordable, équipé d’une console SSL et, sur le site du Grand Pavois, un autre audi ciné également équipé d’une SSL.

 

B. S. : L’auditorium Atlas est-il équipé de traitements externes ?


C. S. : On pourrait rajouter des périphériques externes type Lexicon 960, Bricasti ou TC Electronic 6000, mais ce n’est pas la demande pour cet auditorium où les mixeurs préfèrent utiliser des plug-ins. Sinon il est équipé d’interfaces DAD avec leurs télécommandes, d’un convertisseur Madi RME et d’un processeur Yamaha DME 24 pour le filtrage et du Dolby RMU pour l’Atmos.

 

B. S. : La projection image est en 2K dans l’audi Atmos. Dans ce nouvel audi Atlas, ce n’est pas le cas. Pourquoi ?


C. S. : Tout simplement parce qu’on reçoit généralement une image HD non étalonnée en provenance directe du montage Avid, donc augmenter la résolution n’a pas d’intérêt. Par contre j’ai choisi un projecteur double laser, Octoma ZU 850 qui offre une super qualité d’image. D’autre part, il est compatible 120 Hz ; cela permet de projeter une mosaïque, ce qui est parfait pour la rythmo.

 

B. S. : Quel bilan sur ces travaux ?


C. S. : Je suis très satisfait du résultat. L’acoustique est signée Michel Leduc, la menuiserie Serge Arthus (Technologies & Concept SAT-C), deux professionnels extrêmement talentueux capables d’aller très loin dans le détail pour atteindre la perfection. L’ingénierie a été réalisée en interne par Pierre Simon, pilotée et assistée par les équipes de Vidélio Cap Ciné. J’aime réaliser les projets en petite équipe, ou tout du moins avec des gens accessibles directement comme c’est le cas avec Pascal Garnier chez Vidélio, qui reste une grosse structure, mais avec des intervenants qui se sont montrés très motivés pour réaliser cette installation autour de la plus grosse configuration Avid S6 disponible actuellement.

 

B. S. : Le mixage Atmos se développe-t-il sur les productions françaises ou cette technologie est-elle réservée aux grosses productions américaines ?


C. S. : Il faut savoir qu’en termes de budget, la différence de prix entre un mix 5.1 et un mix Atmos se situe autour de 5 % environ. Certains producteurs pensent que c’est du simple au double ! Après, bien sûr, il faut considérer l’ensemble de la postproduction. Mais ce qui effraie encore les gens du métier, c’est de considérer que les 128 canaux que l’on peut spatialiser vont prendre un temps de travail énorme, alors qu’il ne s’agit pas de ça. Et puis il ne faut pas oublier la qualité du rendu qui en Atmos est pleine bande, donc nettement supérieure au 5.1 ou au 7.1. Ensuite c’est une éducation, une pédagogie. Nous avons d’ailleurs fait des journées portes ouvertes en collaboration avec l’Afsi. Il faut amener les gens en auditorium et leur montrer à quel point c’est facile. Malheureusement, c’est une technologie qui fait encore peur, surtout en France où ce type de changement prend du temps. On se souvient du passage du SR au 5.1…

 

B. S. : Quid du marché Home Atmos et de la télévision ?


C. S. : Le marché se développe en France et commence à intéresser les chaînes. Nous traitons pour l’instant plutôt les adaptations mixage du cinéma vers Home Atmos. Nous avons par exemple traité dernièrement Valérian et la Cité des mille planètes et bientôt Taxi 5 pour Europa Corp. Nous allons d’ailleurs ouvrir un deuxième auditorium Dolby Home Atmos.

 

B. S. : Que dire des autres procédés immersifs ?


C. S. : Nous avons également l’homologation DTS X, mais nous n’avons pas pour l’instant eu de demande.

 

B. S. : Vous semblez ne pas avoir l’intention de lâcher les faders, mais comment est-ce possible avec tous ces audis à gérer ?


C. S. : Je suis gérant, responsable d’une quinzaine d’auditoriums, mais je reste impliqué dans le mixage et j’adore ça, ce qui effectivement ne va pas sans poser de problèmes d’emploi du temps car quand je pars en mix, je laisse le téléphone au bureau et je m’engage à 100 %. J’ai essayé à plusieurs reprises de déléguer la gestion, sans succès pour l’instant, mais c’est une affaire qui suit son cours…

 

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #26, p. 62-64Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.