Mediakwest : Pouvez-vous nous présenter votre entreprise Cinionic ?
Wim Buyens : Un aspect important de notre activité concerne actuellement la transition vers la fin des Virtual Print Fees, qui aura lieu dans les prochaines années : comment s’assurer que les salles de cinéma continueront de disposer des dernières technologies pour créer le type d’expérience dont le spectateur est demandeur ? Le rôle de Cinionic, en tant que fournisseur de solutions technologiques, c’est de répondre à ce besoin.
Notre approche est basée sur trois volets : tout d’abord, le facteur « wow », c’est-à-dire qu’il faut en mettre plein la vue au spectateur, non seulement par l’image et le son, mais également par d’autres éléments comme les sièges, l’environnement, etc. ; ensuite, nos clients veulent avoir l’assurance qu’ils auront toujours à disposition des technologies de pointe, que le matériel fonctionnera toujours correctement… il s’agit en somme d’assurer leur tranquillité d’esprit ; le troisième volet, enfin, consiste à offrir un modèle financier flexible qui convienne aux exploitants de salles de cinéma, tout en les laissant entièrement libres d’équilibrer leurs dépenses d’investissement et d’exploitation selon leur propre stratégie.
Ces trois composantes sont à la base de l’activité de Cinionic, qui dispose d’une vaste gamme de ressources technologiques pour mener à bien sa mission.
M. : En quoi vous démarquez-vous de vos concurrents ?
W. B. : À vrai dire, il n’y a aujourd’hui aucun acteur sur le marché qui ait exactement la même offre que Cinionic ; on trouve d’un côté des fournisseurs de technologies (comme Barco), qui proposent des projecteurs, des systèmes audio, des serveurs, etc., et de l’autre on trouve les intégrateurs (comme CinemaNext), qui travaillent très près du client et assurent l’entretien de ses installations. Ce que tente de faire Cinionic, c’est un modèle hybride : nous fournissons à la fois l’équipement et les services en aval. Certains fournisseurs d’équipement ont des offres de ce type, mais les services sont très secondaires par rapport à leur activité principale.
M. : Comment voyez-vous l’avenir des salles de cinéma ? Pensez-vous que chaque multiplexe disposera d’une salle grand format (PLF) ?
W. B. : Nous avons une présence et une approche d’envergure mondiale (sauf pour la Chine, prise en charge par la coentreprise CFG-Barco), et les marchés sont très différents d’un bout à l’autre de la planète. L’Amérique latine et la région Asie-Pacifique ont ainsi un très fort potentiel de croissance puisque nous estimons qu’elles passeront de 180 000 à 210 000 écrans dans les quelques prochaines années. Les nouvelles salles sont en général ouvertes dans des régions plutôt rurales où aucune n’existait auparavant, et le facteur « wow » est donc très important !
Dans les marchés plus mûrs, comme l’Europe et l’Amérique du Nord, ce sont les formats premium qui ont le plus d’attractivité : beaucoup de spectateurs viennent trouver au cinéma ce qu’ils n’ont pas à la maison ou sur leur mobile. Une bonne partie des revenus provient de ces formats et nous pensons que cette part continuera d’augmenter. Il y a encore beaucoup de marge de progression, mais la croissance est rendue plus aisée par les technologies bon marché et l’offre de contenus qui exploitent ces technologies.
M. : Vous concentrez-vous sur la salle de cinéma proprement dite, ou proposez-vous également des solutions pour les halls d’entrée des multiplexes ?
W. B. : Le parcours du spectateur commence dès le parking, et le hall joue un rôle très important pour faire monter l’enthousiasme avant de pénétrer dans la salle obscure. En plus de vendre pop-corn et du soda — qui sont bien sûr des ingrédients importants de l’expérience cinéma —, c’est surtout l’occasion de faire réfléchir le spectateur au prochain film qu’il ira voir, ou de faire monter l’émotion autour du film qu’il s’apprête à regarder.
Après tout, le cinéma est avant tout une affaire d’émotions, et le hall d’entrée peut jouer un rôle important ; nous sommes donc bien actifs sur ce terrain, en donnant aux exploitants tous les outils dont ils peuvent avoir besoin pour donner vie à leur vision. Notre cœur de métier reste cependant la salle elle-même et l’expérience que le spectateur y vit.
M. : Quels sont vos projets en matière de projecteurs ? Prévoyez-vous de passer au laser dans les deux ou trois prochaines années, ou pensez-vous que les projecteurs à lampe ont encore un bel avenir ?
W. B. : Le développement de nouvelles technologies est un processus continu, et il n’est pas facile de prédire une date à laquelle telle technologie sera abandonnée. En tout cas, nous pensons actuellement que le laser jouera un rôle fondamental dans l’avenir de la projection cinéma : en plus d’offrir une meilleure qualité, il nous permet d’assurer à nos clients des performances stables et un entretien aisé, ce qui réduit les coûts.
Notre portefeuille de technologies laser est le plus important sur le marché du cinéma, et nous y apportons constamment des améliorations. Cela ne signifie pas pour autant que nous abandonnons les ampoules, puisque nous vendons encore beaucoup de ces systèmes, surtout dans les régions « rurales » où les exploitants cherchent à limiter leurs dépenses d’investissement. Les projecteurs à ampoule verront leur part diminuer progressivement, mais nous laissons vivre le marché : ce n’est pas Cinionic qui décide de la fin de telle ou telle technologie.
À mesure que nous mettons au point de nouvelles technologies offrant une qualité supérieure, nos clients les adoptent progressivement et naturellement. Ce qui est important, c’est que nous offrons à nos clients une assistance de long terme et des possibilités d’évolution technologique flexibles, quelle que soit la solution qu’ils ont choisie : certains ne modernisent qu’un élément à la fois, tandis que d’autres préfèrent acquérir un nouveau système complet.
M. : Et qu’en est-il des écrans led (Direct View) ?
W. B. : C’est une excellente technologie, que nous connaissons depuis longtemps chez Barco ; le bilan commercial est encore mitigé, mais Samsung met beaucoup Direct View en avant dans l’univers cinéma. La vraie question, pour moi, n’est pas de savoir si Direct View entrera sur le marché de la projection — il y a de la place pour tout le monde, après tout —, mais plutôt de savoir quel type de retour sur investissement souhaitent les exploitants.
Après s’être renseignés sur le potentiel de la technologie en termes de qualité d’image, la première question qu’ils nous posent est celle du retour sur investissement, et de ce point de vue là le led représente rarement la solution la plus prometteuse.
Il existe très certainement un marché de niche pour le led, et nous serons heureux d’offrir des solutions pour ce marché, mais tant qu’un meilleur retour sur investissement ne sera pas possible, c’est une technologie qui sera difficile à vendre : les marges sont parfois tellement minces que les clients sont réticents à payer 50 000 euros pour un projecteur ; alors comment peut-on espérer leur vendre un système à 400 000 euros ? Il y a toujours des exceptions, bien entendu, mais le marché ne pourra vraiment décoller que lorsque les prix auront fortement diminué.
M. : Votre offre est-elle destinée à l’ensemble du marché, ou vous adressez-vous à des segments plus précis ?
W. B. : L’activité cinéma de Barco porte exclusivement sur les plates-formes compatibles DCI, ce qui est déjà en quelque sorte un segment restreint. Au sein de ce large segment, nous proposons une gamme extrêmement vaste de projecteurs, d’une puissance de 5 000 à 70 000 lumens, qui nous permet de répondre aux besoins les plus divers pour un coût réduit.
Mais c’est sur le segment premium, notamment avec les nouvelles technologies que nous avons présentées lors du salon CinemaCon à Las Vegas, que le marché attend avec le plus d’impatience nos prochains records de contraste, de luminosité ou de couleurs. En tant qu’entreprise orientée vers les technologies, c’est sur ces aspects plus pointus que nous recevons beaucoup de questions.
Cela étant dit, Cinionic se veut aussi une marque démocratique et accessible : il est possible à terme qu’un marché de seconde main voie le jour — le secteur du cinéma est pour l’instant l’un des rares où ce marché n’existe pas —, et l’une de nos principales priorités est de réduire sans cesse les coûts pour les exploitants. Améliorer la qualité des images, c’est important, mais c’est tout aussi important de faire en sorte que les clients puissent adopter les nouvelles technologies sans se ruiner !
Extrait de l’article paru pour la première fois dans Mediakwest #28, p. 100/101. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.