La galaxie de formations Emergence

Depuis maintenant vingt ans, créée sous l’impulsion d’Élisabeth Depardieu, l’association Emergence propose à des réalisateurs en devenir de toucher du doigt, avant de plonger dans le grand bain de leur premier long-métrage, les conditions réelles d’un tournage. Emergence Cinéma regroupe bien plus qu’une résidence et se décline en une petite galaxie de formations où l’on aime bien faire se croiser les lignes.
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Quand on feuillette le catalogue des vingt ans d’Emergence, on croise un nombre impressionnant de créateurs. Ce n’est pas difficile, on a l’impression que tout réalisateur intégré à l’actuel dynamisme du cinéma d’auteur français a un jour ou l’autre franchi le seuil de cette résidence cinéma.

En cela, elle répond bien à la définition du concept d’émergence : Pierre Schoeller, Deniz Gamze Ergüven, Katell Quillévéré, Alice Winocour, Marc Fitoussi, Julie Bertuccelli, Leyla Bouzid, Léa Fehner, Mia Hansen-Løve, Sébastien Betbeder, Joachim Lafosse, Vincent Mariette, Antonin Peretjatko, Elie Wajeman, Farid Bentoumi, Sacha Wolff… L’équipe de consultants en scénario (Benjamin Charbit), réalisation (Mikhaël Hers), casting (Tatiana Vialle), montage (Julie Dupré), montage son (Elisabeth Paquotte), sous la houlette bienveillante des chefs d’orchestre, la déléguée générale Nathalie Bessis et le délégué artistique, Laurent Lavolé, guident chaque année cinq candidats, sélectionnés avec soin. Leur mission : donner les moyens à ces créateurs de tourner deux scènes de leur projet, tout en les aiguillant.

« C’est courageux de la part des lauréats de se lancer dans la prépa et le tournage de scènes alors même que le film n’est pas encore entré en financement, ils essaient des choses qu’ils mettent à l’épreuve de la réalité du tournage. Tout ce cheminement avec leur projet leur sera profitable au moment de la réécriture et nourrira la réflexion globale sur le futur film », souligne Nathalie Bessis. « Pendant sept mois, les heureux lauréats vont pouvoir passer de l’écrit à l’action, tout en échangeant entre pairs. Réalisateurs, techniciens, consultants… chacun se nourrit du travail des autres », sourit-elle.

 

À la barre de ce navire créatif depuis une dizaine d’années, la déléguée générale peut se réjouir : désormais Emergence Cinéma a pour synonyme label de qualité. « On sent que cela s’est professionnalisé du côté des candidats. Tout le monde sait ce que nous faisons maintenant. Rares sont maintenant les réalisateurs qui n’ont pas déjà réfléchi aux scènes qu’ils choisiront de tourner, à leur équipe technique. Les acteurs, les agents et les industries techniques jouent le jeu », explique-t-elle.

Se faire la patte, apprendre, se soutenir et se rencontrer, c’est aussi la clé de la réussite d’Emergence Cinéma. Pour mener tout ce petit monde jusqu’au bout de l’aventure, il faut des reins solides. Financièrement, le CNC et la Région Ile-de-France fournissent la plus grande partie du budget annuel d’environ 500 000 euros. Une aide essentielle qui est complétée par des partenariats en industrie : l’incontournable groupe Transpa, Tapages au Son, Pom Z et M141 pour le montage, Third au montage son et au mix et Polyson à l’étalonnage.

 

Si l’association rémunère son pool de techniciens « maison », ceux qui interviennent uniquement sur les deux scènes tournées par chaque lauréat œuvrent gracieusement. Cela leur permet de découvrir le projet du film, de voir s’ils auront l’envie ou la possibilité de travailler dessus quand aura lieu le tournage.

Avant de partir prendre pension à Marcoussis, Emergence Cinéma propose aussi de mélanger ses ouailles. En effet, outre la résidence de réalisateurs, l’association a développé d’autres cordes à son arc au fil des ans. Et c’est dans les murs de la Cité de la Céramique de Sèvres, qu’elle propose aux futurs réalisateurs et aux participants du stage d’acteurs de travailler de concert.

Le temps d’une journée, les réalisateurs lauréats prennent la caméra Alexa et fixent en 2K la même scène incarnée par les comédiens qu’ils découvrent. Ensuite, les raconteurs d’histoire se frotteront au montage de cette première séquence express, sur Avid. Une petite mise en bouche avant le départ des équipes pour tourner les scènes issues des projets de longs-métrages en Essonne, où la Résidence prend ses quartiers au Centre National de Rugby. « Comme les scènes tournées n’ont pas vocation à être diffusées, il n’y a aucun problème de droits et on gagne surtout une forme de liberté », glisse Nathalie Bessis.

 

Côté musique, Emergence ne s’en laisse pas non plus conter. Avec la Sacem, l’association a aussi imaginé un atelier musique, dédié au binôme réalisateur-compositeur de film. Et comme du cinéma à la série, il n’y a, in fine, qu’une différence de format d’image, depuis deux ans, la fabrique a agrandi sa famille. Pendant cinq mois (à raison de quatre jours de séminaire par mois), neuf auteurs déjà aguerris peuvent découvrir les subtilités de l’écriture en commun, en format long ou court (inférieur à 26 minutes) avec la crème de la crème des réalisateurs, des scénaristes, des producteurs, des diffuseurs, des festivals, des techniciens… qui redonnent actuellement des couleurs à la fiction made in France.

Nathalie Bessis ne compte pas s’arrêter en si bon chemin et se prend à rêver d’une résidence série pour accompagner « du concept à la bible et au pilote dialogué »… et pourquoi pas d’une formule autour du Podcast, avec toujours la volonté d’être là où les autres ne sont pas. Et l’on ne s’étonne même pas que l’association soit aussi impliquée dans les actions d’éducation à l’image en Essonne et réfléchisse à une formule tenue encore secrète pour l’année scolaire prochaine !

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #31, p.50. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors-Série « Guide du tournage ») pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.