En 2015, la mairie de Lorient n’ayant pas renouvelé le bail du bâtiment abritant le studio, Dizale a dû déménager dans un premier temps à Plouharnel, près d’Auray (pour une période de transition en 2015 et 2016, avec des conditions moins favorables).
C’est le deuxième studio de doublage qui avait été créé à Quimper au lancement de TV Breizh et utilisé six mois seulement, puis repris et équipé, comme nous l’expliquera Jean-Marie Ollivier, ingénieur du son du studio.
Depuis ses débuts, Dizale a formé une centaine de professionnels aux métiers du doublage (détecteurs, traducteurs, calligraphes, directeurs artistiques, ingénieurs du son, techniciens vidéo, réalisateurs, infographistes, auteurs et de nombreux comédiens) ; la production atteint à ce jour environ 400 heures d’animation et 100 heures de fiction. La productivité quotidienne est passée de 5 minutes d’animation à 40 minutes aujourd’hui.
Autour du doublage, des activités connexes ont été développées : l’édition vidéo, la projection cinématographique pour le public des écoles bilingues, le sous-titrage et la production d’œuvres de fictions télévisuelles et radiophoniques. Dans un esprit « réseau », ces réalisations ont systématiquement été effectuées en partenariat avec d’autres sociétés ou associations.
Dizale s’est donc positionnée, depuis son soutien par le Conseil régional en 2003, comme acteur incontournable de la production audiovisuelle en langue bretonne et a permis l’émergence d’une filière de professionnels de l’audiovisuel en breton.
Samuel Julien, directeur de Dizale
« Dizale souhaite être moteur dans le développement des langues dites “régionales” ou “minoritaires”. Déjà à Lorient nous avions aidé les Occitans à monter une structure de doublage : Conta’m. À Plouharnel et à Quimper, nous avons accueilli les Corses de Fiura Mossa en 2017, un délégué des Cornouailles britanniques en charge du développement du cornique en avril 2018, et en décembre de cette année on organise dans nos studios une session de doublage en langue gallèse (le gallo étant la langue de l’est de la Bretagne).
L’idée est de proposer pour nos publics des productions variées dans nos langues, mais aussi de former des professionnels de l’audiovisuel qui seront capables de créer des œuvres originales. À l’avenir, j’aimerais bien organiser à Quimper un séminaire sur le doublage en langue minoritaire.
Au cours de notre histoire, je me souviens d’une rencontre avec Jean-Yves Le Drian au Conseil régional de Rennes pour défendre l’inspecteur Columbo en breton. Certains politiques ou professionnels de l’audiovisuel ne voulaient pas que l’on double cette série. Ils souhaitaient nous dire à nous, bretonnants, ce que l’on devait voir et entendre en breton. Le Drian a tranché en notre faveur. »
Jean-Marie Ollivier, ingénieur du son
Après des études à l’ISB (ex. MST Image et Son) de Brest, Jean-Marie a travaillé pour les lapins crétins d’Ubisoft. En parallèle, il œuvrait régulièrement en tant que preneur de son sur des documentaires en breton. Entre les deux options de carrière, il a choisi sa terre natale. En 2009, Pierre-Albert Vivet, qui officiait au studio lorientais La Découverte, a formé Jean-Marie à sa succession au poste d’ingénieur du son.
Flashback
« À l’époque, on travaillait avec un enregistreur direct to disk Akaï DD1500 avec des bandes rythmos analogiques en lien avec des pellicules 35 mm utilisées pour diffuser le texte calligraphié ; l’image était encore diffusée à partir de Beta SP. Dès mon arrivée, j’ai géré l’évolution matérielle, avec la mise en place précoce d’une bande rythmo virtuelle, la solution Mosaic de l’entreprise française Noblurway.
« En 2011, nous avons choisi la station de travail audio Pyramix pour sa capacité à lire les projets DD 1500 ; puis à notre arrivée à Quimper, j’ai sélectionné une console Yamaha Nuage pilotant une station de travail Nuendo. Cette solution offre une grande facilité de travail ; à l’ouverture d’un projet tout est inclus. Auparavant il me fallait ouvrir la configuration de la table de mixage et celle du Pyramix. C’est parce que toutes les étapes du doublage sont réalisées au studio que j’ai pu faire ce choix ; j’aurais peut-être été contraint de choisir une solution Pro Tools, si une partie du travail (mixage ou montage son) était externalisée.
« Lors de notre arrivée à Quimper, le traitement acoustique était existant ; il nous a suffi d’installer notre matériel. Nous avons juste amené quelques éléments acoustiques du studio lorientais, d’une part en souvenir, mais également pour casser légèrement le type d’acoustique du studio LEDE (Live End Dead End) conçu selon les normes des années 1990-2000. Grâce à cet ajout de diffuseurs, nous avons obtenu un côté un peu plus vivant et une plus grande facilité de mixage.
« L’avantage principal du studio, c’est sa taille largement supérieure à la majorité des studios parisiens ; avec 450 mètres cubes et un écran de 5 x 3 mètres, trois ou quatre comédiens peuvent travailler simultanément : le temps gagné est considérable.
« Techniquement, nous avons mis en place, par le biais de l’entreprise 44.1, un mur d’enceintes Meyer Sound THX 7.2 avec trois enceintes sur le même plan, une centrale, deux LR et en dessous deux SUB, complétées à l’arrière par quatre enceintes surround. Nous avons travaillé avec Pascal Roussel, un acousticien basé à Caudan près de Lorient (sa proximité a permis une grande réactivité). Nous utilisons un processeur d’écoute Yamaha DME 24 avec deux configurations (cinéma et télévision). »
Laors Skavenneg, 18 ans de direction artistique, en breton et en français
Dès sa création, Laors s’est rapproché de la direction de TV Breizh ; il a ainsi pu suivre une formation dédiée au doublage en tant que traducteur (formation pilotée par des professionnels du studio Dubbing Brothers, notamment le directeur artistique Jean-Marc Pannetier). Un an après, TV Breizh a proposé à Laors un poste de directeur artistique ; il a relevé le challenge et il est parti enrichir ses compétences au contact des professionnels de Dubbing Brothers à Paris.
En mai 2000, premier doublage, avec les comédiens Yann-Herle Gourves, Riwal Kermarrec, Mona Bouzec et Stefan Moal.
« On double chaque année deux films destinés à la « tournée des écoles » pour les écoles bilingues (une pour les maternelles, une seconde pour les primaires), une série de fictions TV pour les chaînes locales et une série de dessins animés pour BrezhoweB, ainsi que quelques films et des documentaires. En tout, ce sont 80 jours par an de travail dédiés au doublage. Ce sont chaque année 15 000 enfants par an qui viennent voir nos films, quasiment l’ensemble de la filière bilingue.
« Nous travaillons pour plusieurs diffuseurs, France 3 ainsi que les télés régionales Tébéo, Tébésud, TVR 35, et BrezhoweB, une télévision sur Internet. Sur 20 ans, 150 à 200 comédiens sont passés derrière nos micros ; 20 à 25 comédiens travaillent régulièrement avec nous.
« Tous les deux ans, nous mettons en place un stage pour une vingtaine de personnes. Cela nous permet de découvrir les nouveaux talents, qui interviendront d’abord sur des petits rôles. Ils poseront ensuite leur voix sur des dessins animés, cela permet de travailler leur endurance. Ils pourront alors éventuellement accéder à des rôles de fiction.
« Le doublage demande des compétences particulières : l’utilisation de la bande rythmo, la précision rythmique, tout en conservant la finesse du jeu. Il faut réinterpréter un jeu d’acteur en utilisant l’énergie du comédien dans sa langue originale.
« Au début, le fait de ne pas avoir appris de texte et la lecture des bandes rythmo perturbent les acteurs qui en perdent les intentions de jeu. Petit à petit, ils apprennent à passer du comédien sur l’écran – avec son énergie – au texte.
« Pour nous, il est primordial de conserver un niveau de qualité élevé sur tous les produits. Nous avons travaillé d’arrache-pied, même sur l’âne Trotro. Nous souhaitons conserver l’attention des enfants pour que leur plaisir soit toujours renouvelé et qu’ils attendent avec envie les nouveaux produits doublés. »
QUELQUES DATES CLÉS DANS L’HISTOIRE DE DIZALE
2000 Création de la filière du doublage en langue bretonne par TV Breizh.
2003 Soutien au doublage de dessins animés, assurés par Dizale.
2004 Premier DVD en langue bretonne « Pablo a louarnig ruz ».
2004 Première projection cinématographique d’animations en breton avec les associations Dizale et Daoulagad Breizh (4 300 enfants participants).
2005 Soutien au doublage de fictions en breton, par l’association Dizale (Marion ar Faoued).
2007 Production des premières sitcom en breton (Leurenn BZH et Ken Tuch).
2008 Première diffusion d’un long-métrage en breton sur Internet et en salles (Le Cheval d’Orgueil, de Claude Chabrol).
2008 Annonce par TV Breizh de la suppression de tous les programmes bretons.
2009 Acquisition du studio de doublage de Lorient par Dizale.
2010 Adhésion à Produit en Bretagne.
2010 Formations professionnelles par Dizale : doublage en langue occitane, écriture de fictions…
2011 Diffusion du film « Braveheart » en VB et en prime time sur l’ensemble des chaînes de la TNT locale. Succès d’audience.
2011 Coproduction des fictions « Lann Vraz » (Kalanna) et « Fin ar Bed » (Lyo).
2012 Lancement de la plate-forme VOD : Breizh VOD.
2013 Doublage autofinancé du film –« 18 ans 9 Songs ».
2014 Doublage de la série galloise inédite en France « Y Gwyll » (Serr-Noz).
2015 Accueil de professionnels corses pour la création d’une filière de doublage en corse.
2016 Lancement de la plate-forme SVOD : Breizhvod+.
2017 Dizale s’installe au centre-ville de Quimper et investit dans un nouveau studio.
2018 Accueil d’un délégué des Cornouailles britanniques. Mise en place d’une formation pour doublage en langue gallèse. Visite d’Antoine de Caunes pour un documentaire diffusé sur Canal+.
Article paru pour la première fois dans Mediakwest #29, p.88/89. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.