Microfilms, un fabricant français aux produits vraiment uniques

Microfilms fabrique des machines, haut de gamme et innovantes, dédiées au tournage : dollies HF, grues et têtes remote. Ce concepteur français est également prestataire et exploite ses propres machines sur le territoire français et à l’étranger.
David Fayollet et Nicolas Charuet de Microfilms. © Loïc Gagnant

 

Nicolas Charuet et David Fayollet nous ont accueillis dans leurs nouveaux locaux de Saint-Denis, au nord de Paris, pour un échange passionnant.

 

La vente est-elle votre plus gros marché ?

Nous nous sommes diversifiés dans la vente exclusivement à l’étranger ; en France nous concentrons nos forces sur les prestations. C’est un marché important ! Un autre étant l’intégration à demeure de machines dans des studios. Nous en avons installé neuf chez France Télévisions, deux à Radio France et équipé en machinerie tout un studio pour une émission de Canal +.

Notre expérience métier en tant que prestataire nous permet d’aborder très sereinement nos installations à l’étranger. La dernière en date est la livraison d’un travelling en Ukraine pour une grosse émission politique. Le danger principal en tant que fabricant vendeur à l’étranger, c’est le SAV ; trop de voyages pourraient impacter notre rentabilité. Nous formons des personnes sur place en niveau 1 pour qu’elles puissent diagnostiquer rapidement les problèmes. Pour l’instant, nous avons eu très peu de SAV.

 

Pouvez-vous nous préciser quand et par qui a été créé Microfilms ?

En 1987, par Frédéric Vieille ! Initialement, Microfilms réalisait des effets spéciaux, avant de proposer des prestations de motion control avec des grosses machines. Un ingénieur, Louis Lapeyre, est entré dans la danse pour concevoir le premier dolly motorisé électrique ; la version 2 a intégré un système informatisé de pilotage. L’activité machinerie a été mise en place entre 2001 et 2005, avant une très grande accélération. Les émissions des années 90, comme Apostrophes n’utilisaient que des plans fixes et aucun mouvement. À l’époque, pour faire bouger les grosses caméras de cinéma il fallait un ou deux techniciens. Quand les petites machines sont arrivées sur les plateaux de télé, l’engouement a été immédiat. Lorsqu’on a proposé pour les Restos du cœur, des mouvements très rapides et stables, impossibles à réaliser avec une caméra portable, les demandes ont explosé. En 2007, Microfilms utilisait déjà une quinzaine de machines.

 

Nicolas et David, quels sont vos rôles au sein de Microfilms ?

Nicolas Charuet : Je suis arrivé en tant que responsable technique des prestations avant de devenir, deux à trois ans plus tard, manager de la partie location, puis de chapeauter (jusqu’à aujourd’hui) l’ensemble des équipes de prestations et les clients. Je me suis dirigé vers le commerce en mettant à profit mon bagage technique de terrain.

David Fayollet : J’ai été embauché chez Microfilms en 2007 comme ingénieur pour faire évoluer les machines existantes et concevoir de nouvelles séries. Je suis assez vite devenu responsable du développement et, à la fin de l’année 2016, j’ai racheté la société lorsque les actionnaires qui l’avaient créée ont pris leur retraite.

 

Quelle est l’offre actuelle de Microfilms ?

On nous consulte pour notre savoir-faire en ingénierie haut de gamme à coûts maîtrisés. Par rapport à la concurrence, nous développons entièrement nos machines, ce qui nous donne tout pouvoir de les adapter très rapidement. Nous sommes les seuls au monde à proposer des dollies sur travelling entièrement sans fil au sol ou en l’air et des grues en carbone mono-opérateur, très légères qui se montent en vingt minutes maximum. Il n’y a pas un seul fabricant qui ait réussi cela.

À l’image d’une canne à pêche, on adapte la longueur d’une Litecam très rapidement. Sur les modèles concurrents, il faut visser les éléments entre eux et utiliser des haubans qui imposent un démontage pour modifier la longueur du bras. La Tescam, elle, est télescopique électriquement. Nos grues vont de 2,5 à 7 mètres. Une plus grande longueur n’est pas toujours idéale ; en étant plus court on peut être plus dynamique.

 

Comment avez-vous réussi à proposer des produits aussi innovants ?

On adore à la fois faire de l’image et de nouvelles machines. Nous n’hésitons pas à utiliser des technologies inexplorées dans le métier. Le carbone, par exemple, issu des bateaux de course ou de la Formule 1, est un matériau rigide et léger, mais il présente des phénomènes de résonance qu’il faut maîtriser.

Aussi performantes que celles des grands fabricants du secteur, mais beaucoup plus petites et légères (150 kg), nos grues peuvent être installées dans des endroits « improbables » et déplacées dans un petit camion. Pour qu’un mouvement de caméra soit fluide, il faut que les déplacements des axes soient synchronisés ; que le zoom, le pan, le tilt et le mouvement du bras, démarrent et s’arrêtent en douceur… comme une plume.

Quand plusieurs opérateurs travaillent conjointement, un pour la tête, un pour le zoom et un autre pour le bras de la grue, c’est hyper difficile. De nombreuses répétitions sont alors nécessaires à la réalisation d’un beau mouvement. En télé, les plans sont filmés continuellement dans une boucle de mouvements qui s’enchaînent sans répétitions. Donc, le fait d’être seul place le pilote de nos grues un peu comme un steadicamer. L’outil est très difficile à piloter, mais l’opérateur a tous les axes dans la main et ses mouvements sont naturellement synchronisés.

 

Tirez-vous cette maîtrise de vos métiers d’avant Microfilms ?

Oui, mais également de beaucoup de recherches et d’apprentissage.

David : J’ai travaillé dans le domaine de l’emballage cosmétique. Pour fabriquer des shampoings, lorsqu’on déplace 5 000 pièces par heure on doit concevoir des machines très rapides nécessitant des pièces légères en carbone et des moteurs d’une grande précision. On a apporté cela dans les domaines de la vidéo et du cinéma.

Nicolas : Je suis issu d’une carrière pure et dure dans le cinéma aux États-Unis en tant que chef machino ou chef opérateur selon les films, sur de très grosses productions. Dans les domaines du cinéma et de l’audiovisuel, il n’y a pas beaucoup d’ingénieurs. La plupart du temps des chefs opérateurs ou des chefs machinos autodidactes conçoivent leurs propres machines. Nous ciblons une gamme plus évoluée grâce à notre bagage industriel. On bénéficie de l’expertise de nos ingénieurs qui viennent de milieux très différents.

 

Comment est constituée l’équipe de Microfilms ?

Six personnes sont dédiées à l’activité prestation et cinq au développement. On a fait le choix de consacrer un grand pourcentage de notre force vive au développement. Nous travaillons régulièrement avec une équipe de vingt-cinq à trente intermittents dont quinze à vingt travaillent presque exclusivement pour nous. Nos machines sortent avec au moins un technicien pour la mise en œuvre et le suivi d’exploitation. Cinq ou six personnes sont spécialisées dans le pilotage des grues. Pour les nouveaux entrants, nous dispensons une formation technique suivie d’un doublon en exploitation.

 

En plus des grues et dollies, fabriquez-vous d’autres produits ?

Depuis deux ans, on développe une nouvelle gamme de têtes stabilisées en carbone. Il est impossible de trouver sur le marché une tête plus légère que notre petit modèle M3 utilisé dans de nombreuses configurations (grues, Juniors et câble-cams). Notre dernière nouveauté est un prototype de tête beaucoup plus grosse ; pour aller au-delà de l’utilisation de caméras box type Sony P1 ou Alexa Mini imposée sur le petit modèle, on peut y mettre les grosses caméras du marché. Nous proposons également deux types de câble-cams : un modèle autotracté sur batterie ; et un second à treuil pour parcourir de plus grandes longueurs. La cible de ces produits, c’est le sport : le grand prix de Monaco, les courses de voitures et de chevaux, de ski ou de vélos.

 

Le profil du bras de la Tescam le fait ressembler à un mât de bateau !

Après des études mécaniques sur le comportement du carbone, on s’est aperçu que la meilleure forme n’était pas carrée, ni ronde, mais un peu triangulaire. Même si on a l’impression que l’on a détourné un bras de bateau, c’est un profil que l’on a dessiné spécifiquement pour des soucis de guidage et de rigidité. Nous avons conçu les outils et la méthode de fabrication conjointement avec un fabricant français (produisant également des mâts de bateaux), pour obtenir le profil spécifique de notre conception. Toutes les pièces sont conçues et dessinées ici, leur fabrication est la plupart du temps sous-traitée parce que nous ne disposons pas des nombreuses machines spécifiques nécessaires à cette étape. L’assemblage, en revanche, est toujours réalisé dans nos ateliers, et nous conservons une très étroite relation avec nos sous-traitants.

 

Vous faites appel à combien de corps de métiers en interne ?

On peut séparer le travail en trois parties : la mécanique, l’électronique et l’informatique avec la programmation logicielle. Dans certaines sociétés, des mécaniciens initient le travail, suivis des électroniciens et des informaticiens qui intègrent les logiciels dans l’électronique ; très souvent sans échanges préalables. Chez nous, tout le monde travaille en symbiose sur le même projet dès le début ; de temps en temps des parties sont plus faciles à faire en mécanique, d’autres en électronique, pour aboutir à la conception de produits beaucoup plus performants.

Nous intégrons grâce à cette organisation beaucoup d’électronique dans la mécanique. On a l’impression, en regardant notre grue, qu’elle n’est que mécanique, mais tous les câbles, les contacts et de nombreux éléments électroniques sont intégrés dans le bras. Nous constituons une banque d’organes, chacun étant dédié à une fonction, associé avec la mécanique, l’électronique et l’informatique. On obtient un réseau de modules autonomes que l’on chaîne les uns avec les autres.

 

Vous vous êtes mis à fond dans la technologie IP ?

Nous sommes parmi les seuls fabricants au monde à avoir développé des machines en full IP natives ; et le seul fabricant à intégrer dans nos semelles de caméras une carte électronique avec les protocoles de communication et de pilotage en numérique et analogique des objectifs de toutes les marques, des moteurs externes de cinéma comme Preston et des principales caméras. Toutes les data cameras et machines transitent via IP par un câble unique ou une fibre optique. Nos postes de commande peuvent piloter plusieurs machines. Un système de production peut, une fois branché sur le réseau, piloter les machines à distance depuis n’importe quel endroit pour envoyer des rappels de position ou lui demander de décrire des mouvements préenregistrés.

 

Avez-vous une gamme de produits organisée commercialement ?

Nous avons deux gammes principales de produits, la première dédiée à notre activité de prestation et la seconde spécifiquement développée pour la vente et les installations à demeure. On retrouve dans chaque gamme, des dollies, des têtes remote, des grues et des machines conçues pour les plans aériens.

 

Pourquoi avez-vous choisi le nom de Junior pour votre produit phare ?

Le concepteur de la machine ayant construit un prototype vraiment gros, il a choisi le nom de Junior, en comparaison, pour le modèle définitif. Aujourd’hui, Junior étant devenu un mot générique pour ce type de machines, il serait difficile d’en changer le nom. Le Junior 5, dédié à la prestation, est un modèle très précis et vif, qui peut explorer des vitesses très lentes à très rapides. Le Junior 5 est le modèle haut de gamme, la machine à tout faire avec laquelle il est très rare d’être battu. Il peut fonctionner sans fil et être monté à l’envers ou en « low mode » pour aller très vite lors de la captation sportive ou de concerts. On a décliné pour équiper des plateaux à demeure un modèle simplifié, le Junior C, tout aussi précis mais moins rapide, la très grande vitesse étant inutile sur un plateau TV. Il est moins onéreux, connecté par fibre optique et on peut toujours y monter de grosses caméras.

 

Peut-on parler de budget ?

Un Junior 5 est commercialisé en package aux alentours de 150 000 €. Avec un budget inférieur à 100 000 €, avec un poste de commande et les rails, le Junior C intéresse de plus en plus de clients. C’est notre machine plug and play ! On y a intégré un maximum de fonctions, pour qu’elle soit plus simple à mettre en œuvre. Dans une unique fibre (qui comporte des fils de cuivre pour l’énergie) on passe la puissance, la vidéo et les commandes de la machine, des caméras et des objectifs. Habituellement un gros tuyau traîne derrière ce type de machine.

Les gros moteurs de certaines machines concurrentes consomment beaucoup d’énergie et ne pourraient pas utiliser ce type de câble. Depuis sept à huit ans nous utilisons des technologies bas voltage et basse consommation (une nécessité pour des machines HF) autorisant une autonomie de six à huit heures avec des batteries classiques v-lock du commerce. Nos machines sont également directement compatibles pour « fournir » les datas nécessaires aux applications de réalité augmentée ou de studio virtuel. On dispose de données très précises en temps réel sur les positions du chariot et de la colonne, tous les paramètres de la tête (pan, tilt) et également de l’objectif (zoom et point).

 

Avez-vous des systèmes « haute vitesse » ?

On utilise actuellement moins de systèmes à haute vitesse. Mais on propose un Junior Sport avec un système câblé à treuil en remplacement de la motorisation embarquée pour des changements de direction presque instantanés : des caractéristiques qui étaient intéressantes pour le foot, mais la demande a évolué. Dans les années 80-90, on travaillait sur des plans plus larges avec une observation de la stratégie. Petit à petit, sous l’impulsion des réalisateurs de Canal+, la réalisation a utilisé beaucoup de plans serrés avec plus de longues focales, avec des steadicamers sur le terrain et des grues derrière les buts. Pendant longtemps les travellings rapides étaient utilisés en touche, près des entraîneurs pour filmer de près les débordements sur l’aile. Plus récemment le star-système s’est mis en place : le réalisateur décide au début du match qui va être l’homme de la soirée. On utilise de nombreuses caméras « loupes » et des câble-cams 3D.

 

Travaillez-vous également dans le domaine du cinéma ?

Lorsque la demande en télévision était forte, nous avions décidé de nous consacrer exclusivement à ce marché. Traditionnellement la machinerie pour le cinéma est lourde (une dolly de cinéma, une Pee wee, pèse 180 kilos), il aurait été compliqué de concevoir des machines universelles. Mais aujourd’hui les caméras de cinéma ont « fondu » ; de plus en plus de captations sont faites avec des caméras beaucoup plus petites, amenant les professionnels du cinéma à s’intéresser de près à nos machines.

Nous avons déjà travaillé sur plusieurs tournages : dans Comédie humaine, de Xavier Giannoli avec Gérard Depardieu, une scène se déroule dans un opéra classé parisien avec des dialogues au balcon de l’opéra. On ne peut rien toucher, il faut une caméra installée dans le vide qui filme les champs et les contre-champs. Le montage d’une structure d’échafaudage aurait été très compliqué à insérer dans le planning de production. On a installé notre grue télescopique entre les sièges du théâtre. La solution étant tellement mobile, la production a décidé le soir même de démonter la grue et de la remonter sur la scène. Le rideau s’ouvre lorsque les acteurs font leur révérence ; à ce moment la grue prend le relais pour un plan qui découvre toute la salle en train d’applaudir ; impossible à réaliser avec les outils traditionnels.

 

Pouvez-vous nous préciser qui sont vos clients ?

Historiquement nos clients principaux étaient les gros prestataires vidéo, mais ils ont disparu progressivement ; pendant que nous montions parallèlement en compétence en tant que prestataire. Il y a une quinzaine d’années les prestataires vidéo étaient « préconisateurs » et chapeautaient les prestataires de machinerie. C’était logique car il y avait de nombreuses interconnexions de signaux vidéo, d’alimentation et de monitoring ; il n’était pas facile de s’intégrer dans un dispositif vidéo.

Nos clients sont aujourd’hui les producteurs de cinéma et de télévision qui nous consultent directement. Plus que la simple location de machines, ils nous interrogent sur la réalisation de leurs projets, à partir de simulations 3D ou d’idées de plans. Cette démarche de prestataire d’effets spéciaux pour le cinéma a été la mienne pendant une grande partie de ma vie aux États-Unis : des responsables d’effets spéciaux partant d’une cinématique m’interrogeaient sur les moyens de réaliser un plan, voire toute une scène, avec des machines différentes, dans des endroits différents, en studio et en extérieur.

 

Auriez-vous un exemple significatif de votre organisation ?

Nicolas : On travaillait sur un défilé de Louis Vuitton ; tout était prévu. Subitement, et seulement dix jours avant la prestation, des contraintes énormes ont été ajoutées, imposant en urgence des calculs de tension des câbles et de faisabilité. Moi j’étais sur place avec mon expertise en machinerie. J’échangeais à distance avec David qui, depuis notre bureau d’étude, effectuait des calculs de charge et d’efforts pratiquement instantanément pour trouver les solutions. Le producteur m’a pris à part, si on ne pouvait pas répondre c’était une catastrophe pour lui. C’est une grande pression, mais en même temps notre force c’est de pouvoir vraiment définir avec le client ce dont il a besoin et ensuite de pouvoir le réaliser.

 

La mode est un marché important pour vous ?

L’univers de la mode et du luxe en France est vraiment en train de prendre une place importante. Ce sont des clients très exigeants qui veulent de belles machines cachées dans des décors toujours plus complexes. Les demandes sont toujours spécifiques : il faut mettre des machines en l’air, mais sans voir les câbles et sans les accrocher. C’est là qu’on intervient.

On nous a demandé d’équiper dans un délai réduit un plateau de Dock 10 pour la plus grosse émission de foot de la BBC : Match of the Day, tournée à Manchester. Ils sont arrivés en nous disant : on a besoin d’un travelling aérien avec des rails suspendus ; puis ils nous ont dit qu’on ne peut pas vraiment l’accrocher à cause d’une faible hauteur de plafond. Ils nous ont ensuite précisé que nous devions travailler sur 22 mètres de long et qu’il allait y avoir de la lumière partout et un fond vert intégral en réalité virtuelle ; la colonne télescopique devait également pouvoir descendre sans aucun câble.

Nous avons commencé par un repérage, puis nous nous sommes adaptés sur des sortes de poutrelles métalliques qui passent un peu partout pour tout monter au moteur. On a fait construire par des fabricants anglais des gouttières sur mesure en fibre de verre que l’on a tapissées de moquette pour mettre nos câbles. Ensuite, David et son équipe ont travaillé sur le développement de la partie « réalité augmentée ». On a dû affiner les réglages ; la position de la colonne engendrant des vibrations parasites, il nous a fallu ajouter des capteurs pour corriger tous les petits défauts.

 

Est-ce que la réalité augmentée a fait évoluer votre métier ?

On pensait que la réalité augmentée avancerait plus vite. Le vif intérêt des débuts marque un peu le pas aujourd’hui. La France a du retard, mais chez Microfilms, nous sommes très avancés dans ce domaine.

 

Qu’est-ce que cela change concrètement pour vos machines et dans votre développement ?

Le changement principal concerne le transfert des données caméras ; il faut mettre en place des « échanges de protocoles » et communiquer des données fiables sur la position des machines aux moteurs de rendu. Il y a une phase de calibration pour faire coïncider les mondes réel et virtuel, en définissant un point de référence, le point zéro. Avec un unique système de rendu, c’est plutôt simple, mais lorsqu’il y en a plusieurs qui travaillent en parallèle et plusieurs machines, la complexité croît exponentiellement. À Manchester il y avait huit axes. Après deux jours d’échanges, on a fait un trou à la perceuse dans le beau sol du studio pour finalement pouvoir définir le point zéro.

L’interface homme-machine est également importante ; nous avons développé, il y a plus de deux ans, une solution simple qui fonctionne dans tous les cas, une machine facile à calibrer pour un opérateur non spécialisé. Aujourd’hui nous avons une solution fonctionnelle configurable en un quart d’heure. À Manchester la machine est en exploitation depuis plus d’un an. On a pris beaucoup d’avance dans ce domaine.

Avec M6 on a travaillé sur l’émission Top Départ et formé un technicien. Il a sa méthode de calage, une méthode suffisamment fiable pour qu’il n’y ait pas besoin de recalibration d’une semaine à l’autre. Traditionnellement les fabricants comme nous mettent en place les machines et les spécialistes du tracking y installent des solutions de suivi de la position des caméras en mouvement dans l’espace. Sur nos machines, tout le tracking est pris en charge en interne par la machine qui communique ses données de positions sans aucun système externe de tracking ni aucune des cibles utilisées habituellement. Les systèmes de tracking optique filment des cibles pour extrapoler la position de la caméra ; nous on récupère les données issues des codeurs des moteurs qui ont une bien plus grande précision.

À Manchester, derrière la baie vitrée du décor virtuel, le stade de Manchester est numérisé. Quand on se retourne pour regarder les vitres, on peut « zoomer » dans le stade de Manchester jusqu’à lire les numéros des sièges. Notre caméra est la seule qui arrive à zoomer à fond de focale sans trembler. En récupérant les informations du moteur, notre extrême stabilité en image réelle, nous rend super stable en virtuel. L’installation est très simple ; au-delà du travail en plateau, on peut envisager de faire de la réalité augmentée ou du studio virtuel directement sur des évènements.

Aujourd’hui, chez Microfilms, n’importe lequel de nos Juniors est désormais nativement « tracké » et compatible avec la réalité augmentée. Si un de nos clients a déjà une de nos machines sur son plateau, elle est prête.

 

Nous vous laissons le mot de la fin…

Il est très rare de trouver des fabricants qui, comme nous, développent des gammes de machines aussi différentes. La plupart du temps, si un concurrent développe un dolly, il ne fait pas autre chose. Nous pouvons nous vanter d’être à la pointe dans chacun de nos domaines : il n’y a pas de machines équivalentes dans le monde. Concernant les têtes stabilisées, aujourd’hui notre principal souci c’est de ne pas être connus. Elles sont plus performantes et plus légères que celles de la concurrence. Il nous reste un vrai travail commercial à faire. En véritables passionnés, nous avons parfois du mal à arrêter de développer nos produits pour consacrer du temps à les faire connaître.

 

Article paru pour la première fois dans Mediakwest #36, p. 14-22. Abonnez-vous à Mediakwest (5 numéros/an + 1 Hors série « Guide du tournage) pour accéder, dès leur sortie, à nos articles dans leur intégralité.