Nathalie Coste-Cerdan, une directrice générale à la tête de La Fémis !

« Pour faire du cinéma, il faut être armé, savoir surmonter ses erreurs et ses doutes… Si, quand on entre à La Fémis, on peut croire que l’on est fait pour cet univers ; quand on en sort, c’est devenu une certitude ! L’école contribue au renforcement de la légitimité de la vocation, et c’est là l’une de ses grandes missions ! », confie Nathalie Coste-Cerdan, la nouvelle directrice générale de La Fémis .*
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Nathalie Coste-Cerdan a été nommée à la direction générale de La Fémis le 15 juillet 2016 sur proposition de la ministre Audrey Azoulay. Un décret réglementaire stipule, depuis 2014, que le directeur d’un établissement public ne peut remplir pas plus de trois mandats au sein de la même entité : cette mesure a entraîné le départ de Marc Nicolas qui était le directeur de l’École nationale supérieure des métiers de l’image et du son depuis 14 ans.

Cet été, à quelques jours de la rentrée des élèves, Nathalie Coste-Cerdan nous a fait partager son intérêt pour cette école prestigieuse qu’elle dirige désormais. Elle nous a aussi décrit son parcours entre XXe et XXIe siècle et fait part de sa volonté d’encourager l’acte de création ou encore d’ouvrir davantage l’école au monde…

 

MK : Comment s’est déroulée votre nomination et, selon vous, pourquoi avez-vous été choisie ?

Nathalie Coste-Cerdan : Le processus a commencé en mars… Un comité de sélection présidé par Raoul Peck, président du conseil d’administration de La Fémis, a émis un avis à partir de l’étude de plusieurs candidatures, puis c’est la ministre de la Culture qui a décidé de m’attribuer le poste sur la recommandation de ce comité de sélection. Ensuite, il a fallu attendre que le décret soit signé par le président de la République… Le 13 juillet au soir, le ministère m’a contactée pour m’annoncer : « C’est bon, c’est vous ! » J’ai pris mes fonctions le 15 juillet au matin. À ce moment-là, il n’y avait pas grand monde, parce que c’était l’été et le week-end du 14 juillet : une première épreuve du feu, en quelque sorte !

Devant ce comité, l’enjeu n’a pas consisté à me différencier en présentant un projet pour l’école. La Fémis affiche déjà un niveau très enviable en matière de richesse pédagogique ; beaucoup de chantiers sont en cours. Il faut consolider cet ensemble plutôt que tout bouleverser. Je pense que le comité qui a examiné ma candidature a été avant tout convaincu par ma personnalité et par mon expérience…

 

MK : Vous venez du secteur privé, quel est votre parcours ?

N. C-C : Mon parcours commence au XXe siècle ! J’ai travaillé à l’Ina, puis dans un organisme appelé Bureau d’informations et de prévisions économiques (Bipe), entre 1984 et 1995. J’ai alors mis en œuvre des études financées par les pouvoirs publics pour décrypter le fonctionnement des industries culturelles : cinéma, télé, audiovisuel… Après une étude pour le compte de Canal+ consacrée à la mise en œuvre d’une stratégie multimédia au sein de la chaîne, j’ai été appelée pour déployer les activités de télévision multimédia de Canal. Il fallait tout construire : les programmes, le financement, la partie technique. Il y avait de nombreuses originalités techniques, notamment du téléchargement et plein de choses compliquées : c’était jubilatoire ! Puis, de fil en aiguille, j’ai eu la chance de passer à la direction des chaînes de cinéma du groupe Canal, qui s’appelait à l’époque Ciné-Cinéma. Toutes les époques du cinéma, tous les courants mondiaux étaient balayés à travers six ou sept chaînes. Notre stratégie éditoriale devait donner l’envie au public de découvrir les œuvres. Nous programmions près de 2 000 films par an et nous entrions dans le préfinancement d’une centaine d’œuvres ; c’est alors que j’ai commencé à lire les scénarios.

Enfin, en 2014, j’ai eu l’opportunité de prendre la direction du cinéma de Canal+… Une entité qui consacre 500 millions d’euros par an au cinéma, dont 160 millions au marché français. Parmi mes missions, j’avais en charge l’acquisition de longs métrages dans le monde entier et l’éditorialisation du cinéma dans le groupe. Durant cette période, j’ai aussi travaillé à la renégociation des accords de Canal+ avec les représentants du cinéma français : ces accords définissent le cadre, pour 5 ans, dans lequel le groupe travaille actuellement avec l’industrie du cinéma. Vu l’importance de Canal+ dans le financement du cinéma français, l’enjeu était économique, mais aussi très politique… J’ai été éconduite de mon poste pour des raisons que je n’ai à ce jour pas identifiées. Plusieurs chemins se sont alors ouverts à moi. J’ai pensé que La Fémis, dont j’avais été membre du conseil d’administration, pourrait me permettre de revenir à la source de la création…

 

MK : Comment comptez-vous mettre en perspective les besoins de La Fémis avec vos parcours précédents ?

N. C-C : J’apporte une expérience qui n’est pas la même que celle de mon prédécesseur, c’est sûr. Je dispose d’une connaissance sur la réalité du financement du cinéma, mais aussi sur la façon dont le public perçoit les œuvres cinématographiques. Cette nouvelle aventure représente l’opportunité de mettre mon carnet d’adresses au service d’une école qui forme les talents de demain et de mettre en œuvre mes compétences de gestion d’équipe et de projets.

 

MK : Quels changements comptez-vous apporter à plus ou moins long terme ?

N. C-C : Je vais observer le fonctionnement de l’école pendant quelques mois. Mon premier objectif sera de donner un peu d’agilité et de jeu à la structure car, pour l’instant, la place réservée à l’exceptionnel est très restreinte. J’ai aussi un projet concret qui me tient à cœur : faire en sorte que tout le savoir concentré dans nos murs puisse être accessible à d’autres publics, avec peut-être avec un Mooc… Mais avant cela, il faut que j’étudie comment introduire des nouveautés dans une organisation qui a déjà intégré beaucoup de transformations au cours des années précédentes !

 

MK : Envisagez-vous de nouveaux partenariats ?

N. C-C : De nombreux partenariats sont déjà en cours. Notamment tous ceux permis par Paris Sciences et Lettres (PSL), qui regroupe plusieurs établissements supérieurs en vue de créer des pôles de compétences plus riches en ressources, dans la perspective de développer des recherches. Outre La Fémis, le Conservatoire national supérieur d’art dramatique, le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, l’École nationale supérieure des arts décoratifs sont déjà dans ce regroupement qui compte aussi Dauphine, l’ENS et le Collège de France… Je compte bien multiplier les partenariats de ce type, car les sujets qui peuvent être des objets de recherche en matière technologique, esthétique, économique sont légion et la création est un terreau fertile pour produire de nouveaux champs de réflexions.

J’envisagerai aussi des chaires avec des sociétés privées, de même que des partenariats techniques susceptibles de développer nos moyens… Par ailleurs, nous essayerons de renforcer et diversifier les partenariats au niveau international. Même si La Fémis compte déjà quatorze écoles partenaires impliquées dans les échanges d’étudiants, nous devons encore nous consolider sur certains territoires. Certaines régions du monde peuvent encore s’ouvrir : c’est le cas de la Chine.

… Voilà beaucoup de pistes pour une petite structure comme La Fémis ! La mise en œuvre de toutes ces initiatives demandera beaucoup d’énergie côté administration, il faudra donc avoir des idées très claires sur ce que nous voulons faire et sur le calendrier. Il faudra aussi bien s’assurer des ressources disponibles, car il s’agit de déployer des dispositifs pérennes !

 

Chiffres et points clés de la formation initiale

La formation initiale de La Fémis propose quatre années d’études à 40 élèves du cursus principal. Leur processus de sélection s’opère à partir d’un concours auquel participent 1 000 jeunes aspirants.

Lors de la première année, ces 40 étudiants réalisent des courts métrages en étant tour à tour réalisateur, chef-opérateur, monteur, ingénieur du son… Ils sont ainsi amenés à comprendre qu’ils ne sont qu’un élément d’un tout et que le cinéma est une œuvre collective.
La deuxième année, les étudiants entrent dans la section de leur choix (parmi les dix possibles) et se spécialisent dans un métier. Leur apprentissage conjugue théorie, exercices pratiques, rencontres avec des professionnels.
La troisième année leur donne l’occasion de réaliser six films avec la casquette professionnelle de leur spécialisation, un exercice qui enracine les apprentissages de la deuxième année.
– La quatrième et dernière année accorde plus de liberté, puisque le travail de fin d’études se concrétise par la réalisation d’un film personnel.

À ce cursus principal, se rajoutent plusieurs cursus : la création de séries TV, la distribution, l’exploitation, le script, la résidence, le doctorat SACRe… Ces cursus concernent une vingtaine d’élèves par an, en moyenne, et leur durée varie d’un à trois ans.

 

L’école sollicite chaque année 500 intervenants du milieu du cinéma pour encadrer et former ses étudiants. Son budget de fonctionnement s’élève à 11,8 millions d’euros. Il est pourvu à 80 % par le CNC ; les 20 % restants proviennent de sources de financement privées : fondations, taxe d’apprentissage.

 

* Cet article est paru pour la première fois dans Mediakwest #18, pp.82-83. Soyez parmi les premiers à lire nos articles en vous abonnant à notre magazine version papier ici